Il faut qu’il y ait réduction ou rationalisation de la compensation, que les dépenses de l’Etat soient stabilisées pour éviter l’austérité et que la fiscalité soit réformée dans le sens de plus responsabilisation et de souplesse. Mais le plus important est que nous puissions être plus unis, plus solidaire et travailler beaucoup plus pour atteindre les 2,8% de taux de croissance que nous espérons et qui sont dans nos cordes. Il ne faut pas surestimer le taux de croissance pour ne pas être en manque de ressources. Nous ne pouvons consacrer des budgets à des investissements que nous sommes dans l’impossibilité de réaliser. Le but estime Nidhal Ouerfelli, ministre auprès du Chef du gouvernement, chargé de la coordination et du suivi des affaires économiques est d’éviter d’atteindre les 9,9% de déficit budgétaire (aujourd’hui, le déficit est de 6,9%). A ce jour, le taux de croissance est de 2,2%, il faut qu’il atteigne les 3,5% au cours du troisième et quatrième trimestres afin de réaliser les objectifs escomptés par la loi des Finances complémentaires. Pour cela un seul leitmotiv, le travail, plus de travail et rien que le travail.
Pour ceux qui estiment que le gouvernement brosse un tableau noir de l’économie, grand temps pour eux d’enlever leurs lunettes en arcs en ciel, et de voir la vérité en face : la Tunisie est à genoux, pour se remettre debout, il faut arrêter les discours humanistes à deux sous et se remettre au travail. A la logique systématiquement revendicatrice, il y a toujours une autre : celle d’assurer en tant que citoyens, que syndicats, qu’entrepreneuriat et d’Etat. Sinon c’est le néant et qui n’épargnera personne car le chemin vers le terrorisme sécuritaire passe résolument par le chaos économique.
Mais peut être, qu’il y en a qui ne peuvent vivre que dans et par le chaos.
Entretien :.
On attend beaucoup de votre gouvernement pour résoudre des questions importantes se rapportant à l’économie tunisienne mais il y a également cette inquiétude qui ne cesse de tirailler aussi bien opérateur privés, qu’investisseurs internationaux. Les 100 premiers jours du démarrage réel du travail de gouvernement passés, les Tunisiens attendent des résultats. Nous sommes également conscients que l’Etat n’est pas le seul responsable de ce qui se passe aujourd’hui dans le pays. Qu’est ce qui freine une relance effective de l’économie nationale ?
Je tiens tout d’abord à préciser que le marasme économique ne date pas aujourd’hui. Il est la conséquence des limites du modèle de développement suivi jusqu’à la veille du 14 janvier par les anciens gouvernements. Ce modèle économique devait être revu ? Pourquoi ? Parce qu’il était basé sur une mauvaise richesse des répartitions, sur une iniquité régionale, un taux limité de productivité et une économie basée sur des secteurs à faible valeur ajoutée. A ce modèle relativement non soutenable et non durable ces 3 années les conséquences de la révolution. Depuis le 14 janvier 2011, nous nous sommes tous focalisés sur des questions d’ordre politique et social et nous nous sommes investis dans la rédaction de la constitution. L’économie a été omise de nos préoccupations, comme le dit très souvent Monsieur le Chef du Gouvernement, mais elle ne nous a pas oubliés et elle nous rattrape aujourd’hui.
Résultat : un alourdissement difficile à gérer du budget de l’Etat, particulièrement pour ce qui est de la masse salariale, soit une augmentation de 40% et des dépenses attribuées à la compensation et principalement en rapport avec les produits énergétiques et qui ont été multipliées par 5 ces 3 dernières années.
Face à cela, nous avons un investissement relativement stable avec un taux de réalisation des projets créateurs de richesses, de haute valeur ajoutée pour notre économie et surtout de création d’emplois assez limité. Nous sommes dans une économie où les charges sont de plus en plus importantes et les recettes de moins en moins consistantes. Ajouté à cela le recul de secteurs porteurs, piliers de l’économie tunisienne qui n’ont pas véritablement démarré.
Quels sont les secteurs les plus touchés par les régressions que vous venez de citer?
Celui du phosphate et ses dérivés dont la production a été bloquée pendant des mois pour des raisons d’ordre social et qui a souffert du blocage de ses canaux de transport depuis Gafsa jusqu’à Gabes. Pour rappel, le bassin minier rapporte à la Tunisie 3% du PIB et représente 7 % des produits exportés. Deuxième et troisième secteurs qui ont été frappés de plain fouet : le tourisme qui vient à peine de redémarrer ainsi que celui de l’agriculture. Mais il n y a pas que ceux là, il y a aussi les industries manufacturières et les composants automobiles qui ont fléchi par rapport aux années précédentes. Pour résumer, nous devons comprendre que les moteurs de l’économie nationale sont en panne aujourd’hui et c’est ce qui explique qu’il est impensable de la relancer du jour au lendemain.
Quelles sont les solutions que vous préconisez pour sortir de ce marasme ?
Pour le gouvernement, c’est clair pour l’année en cours. Il faut faire redémarrer les moteurs de croissance dont le bassin minier, c’est ce qui a été fait et nous avions dû nous atteler à le faire avec les décideurs sur place et les syndicats. Nous avons atteint ces deux derniers mois les niveaux de productions de l’année 2010, mais nous estimons que c’est peu. Car conséquence de l’absence du phosphate tunisien de très bonne qualité sur les marchés internationaux, nous avons perdus nos principaux clients. La concurrence est féroce et les prix du phosphate ont baissé sans oublier les sureffectifs qui pèsent très lourd sur les capacités compétitives des entreprises publiques opérant dans le secteur.
A ce propos, le Maroc qui produit 3 fois plus de phosphate que la Tunisie fonctionne avec le 1/3 des effectifs que la CPG et le groupe chimique emploient. Comment faites vous pour équilibrer vos comptes ? Un gouvernement de consensus même s’il n’est pas élu ne doit-il pas prendre les décisions qui s’imposent pour restructurer le secteur du phosphate de manière à ne léser personne ?
En fait, la structure marocaine est différente de la notre. Le Maroc a augmenté sa production de manière à atteindre les 50 millions de tonnes de phosphate d’ici 2020. Nous, nous peinons à produire 4 à 5 millions de tonnes. Dans le meilleur des cas, en 2010, nous avons atteint les 8 millions de tonnes. L’OCP a une gouvernance centralisée, avec les mêmes effectifs, le même management et dispose d’un grand potentiel technique, c’est ce qui lui permet de partir à la conquête du monde entier. Ce n’est pas le cas pour chez nous. Nous avons aujourd’hui un groupe qui souffre de difficultés tous azimuts avec des cours de phosphate de plus en plus bas. Si nous voulons sauver la donner, il faut qu’il y ait un retour de la productivité mais une productivité qui peut soutenir la compétitivité. Et cela ne peut se faire que grâce au retour au travail et à la récupération de ce terme de toute sa valeur dans le sens le plus noble. C’est ce qui permettra la création de richesses et de l’emploi et l’amélioration du pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Le Chef du Gouvernement insiste dans chacun de ses discours sur la valeur travail, c’est d’ailleurs le cas du Président égyptien fraichement élu Abdelfattah Sissi, car les dirigeants de pays comme le nôtre, réalisent que sans une reprise véritable du travail, nous courons tout droit à la ruine. Ceci est parfaitement assimilé par le peuple égyptien où même les grèves ont cessé, pourquoi cela ne fonctionne pas en Tunisie ? Est-ce un problème de confiance ? Est-ce la pression des syndicats ?
Nous remarquons une certaine reprise à ce niveau là. Le Tunisien est conscient aujourd’hui que s’il ne retourne pas véritablement au travail, le pays ira tout droit vers le mur. Car nous aurons plus de charges que les entreprises privées ou les établissements publics ne pourront plus supporter et dont la conséquence sera carrément la perte des postes d’emploi. Il s’agit là, de la survie de notre économie et nous sommes arrivés à un stade où pour garder un seul poste de travail, nous devons en sacrifier 3 ou 4 postes sur 5 ans. L’augmentation des salaires à elle seule n’améliore pas le pouvoir d’achat car elle est généralement accompagnée de l’inflation. Le seul moyen de protéger le pouvoir d’achat du tunisien est donc le travail car c’est le seul moyen de créer des richesses, de préserver les postes d’emplois et d’encourager les investisseurs à s’implanter en Tunisie tout comme c’est le seul moyen de maintenir les entreprises nationales en vie.
Il y a un autre élément déterminant dans le sauvetage de notre économie, c’est le taux de croissance aujourd’hui très faible. Un taux qui a été de 2,2% pour le premier trimestre 2014. Notre objectif est de terminer l’année avec un taux de 2,8%. Sachant que la loi de Finances 2014, on avait prévu 4% de taux de croissance, ce qui n’était pas du tout réaliste.
Nous, nous préférons être conséquents avec nous-mêmes et honnêtes avec notre peuple. Il faut redoubler d’efforts pour les deux derniers trimestres de l’année en cours, ce qui revient à dire la paix sociale et moins d’interruption de travail. Autrement, notre situation serait catastrophique surtout si nous ne réussissons pas à atteindre les taux prévus par la loi de Finances complémentaire. Car cela signifie des recettes en moins pour l’Etat et un déficit plus important qui impactera l’année 2015 d’autant plus qu’il nous sera très difficile de lever des fonds à l’international pour les raisons que tout le monde connaît.
Et pour ce qui est des négociations avec les syndicats ?
Le Choix de notre gouvernement est que toutes les décisions prises se feront en concertation avec les partenaires sociaux qu’il s’agisse d’investissements, d’initiatives privées, d’emplois ou de productivité. Nous sommes dans une approche participative et surtout dans la responsabilisation de tous les patriotes soucieux des intérêts de la Tunisie.
Nous tenons à dépasser toutes les difficultés en partenariat avec les syndicats. Il y a une convention tripartite signée entre le gouvernement, l’UGTT et l’UTICA. C’est la première fois que nous créons une commission pour étudier toutes les problématiques ensemble et principalement celles se rapportant au social.
Concernant l’investissement, il est quand même absurde que presque 4 ans après, le gouvernement n’arrive pas à résoudre les dossiers en suspends des hommes d’affaires otages des juges ? On parle même d’un gouvernement de juges…L’impact est très grave sur l’image de la Tunisie au national ou à l’international. Car pour qu’il y ait investissement, il faut qu’il y ait un Etat de droit.
Je voudrais insister sur le fait que pour qu’il y ait croissance, il faut qu’il y ait des investissements et tout le monde sait qu’il ne faut pas compter sur l’Etat dans le contexte actuel. Il faut mettre l’investissement privé au cœur de la croissance et du développement et du nouveau modèle économique de la Tunisie. Aujourd’hui, l’investissement privé ne démarre pas vraiment. Il y a deux volets à savoir l’amendement du code des Investissements pour faciliter la relance du secteur privé et qui est en train de se faire avec les acteurs concernés. Dans l’attente, nous allons décréter des décisions pour créer un cadre plus attractif pour les investissements nationaux et internationaux.
Le deuxième volet concerne l’image renvoyée à l’international du climat d’affaires dans notre pays et bien sûr y figure la question des dossiers des hommes d’affaires en suspends à ce jour et en attente depuis plus de trois ans. Mais même dans une démocratie récente, l’exécutif n’intervient pas dans le judiciaire.
Mais la décision de juger toutes ces personnes a été politique et non judiciaire…La question est si nous ne devons pas revenir sur une décision politique par une autre politique ?
Nous ne le pouvons pas. Nous en avons discuté avec le ministre de la Justice et l’UTICA. Nous encourageons les hommes d’affaires concernés à faire des recours, nous savons qu’il y a plus de souplesse et que celui qui a des droits doit les récupérer. La demande pour la levée de l’interdiction de voyage devrait être favorable puisqu’il s’agit d’un droit constitutionnel.
Mais il y a toujours le pouvoir discrétionnaire des juges d’instruction qui décident même de se mette en posture de décisions anticonstitutionnelle ?
Encore une fois, nous faisons confiance au pouvoir judiciaire, lequel nous l’espérons appliquer la loi en toute conscience.
Pour passer à autre chose, qu’en est-il des projets de lois qui devraient œuvrer en faveur d’une relance économique et qui sont le dernier souci des constituants ?
Il y a les secteurs clé pour la relance économique, le cadre attractif, l’importance de la paix sociale pour la conforter et là il va falloir œuvrer à activer le vote de ces lois pour qu’il y ait un cadre réglementaire et juridique. Il y a la loi sur le partenariat Public/Privé. Il y a des investissements dans les infrastructures, logistique et les grands projets. Ce sont des investissements très lourds que l’Etat ne peut pas assurer à lui seul. Une loi a été soumise à la constituante et nous espérons qu’elle sera votée au plus tôt. Il y a aussi une autre sur les énergies renouvelables. Et pour la première fois, nous comptons tenir une réunion avec les députés en charge du dossier en question pour leur donner plus de détails à ce propos. Car investir dans un hôpital avec des privés, ne veut pas dire que l’Etat sera absent. Les murs de l’hôpital appartiendront toujours à l’Etat. Nos voulons développer des projets structurants pour créer des richesses et des emplois.
Nombre d’entreprises opérant dans le domaine énergétique à cause de la main mise des constituants sur le secteur à travers l’article 13 de la constitution ?
La Tunisie a besoins du vote des lois économiques en suspends aujourd’hui. Dans le secteur énergétique, nous avons beaucoup de problèmes liés principalement à la balance commerciale. Le poids le plus lourd que nous supportons est celui lié au déficit énergétique. Nous importons pour 1,1 milliards de $ par an en pétrole avec un payement cash et en devises. Cela nous nuit à différents niveaux. Parmi les lois que pourront soulager la balance commerciale et nos provisions en devises, celles se rapportant aux énergies renouvelables.
La loi des Finances complémentaires soulève beaucoup d’inquiétude chez les uns et les autres ? Comment préserver un secteur privé malmené depuis 3 ans dans le cadre de cette loi.
La Loi des Finances complémentaires est conçue par rapport à une loi des Finances initiale qui n’arrive pas à boucler son budget. Il faut trouver un supplément de recettes et pour cela il faut un cadre incitatif. C’est une loi où l’Etat déploie un véritable effort pour soutenir l’économie. Elle exprime les orientations économiques du gouvernement et préserve les couches sociales faibles, elle simplifie les procédures administratives et fiscales également. C’est une loi où il y aune vision qui permettre de construire pour les prochaines lois.
Nous ambitionnons à travers cette loi de rééquilibrer notre budget, ramener le déficit budgétaire à des niveaux acceptables et ne pas l’aggraver. Dans la première loi des Finances, il y a des taxes qui n’ont pas été prises en considération, le taux de croissance était estimé à 3,5% alors que nous savons aujourd’hui qu’il nous faut déployer beaucoup d’efforts pour atteindre les 2,8% de croissance d’ici fin 2014. Nous souffrons d’un manque de 2,5 de milliards de dinars qui devaient être disponibles dans le budget initial et ne le sont pas, c’est ce qui s’appelle un décalage de trésorerie. Nous devons trouver les moyens de trouver 1,4 milliards de $ de plus car un milliard est presqu’acquis grâce aux prêts contractés auprès du FMI, de la banque mondiale et de la Turquie, de la garantie US ou des prêt de l’Union européenne. Les besoins de financements de supplémentaires sont un autre point enregistré pour l’année en cours et pour finir le budget de l’Etat 2014 était très optimiste et surtout pour ce qui est de la valeur des biens confisqués.
Tout cela fait que nous avons besoins de plus de moyens financiers pour boucler le budget de l’Etat. On parle d’un montant qui tourne autour de 13 milliards de dinars alors que le déficit prévu initialement était de l’ordre de plus de 7,8 milliards de dinars. Il y a un gap de 5 milliards de dinars en plus. Nous avons un déficit prévu de 6,9 % pour l’année 2014, si nous ne faisons rien aujourd’hui, si nous ne prenons aucune mesure, s’il n y a pas d’incitations, nous risquons un déficit de 9,9% pour l’année prochaine. C’est un déficit qui ne sera ni toléré par le budget de l’Etat, ni par les bailleurs de fonds et nous irons droit au mur. Il faut ramener ce déficit à des taux tolérables pour rétablir la confiance en notre pays.