é pour la banque BNP Paribas sur Broadway 2 juin 2014 à New York (Photo : Don Emmert) |
[03/06/2014 20:13:53] Paris (AFP) Les autorités françaises, jusqu’au chef de l’Etat, montent au créneau pour préserver BNP Paribas d’une trop lourde sanction aux Etats-Unis, craignant pour la banque elle-même, mais aussi pour l’économie dans son ensemble.
Le groupe bancaire français est accusé d’avoir réalisé des opérations avec des pays sous embargo, comme le Soudan et l’Iran. Selon la presse, il pourrait se voir infliger une pénalité supérieure à 10 milliards de dollars ainsi qu’une suspension provisoire de ses activités aux Etats-Unis, ce qui l?empêcherait de traiter des transactions en dollars.
Cette affaire mobilise jusqu’à l’Elysée. Le président François Hollande a ainsi l’intention de l’évoquer jeudi soir avec son homologue américain Barack Obama, au cours d’un dîner organisé à l’occasion des commémorations du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie.
“Le dossier sera évoqué (pendant le dîner) avec Obama”, a annoncé à l’AFP une source diplomatique française. Cette question “figurera obligatoirement à l’ordre du jour et ils en discuteront”, a-t-elle ajouté.
Avant cette rencontre, le gouvernement français est sorti pour la première fois de son silence mardi contre les chiffres avancés et souligné que la France défendrait la banque.
“S’il y a eu une faute, il est normal qu’il y ait une sanction, mais la sanction doit être proportionnée et raisonnable. Ces chiffres-là ne sont pas raisonnables”, a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, à la chaîne de télévision France 2.
“Si toutes les autorités américaines, elles sont cinq différentes à traiter de cette affaire, ne traitaient pas BNP Paribas de manière équitable, la France réagirait fermement pour protéger ses intérêts fondamentaux”, a pour sa part commenté le ministre des Finances Michel Sapin dans une interview au quotidien économique Les Echos.
Le chef de la diplomatie française, qui suit le dossier avec le ministère de l’Economie, n’a, de son côté, pas hésité à mettre dans la balance les négociations en cours sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis (TTIP).
“Ce partenariat commercial ne peut être établi que sur une base de réciprocité. Or, là, vous auriez l’exemple d’une décision injuste et unilatérale. Donc, c’est un sérieux et grave problème”, a-t-il insisté.
– “Impact sur l’accès au crédit” –
Si l’amende devait atteindre la somme avancée dans la presse, la première banque française par sa capitalisation pourrait voir ses fonds propres être nettement rabotés, ce qui constituerait un coup dur pour elle, alors que les établissements vont prochainement faire l’objet de tests de résistance en vue d’évaluer leur capacité à encaisser de violents soubresauts économiques.
éele 3 juin à Paris (Photo : Alain Jocard) |
De plus, cela amputerait sensiblement sa capacité à octroyer des prêts à ses clients, puisque les nouvelles règles du secteur lient le niveau des crédits accordés au montant des fonds propres.
Or, la BNP est une des principales banques de la zone euro et un des acteurs de premier plan du secteur du crédit, essentiel pour la reprise économique européenne, et encore vacillant après la crise.
C’est notamment pourquoi le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, s’est rendu la semaine passée à New York pour rencontrer le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, a écrit mardi le New York Times.
Outre les conséquences sur le système économique, l’enjeu est aussi important pour BNP Paribas d’un point de vue commercial.
La possibilité de maintenir des opérations en dollars, monnaie de référence des échanges internationaux, est en effet cruciale pour l’établissement. S’il en était privé -même provisoirement-, il ferait face au risque de voir une partie de ses clients lui échapper.
BNP Paribas et la Banque de France n’ont pas souhaité commenter ces informations.
Outre la France, d’autres pays ont aussi commencé à évaluer les retombées des sanctions qui menacent BNP Paribas et qui pourraient affecter les finances publiques.
Selon les médias belges, la Belgique, qui possède 10,3% du groupe, pourrait ainsi être privée de dividendes et voir la valeur de sa participation dans le groupe réduite, alors qu’elle cherche à s’en défaire.
En France, l’amende pourrait avoir des retombées sur l’impôt que verse la banque, un des principaux contributeurs à l’impôt sur les sociétés, alors même que le gouvernement français cherche par tous les moyens à redresser les finances publiques.