égociations syndicats/patronat au siège du Medef à Paris le 28 février 2014 (Photo : Thomas Samson) |
[23/05/2014 08:07:30] Paris (AFP) Petite révolution en perspective: à compter du 14 juin, les entreprises seront obligées de mieux partager leurs informations avec les syndicats, une innovation destinée à améliorer le dialogue social, mais pas si facile à concrétiser.
Avec la loi de juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi, les entreprises de plus de 300 salariés doivent mettre en place une base de données économiques et sociales, mise à jour régulièrement. Les représentants du personnel (membres du Comité d’entreprise, CE), délégués syndicaux et élus du CHSCT (comités d’hygiène et de sécurité) y auront accès.
Les employeurs devront aussi consulter le CE “sur les orientations stratégiques” à trois ans et leurs conséquences (emploi, organisation du travail, sous-traitance…), une nouveauté quand les syndicats se plaignent régulièrement de devoir batailler pour être informés.
Le ministère du Travail y voit une “innovation importante” qui “permettra de discuter les enjeux de l’entreprise le plus en amont possible”.
“Aujourd?hui, beaucoup d’informations sont données aux élus mais leur présentation est souvent trop formelle, répartie dans l?année et le plus souvent sans visée prospective”, observe le ministère auprès de l’AFP.
Mohammed Oussedik, membre de la direction de la CGT, espère lui aussi une “vraie discussion” y compris sur l’usage des aides publiques versées aux entreprises, au moment où il est demandé au patronat des contreparties en terme d’emploi.
– Des informations “au fond de la cave” –
Mais l’innovation inquiète certains employeurs.
Pour Stéphanie Stein, vice-présidente d’Avosial, syndicat d’avocats d’entreprises, les données prospectives sont “très sensibles” et l’exigence stricte de confidentialité pour les syndicats inscrite dans la loi, pas assez sécurisée.
Pour elle, la base est “une sacrée usine à gaz” dont l’usage sera “à géométrie variable”, avec des entreprises ayant envie de partager et d’autres qui “mettront tout ça au fond de la cave”, la loi autorisant un support informatique ou papier.
à Sochaux, le 18 mars 2009 (Photo : Sebastien Bozon) |
Elle estime qu’à la mi-juin, “au doigt mouillé, si un quart des entreprises sont dans les clous, ce ne sera pas mal”, le ministère assurant de son côté que “le chantier avance”.
M. Oussedik craint lui aussi qu’il n’y ait “un peu de mou” pendant au moins six mois, le sujet étant “quand même compliqué à mettre en oeuvre”.
Certaines entreprises se sont tout de même lancées.
Chez PSA, par exemple, la base est “opérationnelle” depuis quelques semaines.
Pour la confidentialité, le groupe a prévu une traçabilité des connexions, et l’inscription du nom de la personne connectée en cas d’impression de documents. Un aspect qui ne “choque pas” Benoît Finet (CFTC) pour qui la base va permettre de “consulter et archiver” des informations parfois données jusqu’ici simplement oralement.
Chez Orange, la base informatique qui sera prête mis juin n’est “pas un sujet majeur d’inquiétude”.
Sa mise en place a tout de même mobilisé une dizaine de personnes et environ un millier de représentants du personnel y auront accès (à tout ou partie selon leurs fonctions) sur 100.000 salariés.
L’opérateur envisage une “charte d’utilisation et de confidentialité” et n’exclut pas des dispositions à l’image de celles prises par PSA.
Chez Total, la négociation est en cours mais l’entreprise “ne souhaite pas mettre en place une vraie base qui facilite notre travail d’analyse”, mais “simplement un serveur partagé avec des documents à imprimer”, se plaint Khalid Benhammou (CFE-CGC). Les syndicats ont dû négocier pour être avertis des mises à jour “par des alertes mail”.
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, qui ont un an de plus pour se conformer, “ça renâcle”, observe Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME (petites et moyennes entreprises). “On n’avait pas imaginé que cette base générerait des coûts induits”, ajoute-t-elle.
Toutes les entreprises ont jusqu?à fin 2016 pour compléter la base. Mais si rien n’est fait à la date du 14 juin, elles risquent une condamnation pour délit d’entrave.