à Alep aide ses parents dans une usine de chaussures à Lattaquié le 19 mai 2014 (Photo : Joseph Eid) |
[22/05/2014 15:16:22] Lattaquié (Syrie) (AFP) L’arrivée massive de déplacés, notamment d’Alep, a dynamisé l’économie de la ville syrienne de Lattaquié, qui vivait tranquillement des revenus de son port, de ses plages en été, et de son commerce.
“Nous les habitants du littoral, sommes plutôt nonchalants. Nous aimons nous lever tard, siroter notre café, fumer notre narguilé, avant de travailler. Mais les Alépins ne peuvent pas vivre sans travailler du matin au soir”, explique Haytham Ahmad, directeur du service de presse au gouvernorat.
La population de cette ville a doublé avec la présence de près d’un million de déplacés fuyant les violences de Homs, Idleb et surtout d’Alep, et la province loyaliste, épargnée par la guerre, connait une effervescence économique sans pareil.
“Il y a un vrai boom économique. Ils font bouger les choses et des chômeurs ont retrouvé du travail”, assure Sami Soufi, directeur de la Chambre de commerce et d’industrie.
“Les Alépins, qui ont la bosse des affaires, sont allés dans la campagne environnante pour y ouvrir des usines de détergents, de cosmétiques ou même de conditionnement alimentaire”, ajoute-t-il.
Des ateliers de câbles, de fromages, de produits alimentaires ont également vu le jour dans la périphérie où les loyers sont moins élevés. Un Alépin, s’étant aperçu qu’il n’y avait en ville qu’un marchand de kaak, une galette au sésame très populaire au Levant, les fabrique désormais à grande échelle et les distribue dans toute la province.
Même la production du fameux savon d’Alep, à l’huile d’olive, a déménagé et est exporté par le port vers les États-unis.
La zone industrielle, vide durant des années, affiche complet et les hangars abritent désormais des ateliers textiles, métallurgiques ou mécaniques.
à Lattaquié le 19 mai 2014 (Photo : Joseph Eid) |
Hassan Shobak, qui fabrique des camions citernes et des plateaux pour le transport des conteneurs, a été le premier à s’y installer après avoir fermé son entreprise de 4.000 m2 à Alep début 2013.
“Nous avons donné vie à cet endroit désert. Aujourd’hui, j’ai quatre ateliers mais il n’y plus un seul mètre carré de disponible et les propriétaires augmentent le loyer”, souligne ce patron de 46 ans, qui emploie 40 ouvriers et écoule sa production en Syrie et dans le monde arabe.
“Si la municipalité accroit la superficie, nous pourrions créer une énorme fabrique comme à Alep et je suis sûr que beaucoup d’industriels, dont les usines ont fermé en raison des troubles, viendraient ici”, ajoute-t-il.
– ‘Nous adorons travailler’ –
Alep, ancienne capitale économique de la Syrie, est le théâtre depuis juillet 2012 d’une guerre féroce entre rebelles et forces loyalistes. Plusieurs quartiers ne sont désormais que ruines, forçant une partie de la population à gonfler les rangs des près de 7 millions de déplacés syriens.
Les réfugiés de Homs ne sont pas en reste, se concentrant notamment sur l?énergie solaire, et ceux d’Idleb sur la mécanique et l’électricité.
Le quartier commercial du centre de Lattaquié est saisi par la même frénésie. Omar Soumak fabriquait du houmous dans l’est d’Alep, mais quand sa ville s’est transformée en champ de bataille, il a mis sa famille dans son pick-up, direction Lattaquié.
“J’ai d’abord vendu des légumes, puis en passant plusieurs fois dans la rue Anana, j’ai vu que personne ne vendait d’accessoires et de colifichets”, dit ce commerçant de 30 ans debout devant sa camionnette remplies de serre-tête colorés, de boucles d’oreilles ou colliers en plastique et autres babioles.
Le tourisme a disparu, mais les complexes balnéaires ont été pris d’assaut par les réfugiés. Ainsi, les 600 villas autour de la “Plage bleue”, dans le nord de la ville, affichent complet depuis deux ans malgré les loyers élevés.
Assis sur la plage entre ses deux femmes et ses huit enfants, Mohammad Sankar, 35 ans, a quitté Alep, il y a vingt mois. “Nous adorons travailler et faire des affaires. Regardez moi, j’ai quitté ma ville à cause de la situation sécuritaire et dix jours après mon arrivée j’ai rouvert ici mon usine de bonbons”, confie-t-il.
Il s’est également associé avec un habitant du cru pour lancer une fabrique de saucisses. “Les affaires vont bien mais évidemment si l’armée reprend Alep je repars. J’aime la Syrie mais mon c?ur est resté dans ma ville”.
Contrecoup de cette arrivée massive, “les prix ont doublé depuis leur arrivée: les appartements, les loyers des commerces, les aliments, mais ne nous plaignons pas, les affaires marchent très bien”, assure Daad Jouni, 45 ans, qui travaille dans un magasin de laine.