Les chiffres sont on ne peut plus éloquents: en six ans, de 2007 à 2014, la Tunisie est passée, en matière de logistique, de la 60ème à la 110ème place. Et elle est également en retard par rapport aux autres pays maghrébins.
Certes, le plus petit des pays de la région arrive en deuxième position pour ce qui est du fret par tête d’habitant -avec 11 kg, la Tunisie arrive derrière la Libye (17 kg), mais devance l’Algérie (4 kg) et le Maroc (2 kg). Mais, pour ce qui de la valeur du commerce rapportée au fret, elle se situe en dernière position (avec 382 dollars), derrière le Maroc (1.091 dollars), l’Algérie (867 dollars) et la Libye (714 dollars). Ce qui veut dire, souligne, Mondher Khanfir, que «la tonne de marchandise coûte très peu en Tunisie».
Mondher Khanfir impute la dégringolade de la Tunisie en matière de logistique à «un niveau de désordre élevé, en raison d’un mauvais rapport avec le temps et l’information, à un retard en matière d’investissements dans ce domaine, à la tension sociale –qui a explosé après le 14 janvier 2011-, et aux «incohérences des politiques publiques» et les problèmes de gouvernance.
Mais pour cet ingénieur de formation, associé au Cabinet Columbus Consulting et co-fondateur-patron de l’incubateur Wiki Start Up, qui s’exprimait lundi 19 mai à la Conférence maghrébine pour l’économie de la logistique, relever ces défis «est à notre portée». Et de surcroît, «on peut améliorer la logistique de manière substantielle et sans investir beaucoup», affirme-t-il.
Pour opérer le sursaut logistique de la Tunisie, Mondher Khanfir recommande, le fait de «relier intégration des chaînes de valeur et intégration régionale», de «mettre la logistique au cœur du modèle de développement économique et social», et d’accorder «le lead dans ce domaine au secteur privé». Car, estime cet expert, «l’Etat n’a pas vocation à gérer des chaînes logistiques. Il doit se limiter à garantir un cadre favorable» au développement de ce secteur.
Il convient également de «construire un avantage compétitif» pour intégrer les chaînes de valeur. Cette intégration peut se faire de trois manières: opérer une double intégration sectorielle et géographique et «mutualiser tous les moyens, ressources et infrastructures, comme cela s’est fait en Asie du sud-est». Car, «agir individuellement ne permettra pas» à la région de sortir de son sous-développement logistique et «cela n’a pas de sens de bâtir deux ports en eau profonde à 150 km de distance. On doit décider ensemble de faire cela». Les opportunités étant bel et bien là et le potentiel «important», Mondher Khanfir appelle à l’adoption «d’une feuille de route maghrébine» dans le secteur de la logistique.