Tunisie-Pèlerinage El Ghriba : «J’ambitionne pour mon pays une “conviventia“ du 21ème siècle», appelle Amel Karboul

«Nous vous aimons madame la ministre, les Tunisiens vous aiment, les Français vous aiment, le monde vous aime». Ce cri du cœur émanait d’un juif tunisien qui appelait ses concitoyens à accueillir par des «Zgharid» Amel Karboul, ministre du Tourisme, alors qu’elle entamait sa visite à la synagogue de Djerba, les rites du pèlerinage, terminés. Elle était accompagnée des ambassadeurs US, allemand, français, canadien, serbe, japonais, sénégalais, malien et du chargé d’Affaires brésilien.

Le message adressé au monde est on ne peut plus clair: la Tunisie reconnaît tous ses enfants et tient à les garder dans le respect des confessions, les unes des autres, même si la religion de l’Etat est l’islam et celle de la majorité tunisienne. Dommage que l’ambassadeur palestinien n’ait pas été de la partie, il aurait lui aussi eu l’occasion de montrer encore une fois que les Palestiniens n’ont pas de problèmes avec la religion juive mais plutôt avec l’occupation des territoires palestiniens par Israël.

En fait, peut-être que si tous les pays arabes avaient gardé leurs citoyens de confession juive chez eux, l’Etat occupant aurait eu du mal à justifier son existence par le rejet des juifs à cause de leur religion…

D’ailleurs, les discours du Grand rabbin de Tunisie, de Perez et de Renée Trabelsi, respectivement Gardien de la synagogue et organisateur du pèlerinage, sont allés dans ce sens, celui d’une Tunisie qui avait besoin de tous ses enfants musulmans et juifs pour se remettre d’aplomb. «Nous invitons tous les juifs tunisiens en France et ailleurs à venir passer l’été dans leur pays, à investir et participer avec nos concitoyens musulmans au développement et à la reconstruction du pays», a clamé le Grand Rabbin.

Amel Karboul, elle, fut indiscutablement la diva de ce énième pèlerinage à la Ghriba. Elle a été applaudie et accueillie chaleureusement, certes par les pèlerins juifs mais également par les musulmans venus partager la fête de leurs compatriotes. La présence d’Issam Chebbi du PDP y a été remarquée bien qu’elle n’ait pas été réellement appréciée.

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La ministre du Tourisme a prononcé un discours mémorable dont la dimension mystique l’a disputé au rappel historique sur ce que peut être un pays ouvert à toutes les cultures, les idéologies et les religions et surtout sur ce qu’il peut apporter à l’humanité grâce à ce brassage culturel.

Les ambassadeurs présents étaient dans un état de ravissement, buvant presque les paroles sortant de la bouche de la jeune ministre donnant une leçon de tolérance au monde entier.

Trois versets de la sourate «LA VACHE – AL BAQARAH» récités par la ministre du Tourisme

Amel Karboul n’a pas manqué de réciter, en arabe et en français, les versets du coran où l’on parle de l’acceptation de l’autre et du droit à la différence. Dans la sourate la Vache, nous pouvons lire: «À chaque communauté, nous avons institué un ensemble de rites qu’elle doit observer. Qu’ils cessent donc de discuter avec toi l’ordre reçu! Implore plutôt ton Seigneur, car tu es assurément dans le droit chemin… C’est Lui qui vous a élus, sans vous imposer aucune gêne dans votre religion, qui est la religion de votre père Abraham… Ceux qui croient (dans le Coran) et ceux qui observent (les Ecritures) des Juifs, des Chrétiens et des Sabéens, et ceux qui croient en Dieu, et au Jour Dernier, et ceux qui agissent avec droiture, ils recevront leur récompense de leur Seigneur, ils n’auront rien à craindre, ils ne seront pas affligés».

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La ministre du Tourisme a profité de la présence de diplomates et de juifs venus de différents pays pour rappeler l’ère où l’on parlait de coexistence pacifique entre les peuples indiquant à ceux qui semblent l’avoir oublié que c’est Isabelle la catholique qui a expulsé les juifs et 30 ans plus tard les musulmans de l’Andalousie, lors de la reconquista. «La Convivencia, c’était quand les musulmans, chrétiens et juifs vivaient dans une paix relative, où le vivre ensemble avait pour essence la tolérance religieuse et le respect, une époque où les cultures ne s’entrechoquaient pas mais coexistaient… Elle a été considérée comme l’âge d’or d’Al Andalous -et de la civilisation islamique… De grandes réalisations y ont vu le jour: médecine, astrologie, astronomie, mathématiques, philosophie, sciences, chimie, architecture et arts ont permis des avancées considérables dans l’histoire de l’humanité.

Et c’est grâce à ce brassage culturel, intellectuel et spirituel entre peuples de différentes confessions que la prospérité de l’Andalousie d’antan fût».

« Je milite pour une convivencia tunisienne du 21ème siècle»

« Aujourd’hui, la Tunisie, qui unit en son sein toutes les religions, qui tolère toutes les idéologies, souhaite vivre une nouvelle Convivencia. La Convivencia du vingt-et-unième siècle. J’ai foi en la capacité de la Tunisie d’avoir son âge d’or. Pas seulement elle, mais toute la région. Elle ne sera pas une exception, elle montrera la voie. J’ai foi en cela, et je m’y engage. Je le fais précisément pour ne jamais renoncer, me résigner, baisser les bras et me retirer en silence. Parce que nous projetons notre désespoir autour de nous lorsque nous perdons la foi. Quant à moi, je refuse de perdre la foi».

C’est cette foi là que voulaient discuter les obtus, intéressés et opportunistes de la Constituante payés par le sang du peuple lorsqu’ils l’on convoquée à l’ANC avec le ministre délégué à la Sûreté nationale, Ridha Sfar.

Du coup, René Trabelsi, organisateur du pèlerinage de la Ghriba, n’a pas manqué de remercier le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, qui «s’est déplacé lui-même pour superviser la bonne marche des mesures sécuritaires mise en place pour un déroulement sans incident de la fête religieuse juive».

Il a également remercié les forces de police et la garde national pour avoir assuré à tous les niveaux. 2.500 pèlerins se sont rendus en Tunisie cette année.

«Je suis venue pour vous, et aussi pour la Tunisie», a déclaré l’ambassadrice serbe à Amel Karboul. Laquelle a terminé son discours sous les ovations des participants, en disant «La Tunisie a besoin de vous, de nous tous, pour réaliser le rêve d’une Convivencia du 21ème siècle. La Tunisie a résisté aux invasions, aux guerres, à la division. Sa capacité de pardon et de tolérance l’a protégée de la haine et du rejet de l’autre. Notre pays est le vôtre, vous Tunisiens qui êtes partis pour y revenir un peu plus souvent, un peu plus longtemps, peut-être pour tout le temps. La Tunisie d’antan est également celle d’aujourd’hui, ses valeurs sont les mêmes, celles de la tolérance et de l’amour d’autrui».

Ceux qui siègent à la Constituante, enfermés sur leurs propres démons, intérêts, agendas politiques et ambitions égoïstes, pourraient-ils comprendre pareil message et s’élever à son niveau?

Ceux qui arborent les drapeaux noirs de Hizb Ettahrir, récusant le leur, celui de la Tunisie, niant par-là même l’existence de la nation tunisienne et affichant le rejet de l’autre, y compris leurs compatriotes musulmans, sans être inquiétés outre mesure par le procureur de la République ou le ministère de l’Intérieur, ont-ils assez de foi dans leurs cœurs aguerris et revanchards pour saisir pareil message?

Quant à Amel Karboul, nul doute que par son discours du dimanche 18 mai à la synagogue El Ghriba, l’un des plus anciens et sacrés pour la communauté juive du monde, elle a fait l’unanimité de tous et a montré ce qu’est un pays héritier de plus de trois mille ans d’histoire.