été générale, Jérôme Kerviel à Vintimille, en Italie, le 17 mai 2014 (Photo : Marco Bertorello) |
[17/05/2014 15:20:43] Vintimille (Italie) (AFP) L’ex-trader de la Société Générale, Jérôme Kerviel, attendu en France pour purger une peine de prison, a choisi de faire durer le suspense en refusant de quitter l’Italie, dans l’attente d’une hypothétique réponse de François Hollande à une demande d’immunité pour de possibles témoins dans son affaire.
Arrivé à quelques dizaines de mètres de la frontière, en bord de mer, tout près de Menton, Kerviel, de retour de deux mois et demi d’un parcours pédestre en Italie, s’est arrêté de marcher pour annoncer sa décision face à une nuée de caméras.
“J’attends côté italien la réponse de François Hollande sur l’immunité que je demande pour ces personnes qui sont prêtes à parler”, a-t-il dit, entouré de membres de son comité de soutien. Ajoutant, à propos de la police française, “s’ils veulent venir me chercher, qu’ils viennent me chercher”.
La justice a enjoint à l’ancien courtier de 37 ans, condamné à cinq ans de prison dont trois ferme pour des opérations ayant fait perdre 4,9 milliards d’euros à sa banque, de se présenter avant dimanche soir au commissariat de police de Menton. Samedi, l’avocat de Kerviel, Me David Koubbi, a indiqué que son client avait un délai allant jusqu’à 15h dimanche.
Kerviel et son défenseur estiment que “la lumière n’a pas été faite sur cette affaire”, selon les termes de l’avocat, pour qui “il est temps de ne pas avoir peur de la Société générale, du système bancaire”.
Selon Me Koubbi, les connaisseurs du dossier susceptibles de parler font partie de “l’appareil judiciaire français”.
Symbole voici six ans des dérives qui ont mis à terre le système bancaire mondial, aujourd’hui métamorphosé en repenti et victime du système, Jérôme Kerviel avait quitté samedi matin son petit hôtel de Vintimille, direction la France.
“Plus que jamais, je suis heureux de retrouver mon pays”, avait-il simplement déclaré, après avoir assisté à une messe célébrée par l’évêque de Gap et d’Embrun, Mgr Jean-Michel di Falco, président de son comité de soutien.
Parmi ses soutiens, le père Gourrier, de Poitiers, portant un sac à dos avec une citation du pape François – “Non à la dictature de l’économie sans visage” – et une photo de l’ex-trader rencontrant le souverain pontife, a marché à ses côtés jusqu’à la frontière. Racontant l’avoir rencontré il y a une semaine et avoir déjà cheminé trois jours avec lui, il s’est engagé à terminer la marche de son protégé si celui-ci était incarcéré avant d’arriver à Paris.
“J’espère qu’il ne sera pas arrêté. Le parquet peut différer l’exécution de la peine pendant cinq ans”, a-t-il dit, ajoutant que Jérôme Kerviel n’était “pas un danger pour l’ordre public”.
– Pèlerin marchant pour sa rédemption –
L’ex-banquier a entamé sa longue marche en Italie le 5 mars après une rencontre décisive avec le pape à Rome en février.
“La violence du tapage médiatique orchestré ces derniers jours par Jérôme Kerviel et son entourage mêle mensonges, amalgames et approximations et nécessite une mise au point”, a réagi samedi la direction de la Société générale. Pour elle, la justice a “confirmé sans équivoque” “la responsabilité pénale exclusive” de M. Kerviel.
En octobre 2010, Jérôme Kerviel, jugé seul responsable de la perte subie par sa banque, avait été condamné à cinq ans de prison dont trois ferme, une peine dont il a déjà purgé 41 jours en détention provisoire début 2008.
Le trader avait dissimulé, en introduisant de fausses données dans un système automatisé, ses prises de risques sur des produits financiers dérivés, entraînant une perte abyssale de 4,9 milliards d’euros pour sa banque.
été Générale Jérôme Kerviel (d) et son avocat David Koubbi (c) devant la presse à Vintimille, en Italie, le 17 mai 2014 (Photo : Marco Bertorello) |
Alors qu’il était aussi condamné à rembourser cette somme, la Cour de cassation a créé un coup de théâtre en mars en invalidant cette obligation – tout en maintenant la condamnation pénale, et la peine de prison. Une “victoire” pour l’ex-trader qui accuse sa banque d’avoir “menti”. Un nouveau procès au civil doit se tenir devant la cour d’appel de Versailles.
Jérôme Kerviel réclame une expertise indépendante des pertes enregistrées par son ancienne banque, ce qui lui a toujours été refusé par la justice.
Montré du doigt lorsque l’affaire éclata en janvier 2008, il cultive désormais l’image du pèlerin marchant pour sa rédemption, s’extasiant de la “richesse” des hommes et femmes rencontrés sur son chemin.