Mediator : les victimes sceptiques quant à la volonté de Servier de les indemniser

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Jacques Servier au palais de justice de Nanterre, le 21 mai 2013 (Photo : Lionel Bonaventure)

[15/05/2014 16:36:24] Paris (AFP) Des avocats de victimes du Mediator ont accueilli jeudi avec scepticisme l’engagement du laboratoire Servier d’indemniser toutes les victimes de ce scandale sanitaire au coeur de plusieurs procédures judiciaires.

Le nouveau président du groupe pharmaceutique, Olivier Laureau, a assuré mercredi que le groupe “assumerait (ses) responsabilités” et, dans le cadre des procédures de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) et des procédures civiles, “indemniserait tous les patients qui ont souffert” de la prise de ce médicament à l’origine de graves lésions des valves cardiaques.

M. Laureau a pris ses fonctions fin avril peu après le décès à 92 ans du fondateur du laboratoire, Jacques Servier, qui cristallisait la colère des victimes.

“Il n’y a rien de nouveau dans ces déclarations”, a estimé Charles Joseph-Oudin, avocat de nombreuses victimes. Pour lui, Servier est dans “une stratégie de communication” dictée par les échéances judiciaires.

Au pénal, l’affaire du Mediator est l’objet de deux procédures distinctes. A Paris, les juges d’instruction ont récemment notifié la fin de leurs investigations. A Nanterre, plus de 700 parties civiles demandent réparation sur citation directe.

Jeudi, la présidente de la XVe chambre du tribunal correctionnel de Nanterre, Isabelle Prévost-Desprez, a renvoyé l’affaire au 19 décembre.

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Une plaquette de Mediator (Photo : Fred Tanneau)

Les deux procédures pourraient être regroupées et un “grand” procès, où seraient examinées toutes les responsabilités pénales de ce scandale sanitaire, pourrait avoir lieu en 2015.

Parallèlement, les victimes peuvent obtenir une indemnisation de leur préjudice corporel via l’Oniam, ou via les juridictions civiles.

– ‘Cruauté sans relâche vis-à-vis des victimes’ –

“Depuis des années, les laboratoires ont une volonté affichée d’indemniser les victimes, mais qui ne se traduit pas dans les faits puisque les sommes proposées sont souvent insuffisantes”, déplore Me Joseph-Oudin.

“Nous avons toujours indemnisé de manière satisfaisante les dossiers complets c’est-à-dire où une expertise est établie et a donné lieu à une imputabilité de ce médicament”, a réagi François de Castro, avocat du laboratoire.

Un collège d’experts, réuni par l’Oniam, a statué sur environ 2.400 demandes d’indemnisations de personnes ayant pris du Mediator et a donné à un avis favorable pour une indemnisation à 448 victimes, a indiqué jeudi à l’AFP le directeur de cet organisme, Erik Rance.

“Il est vrai que les laboratoires Servier versent des indemnisations”, concède Me Juliette Nattier, qui représente une trentaine de victimes. “Mais ce n’est pas nouveau dès lors que le lien de causalité est retenu par un expert désigné par les tribunaux ou l?Oniam.”

Pour elle, les nouveaux dirigeants du groupe “se devaient de prendre publiquement position sur cette affaire”, compte tenu du décès de M. Servier. “Pour autant, les Laboratoires Servier ne font pas de chèque en blanc aux victimes”, relativise-t-elle, “ce n’est pas parce qu’ils communiquent en disant qu’ils vont verser des indemnisations qu’ils vont cesser de se défendre dans le cadre des procédures en cours”.

Pour la pneumologue Irène Frachon, à l’origine de la révélation du scandale du Mediator, il faut espérer que les nouveaux dirigeants de Servier “mettront en adéquation les paroles et les actes”. “Depuis le début les paroles sont lénifiantes, mais les actes d’une cruauté sans relâche vis-à-vis des victimes”, regrette-t-elle.

Pour Me Joseph-Oudin, la procédure à l’Oniam n’est “généralement pas satisfaisante” en raison de sa lenteur mais aussi du caractère “extrêmement insuffisant” des propositions d’indemnisation. Ce qui pousse certaines victimes déçues à tenter d’obtenir réparation auprès des juridictions civiles, où le laboratoire soulève aussi selon l’avocat des “contestations multiples”.

Utilisé par cinq millions de personnes en France, le Mediator pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise judiciaire.

Le Mediator, qui contient une molécule coupe-faim, le benfluorex, a été indiqué pendant trente ans, d’abord contre l’excès de graisses du sang, puis comme traitement adjuvant chez les diabétiques en surpoids, avant d’être retiré du marché fin 2009. Il a en fait été largement prescrit pour maigrir.