L’ambiance malsaine qui règne depuis quelques semaines à Nidaa Tounes donnait à penser que la réunion du bureau exécutif dimanche 18 mai 2014 allait servir à assainir le climat en s’attaquant aux racines du mal profond qui ronge ce parti: absence de débat et d’identité commune à toutes ses composantes, manque de transparence, gestion autoritaire, montée en puissance de Hafedh Caïd Essebsi, fils du fondateur-président, etc. Certains «bruits» ont même annoncé un possible «compromis boiteux» qui permettrait aux différents protagonistes de sauver la face et, surtout, de pouvoir se concentrer sur la construction du parti et la préparation des prochaines échéances électorales.
Très attendue, la réunion du Comité exécutif de Nidaa Tounes a accouché d’une souris: la décision de tenir le congrès constitutif du parti, le 15 juin prochain, pour élire ses instances dirigeantes. Certes, rien de plus normal pour une formation politique –surtout nouvelle- que de réunir son instance suprême pour mettre en place structures et dirigeants appelés à gérer le parti et à le préparer aux échéances qui pointent à l’horizon –les élections présidentielle et législatives dans le cas présent.
Idem pour le recours aux urnes qui reste le seul moyen d’attribuer des postes et responsabilités et de traduire des rapports de force dans les faits.
Sauf que dans le contexte présent de Nidaa Tounes, cette décision
– prise à l’instigation du président du parti, par acclamation, donc sans vote- veut dire que BCE a abandonné la position d’arbitre –qui était plus ou moins la sienne jusqu’ici- entre les Destouriens de Nidaa Tounes, d’un côté, et les trois autres composantes (indépendants, syndicalistes et militants de gauche), de l’autre, et renoncé à essayer de maintenir consensus et cohésion entre les uns et les autres.
Béji Caïd Essebsi a donc choisi son camp, celui du groupe qui gravite autour de son fils, Hafedh Caïd Essebsi, et qui est composé notamment de Mohamed Ghariani –l’ex-secrétaire général du RCD-, Raouf Khammassi, Adel Jarboui, etc.
Ce faisant, le président de Nidaa Tounes prend le risque de provoquer l’éclatement de son parti. D’ailleurs, les prémices d’un tel développement –qui ne peut être que fort dommageable à l’image du parti et, surtout, à celle de son président- n’ont pas tardé à se manifester sous la forme de déclarations de membres de la direction du partie. La plus importante et significative –puisque venant de quelqu’un qui a jusqu’à récemment été très proche de BCE- est celle Ridha Belhaj.
L’ancien secrétaire général du gouvernement puis ministre délégué sous BCE, ancien porte-parole de Nidaa Tounes, Ridha Belhadj, et actuel membre du bureau exécutif (BE) s’est en effet fendu à l’issue de la réunion de cette instance d’un un statut sur sa page Facebook dans lequel il s’est déclaré opposé aux décisions prises à cette occasion.
Il s’insurge en particulier contre la convocation d’un congrès constitutif le 15 Juin 2014, pour élire un comité directeur par le conseil national renforcé par les coordinateurs régionaux et locaux en Tunisie et à l’étranger, au motif que, selon lui, cette décision a «n’a pas fait l’objet de débat approfondi».
L’ex porte-parole laisse même entendre que, dimanche 18 mai, il y a eu une espère de «putsch» dans la mesure où la réunion du BE, tenue ce jour-là, avait pour ordre du jour –annoncé- les préparatifs aux élections et du programme économique et social du parti. Surtout, Ridha Belhaj rappelle et souligne –non sans raison- que «la règle de base en matière de gestion démocratique des partis politiques dispose qu’on ne peut en aucun cas élire un organe par un autre qui n’est pas lui-même élu, et soutient, de ce fait, que la décision d’organiser un congrès pour l’élection du comité de direction par le conseil national n’est pas conforme aux statuts du parti qui réglementent l’organisation du congrès suivant une procédure claire».
Visiblement, donc, et à moins d’un revirement de dernière minute du président de Nidaa Tounes, cette formation risque d’entrer dans une zone de –beaucoup plus fortes- turbulences.