érence de presse le 5 juin 2014 à Francfort, en Allemagne, siège de la BCE (Photo : Arne Dedert) |
[12/06/2014 10:40:58] Paris (AFP) Soutenus à bout de bras par la BCE, les investisseurs s’arrachent les obligations de la France, dont les taux d’emprunt sont au plus bas, faisant peu de cas d’une situation économique incertaine et des efforts budgétaires en cours.
Dans la foulée de l’annonce des nouvelles mesures de soutien à l’économie de la Banque centrale européenne (BCE), le taux à échéance 10 ans de la France est tombé vendredi dernier à 1,656%, effaçant le précédent record historique de début mai 2013.
“Il y a un effet mécanique des décisions prises par la BCE”, qui profite à l’ensemble du marché de la dette, résume Gilles Moec, économiste chez Deutsche Bank.
Le mouvement est déjà à l??uvre depuis l’été 2012 et le fameux discours dans lequel le patron de la BCE Mario Draghi s’était dit prêt à tout pour sauver l’euro.
Mais les nouvelles dispositions dévoilées jeudi dernier par la BCE, dont le taux de dépôt négatif, “ont attisé encore la recherche de rendement avec des investisseurs désespérés d’avoir des taux aussi bas et qui achètent donc tout ce qui offre davantage que la dette allemande”, explique Vincent Chaigneau, responsable de la stratégie obligataire à la Société Générale.
La BCE permet même de contrer la prochaine remontée des taux de la Banque centrale américaine, qui devrait avoir lieu en 2015.
“L’équation est simple. La France offre 35 points de base de plus que l’Allemagne”, signale Cyril Regnat, stratégiste obligataire chez Natixis.
La dette française est également appréciée des investisseurs puisqu’elle est réputée très liquide. Compte tenu des nombreux titres en circulation, il est dès lors très facile de trouver acheteur ou vendeur.
Ce fort recul du taux d’emprunt peut toutefois paraître étonnant compte tenu des perspectives économiques pour le moins fragiles en France et alors que les fruits des efforts budgétaires n’ont pas été vraiment récoltés.
“La BCE génère de la décorrélation avec les fondamentaux économiques”, explique M. Regnat.
L’attrait pour la dette française devrait donc perdurer, “à moins que l’on ait des nouvelles affreuses du côté de la macroéconomie”, selon lui.
Avec des montagnes de liquidités à leur disposition grâce aux largesses des Banques centrales, les investisseurs sont donc moins regardants sur la situation économique des pays, maintenant que le plus fort de la crise en zone euro est passée.
M. Moec prévient toutefois que “les marchés sont attentifs à ce qui se passe sur l’exécution budgétaire en Europe”, notant que “la politique budgétaire française ne bénéficie pas de négligence bienveillante”.
– Gare à l’effet pervers –
“Mais les préventions qu’ont les investisseurs n’ont pas d’impact sur les rendements dans cette phase de liquidités abondantes et de recherche de rendement”, explique-t-il.
La pression des marchés est donc moindre notamment sur la tenue des objectifs de réduction du déficit public. Paris a obtenu de la Commission européenne en 2013 un délai de deux ans supplémentaires pour ramener le déficit public par rapport au PIB (produit intérieur brut) à 3%.
“Le marché n’est plus aussi obtus qu’il l’était précédemment. Le pays qui ne respecte pas ses engagements est moins pénalisé aujourd’hui qu’il ne l’était hier”, explique M. Regnat.
Les investisseurs commencent en outre à prendre acte des efforts budgétaires réalisés.
Le gouvernement français a mis sur la table un vaste plan d’économies de 50 milliards d’euros, avec pour mesure-clé le pacte de responsabilité proposé aux entreprises pour stimuler l’emploi. Il vient d’annoncer en outre un effort supplémentaire de 4 milliards d’euros en 2014.
La baisse des taux enregistrée depuis plusieurs semaines, actée dans le collectif budgétaire par le gouvernement, est même une bonne nouvelle pour les finances publiques de la France, puisque la charge de la dette de la France sera inférieure de 1,8 milliard d’euros en 2014 à la prévision initiale.
Fin 2013, l’Agence France Trésor, chargée de placer la dette française sur les marchés, s’attendait au contraire à une remontée du taux à 10 ans à 3,3% en moyenne, contre 2,23% en 2013.
Mais les analystes mettent en garde contre l’effet pervers qu’entretient la baisse des taux.
Selon M. Chaigneau, “des questions se posent à plus long terme pour savoir si la politique de la BCE ne réduit pas la pression sur les gouvernements pour mettre en place des réformes et assurer la stabilité budgétaire, ce qui marquerait la vraie sortie de la crise”.