çant une promotion dans un magasin de Bangkok, le 8 juin 2014 (Photo : Pornchai Kittiwongsakul) |
[08/06/2014 12:11:21] Bangkok (AFP) Alors que la précédente junte thaïlandaise avait été critiquée pour sa gestion économique, le nouveau coup d’Etat a soulevé des inquiétudes et des attentes de mesures concrètes pour relancer une économie “malade”.
Si le putsch du 22 mai n’a pas affolé les marchés, les acteurs de l’économie s’inquiètent à plus long terme de l’impact de la prise du pouvoir par le général Prayut Chan-O-Cha, qui a confié l’économie au patron de l’armée de l’air et le tourisme à celui de la Marine.
Pour les experts, le précédent putsch, qui avait chassé du pouvoir en 2006 le milliardaire Thaksin Shinawatra, a en effet prouvé que les militaires ne sont pas armés pour ce genre de tâche.
“Le gouvernement militaire avait eu du mal à gérer l’économie” et à “aller de l’avant avec des réformes importantes”, note Rajiv Biswas, économiste chez IHS, soulignant le manque de “connaissances technocratiques” de l’armée en la matière.
Mais les investisseurs avaient surtout été effrayés par une règlementation draconienne sur le contrôle des capitaux étrangers introduite en décembre 2006 pour tenter d’enrayer la hausse du baht, rappelle Ryan Aherin, analyste chez Maplecroft.
“La mesure était très impopulaire auprès des investisseurs” et la Bourse de Thaïlande avait chuté de 15% en une journée, provoquant une révision immédiate de la mesure, note-t-il.
Le gouvernement avait également voulu limiter les investissements étrangers dans les entreprises, avant de faire marche arrière.
Mais “le sentiment des investisseurs avait déjà été entamé par des craintes de politiques nationalistes”, souligne Ryan Aherin.
Premier investisseur en Thaïlande, le Japon et ses constructeurs automobiles se sont déjà inquiétés de la situation après le putsch du 22 mai.
Le coup d’Etat arrive à un moment déjà difficile pour une économie frappée de plein fouet par sept mois de manifestations qui ont touché le secteur clé du tourisme et entamé la confiance des consommateurs — qui est remontée en mai pour la première fois en 14 mois.
Le PIB s’est contracté au premier trimestre (-2,1% par rapport au trimestre précédent) et certains experts craignent une nouvelle baisse au deuxième.
Les dernières prévisions officielles révisées tablaient sur une croissance de 1,5 à 2,5% pour 2014, contre 3 à 4% auparavant.
L’économie thaïlandaise “est comme une personne en train de mourir, elle est malade et a besoin d’oxygène”, s’inquiète Tanit Sorat, vice-président de la Fédération des industries thaïlandaises (FTI).
La Thaïlande souffre de “problèmes structurels”, notamment la “compétitivité grandissante des pays voisins” et les retards de ses projets d’infrastructures, insiste de son côté Steffen Dyck, analyste chez Moody’s Investors Service.
Il note également un contexte international moins favorable que lors du précédent putsch. La Thaïlande, bénéficiant d’une “croissance mondiale solide” avait enregistré en 2006 et en 2007 une hausse du PIB de 5%, rappelle-t-il.
Semblant consciente de l’inquiétude ambiante, la junte a rapidement invité divers acteurs économiques à faire des propositions pour une “feuille de route”.
“Utiliser un pouvoir absolu pour résoudre les problèmes économiques, financiers et fiscaux est dangereux à long terme”, a déclaré le général Prayut vendredi à la télévision.
La junte a promis un soutien aux PME, une réforme fiscale et la création de zones économiques spéciales aux frontières.
Elle réfléchit également à la relance d’un projet d’infrastructures d’un total de 45 milliards d’euros, voulu par le précédent gouvernement.
Mais la seule véritable mesure concrète annoncée jusqu’ici est le déblocage d’environ 2 milliards d’euros dus aux riziculteurs dans le cadre de l’une des politiques les plus controversées du gouvernement renversé, qui a acheté le riz aux paysans jusqu’à 50% au-dessus du prix du marché.
Le programme, accusé d’avoir entraîné une corruption massive, a fait perdre à la Thaïlande sa place de premier exportateur mondial de riz.
Quelles que soient les mesures économiques qui seront prises, le coup d’Etat ne résout pas les problèmes de fond d’un pays divisé entre pro et anti-Thaksin et secoué depuis 2006 par des crises politiques à répétition.
“La principale inquiétude des investisseurs est qu’une instabilité à long terme conduise à des politiques économiques changeantes”, insiste ainsi Ryan Aherin, qui craint que s’ils ne quittent pas le pays à ce stade, ils diffèrent au moins certains investissements.