à Erlangen, en Allemagne, le 30 mai 2014 (Photo : David Ebener) |
[11/06/2014 15:37:08] Paris (AFP) L’allemand Siemens a relancé mercredi la bataille pour le rachat du pôle énergie d’Alstom, en annonçant s’être allié au japonais Mitsubishi Heavy Industries pour soumettre une éventuelle offre commune, soulevant des doutes sur la taille du géant énergétique européen
En s’alliant à MHI, Siemens tente de contrer son concurrent américain General Electric, qui a déjà mis sur la table 12,35 milliards d’euros pour les activités énergétiques d’Alstom, une offre qui a les faveurs de l’équipementier français, mais pas du gouvernement.
“MHI a été invité à joindre ses forces à Siemens et nous croyons fermement pouvoir contribuer de manière importante à la solution d’un partenariat pour Alstom qui créerait de la valeur pour tous, y compris pour la France”, a commenté Shunishi Miyanaga, le patron de l’industriel japonais, dans un communiqué commun avec Siemens.
Selon l’agence Bloomberg, MHI pourrait acquérir les activités de turbines à vapeur et de transmission électrique d’Alstom tandis que Siemens rachèterait les turbines à gaz. L’allemand prévoirait toujours de céder ses activités ferroviaires à l’industriel français, qui veut se recentrer sur ce secteur jugé plus porteur.
à Montpellier, le 2 mai 2014 (Photo : Pascal Guyot) |
A Paris, une source proche du dossier a confirmé qu’il s’agirait de construire deux entités, l’une regroupant certaines activités d’Alstom et Siemens d’un côté, et de l’autre celles de MHI et le restant des activités énergétiques d’Alstom.
“Ce serait vraiment une stratégie d’alliance”, comme celle défendue par le ministre de l’Economie Arnaud Montebourg, opposé à une vente pure et simple du pôle qui pèse environ 70% des revenus d’Alstom, selon elle.
Le conglomérat allemand fera savoir au plus tard le 16 juin s’il concrétisera son intérêt par une offre ferme, à l’issue d’un conseil de surveillance qui pourrait se tenir dimanche.
Un tel scénario permettrait de répondre aux inquiétudes du gouvernement français, dans ce dossier qu’il juge stratégique pour les intérêts industriels du pays, tout en évitant les écueils concurrentiels au niveau européen, défend-on de sources proches des discussions.
– Doutes –
Partisan d’un “Airbus de l’énergie”, voire d’une solution franco-française, l’exécutif exige des garanties sur l’emploi, le maintien des centres de décisions en France et surtout la sanctuarisation de la technologie nucléaire d’Alstom, dont les turbines à vapeur équipent les centrales d’EDF.
Economie Arnaud Montebourg (d) le 11 juin 2014 (Photo : Bertrand Guay) |
MHI entretient de bonnes relations avec les entreprises françaises, ont souligné ces sources. Le groupe fournira ainsi avec le géant Areva quatre réacteurs de moyenne puissance Atmea en Turquie, pour une centrale qui sera construite et exploitée par un consortium international dont fait partie GDF Suez.
“Une des inquiétudes de la France était d’avoir un groupe allemand dans le nucléaire, alors que l’Allemagne n’est pas pro-nucléaire. Il y aurait maintenant un grand partenaire valable dans ce domaine.”
De son côté, GE est associé au japonais Hitachi dans les réacteurs nucléaires, ce qui aurait de fait exclu la technologie tricolore, affirment-elles.
Le conglomérat américain, dont l’offre court jusqu’au 23 juin, s’est aussi lancé dans une opération de séduction de l’exécutif français, depuis que ses velléités sur Alstom ont été dévoilées fin avril.
Il a promis la création de 1.000 emplois en France. Sur la lucrative signalisation ferroviaire, il s’est engagé à laisser “le contrôle” à Alstom pour renforcer son pôle transport, comme le souhaite le gouvernement qui craint pour l’avenir de ce petit Poucet.
“Nous attendons que les offres (…) soient formellement déposées pour les juger et émettre un avis”, a réagi Bercy, où le patron de MHI a déjà été reçu à deux reprises.
Mais d’autres voix sont plus dubitatives sur le bien-fondé d’un rapprochement de Siemens et MHI.
ée à Paris le 28 mai 2014 (Photo : Stephane de Sakutin) |
“Lorsqu’on voit le détail de l’offre, on est sur un démantèlement complet d’Alstom que redoute pourtant le gouvernement”, estime Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque, jugeant que l’intérêt serait “très faible” pour Alstom.
“Une telle offre soulèverait deux problèmes. D’abord la question de la souveraineté des activités nucléaires et ensuite, on est très loin de la création du fameux géant franco-allemand de l’énergie, et européen à terme”, ajoute-t-il.
Alstom, dont l’entourage s’est dit “sceptique et choqué”, souligne n’avoir pour l’heure reçu qu’une seule offre, celle de GE.
Début mai, Siemens et MHI avaient déjà annoncé une collaboration, avec la création d’ici début 2015 d’une coentreprise fusionnant leurs activités de machines pour la métallurgie.