à Kiev (Photo : Sergei Supinsky) |
[22/05/2014 12:17:54] Kiev (AFP) Le vainqueur de l’élection présidentielle en Ukraine ne devra pas seulement éviter l’éclatement de l’ex-république soviétique mais aussi faire accepter à la population de difficiles mesures d’austérité visant à sauver l’économie du pays de la faillite.
L’ancienne république soviétique, aux abondantes ressources agricoles mais sevrée d’investissements, affronte une série de problèmes économiques, dont un programme de subventions coûteux datant de l’époque soviétique, et une bureaucratie et un régime corrompus qui ont placé l’année dernière le pays au 140e rang sur 189 pays dans un classement de la Banque mondiale.
Et les perspectives du pays sont assombries par les éventuelles mesures punitives de Moscou, qui a vu d’un mauvais oeil son rapprochement avec l’Occident, et qui pourrait suspendre ses livraisons de gaz ou imposer des sanctions commerciales.
– Zéro croissance post-soviétique –
à 200 km au nord de Kiev le 11 août 2009 (Photo : Genia Savilov) |
Les statistiques économiques de l’Ukraine inquiètent les économistes et indignent la population ukrainienne depuis des années. Selon les données du Fonds monétaire international (FMI), l’économie du pays a augmenté exactement de 0,05% depuis 1993 à prix constants – la pire performance des pays d’Europe de l’est.
Son PIB par habitant est de 3.290 dollars (2.407 euros), soit 20% de moins que celui de l’Albanie, et un dixième de celui de la Nouvelle-Zélande.
Et de l’avis général des économistes, la situation ne devrait qu’empirer.
Pour le FMI, l’économie devrait se rétracter d’environ 5% en 2014, malgré la promesse d’une aide internationale de 27 milliards de dollars (19,7 milliards d’euros), sous forme de prêts, à condition que soient appliquées des mesures de restructuration économiques, impopulaires mais depuis longtemps nécessaires.
Selon l’agence de notation financière Moody’s, l’économie de l’Ukraine pourrait même chuter de 10% si elle perd les régions séparatistes de l’Est, Lougansk et Donetsk, dont les mines de charbon et les fonderies pèsent pour 15% de l’économie ukrainienne.
Beaucoup s’inquiètent aussi des conséquences de l’implosion économique du pays sur l’Union européenne, sa voisine. Selon une étude de l’agence de notation Fitch, 82% des sondés estiment que la crise ukrainienne constitue un “haut risque” pour les marchés de crédit européens dans les 12 mois à venir.
– Le ‘cancer’ de la corruption –
Les dirigeants de l’Ukraine désirent mettre fin aux subventions pour le gaz et l’électricité, qui ont incité la population et les entreprises ukrainiennes à ne pas contrôler leurs dépenses énergétiques – elles comptent parmi les consommateurs les plus dépensiers au monde.
Les impôts devraient aussi augmenter pour les plus riches, et les aides sociales devraient subir des coupes – ce qui ne rend pas les mesures d’austérité très populaires.
Les mettre en place pourrait s’avérer difficile dans les régions russophones, qui éprouvent déjà beaucoup de méfiance envers les nouvelles autorités de Kiev.
“Le Parlement pourrait décider de bloquer certaines de ces réformes. Mais ma principale inquiétude est de savoir si le président voudra ou non imposer un véritable changement”, insiste Oleksandr Joloud, du Centre international pour les études politiques, à Kiev.
L’un des principaux souci de Kiev est l’ampleur de la corruption, un “cancer” qui ronge l’Ukraine, selon les mots du vice-président Joe Biden. Elle est systématique dans certaines régions – au point que les autorités n’ont qu’une vague idée des profits des entreprises et donc des impôts qu’elles doivent collecter.
– La menace russe –
Kiev s’inquiète aussi des éventuelles mesures de rétorsion que Moscou pourrait lui imposer.
L’augmentation des tarifs de douane par la Russie aurait un impact immédiat sur l’économie de l’Ukraine, qui pourrait remettre en question sa décision d’attendre pour les lointains, et bien moins tangibles, bénéfices du libre-échange avec les 28 pays européens.
Près de 27% des exportations ukrainiennes vont en Russie, soit un peu moins que les 29% vers l’Union européenne. Mais si Moscou décide de punir l’Ukraine, les conséquences seraient rudes pour les fabricants de matériel militaire, dont les ventes dépendent principalement de la Russie.
L’autre danger, pour l’Ukraine, est la suspension éventuelle des livraisons de gaz par Moscou, alors que Kiev a des milliards de dollars de dette.
Mais Kiev refuse de régler la note, en guise de protestation contre la hausse de 81% imposée par la Russie.
Et l’Ukraine n’a que deux ou trois mois de réserves de gaz, selon l’analyste Simon Quijano-Evans, de Commerzbank.