une PME allemande (Photo : Daniel Roland) |
[13/06/2014 07:51:54] Berlin (AFP) Les patrons du Mittelstand vieillissent, leur relève n’est pas toujours assurée. Ces successions irrésolues sont de plus en plus l’occasion pour des acteurs étrangers, notamment chinois, de s’emparer de ces PME qui font la force de l’économie allemande.
Il y a deux ans le fabricant de machines pour le BTP Putzmeister est passé sous pavillon chinois parce que son fondateur n’avait pas trouvé de successeur. Son rachat par Sany pour environ un demi-milliard d’euros constituait à l’époque l’un des plus gros investissements chinois en Europe. Et ce n’était que le sommet d’un iceberg qui grossit.
“Des entreprises à forte composante technologique, des +champions cachés+ avec des problèmes de succession, c’est ce qui intéresse fortement les investisseurs chinois”, expliquait récemment Peter Englisch, partenaire de la société d’audit EY (ex-Ernst&Young). “Tous les fonds de placement privés du monde ont aussi les yeux rivés sur ce marché”.
“Les entreprises allemandes, et surtout les entreprises familiales, sont des cibles idéales pour les investisseurs chinois”, confirme Stefan Heidbreder, président de la fondation des entreprises familiales.
– ‘Un autre équilibre’ –
Les PME sont souvent décrites comme la colonne vertébrale de l’économie allemande, et 75% d’entre elles sont des entreprises familiales. Ce “Mittelstand” très spécialisé, le plus souvent industriel, innove et fait le succès de l’Allemagne à l’export.
Mais le modèle traditionnel qui voyait une transmission automatique de l’entreprise de père en fils -ou en fille- vacille.
Detlef Keese, de l’institut pour la recherche sur le Mittelstand de l’université de Mannheim (sud) estime que de moins en moins d’entreprises restent dans le giron familial: de 70% à 75% des entreprises transmises dans les années 90, la proportion est passée à environ 50% à l’heure actuelle, selon lui.
La fédération des chambres de commerce DIHK y voit un effet du déficit de naissances en Allemagne. Mais c’est aussi un phénomène de société.
“Dans beaucoup de cas les jeunes hésitent, ils ont vu à quel point les pères ont cravaché”, explique Arist von Schlippe, psychologue et directeur académique de l’institut de recherche sur les entreprises familiales de Witten (ouest). “Ils ont une autre conception de la vie, ils veulent un autre équilibre”.
En outre beaucoup d’entreprises sont dans une phase “qui ne nécessite plus seulement de l’esprit d’entreprise et du courage, mais aussi des compétences de management que les jeunes n’ont pas -ou dont leurs pères pensent qu’ils ne les ont pas”.
Une vague d’entrepreneurs d’après-guerre a passé le flambeau dans les années 70, et maintenant c’est le tour des petits-fils, explique M. von Schlippe. Dans le cas des entreprises fondées en ex-RDA après la Réunification, on assiste, 25 ans après la chute du Mur, au premier passage de relais.
– Les Chinois payent bien –
En l’absence de repreneur, c’est parfois le management externe à la famille qui se met sur les rangs, en s’adossant par exemple à un fonds d’investissement. Les fonds procèdent aussi à des rachats seuls. Ou alors c’est un concurrent qui remporte la mise, avec le risque de voir l’entreprise être engloutie par son repreneur.
De ce point vue les investisseurs chinois ont plutôt la cote. Les nouveaux propriétaires chinois “s’efforcent de conserver la main d’oeuvre, souvent ils gardent même l’équipe de direction”, explique M. Heidbreder.
Et de manière générale, les investisseurs chinois “sont attractifs parce qu’ils sont prêts à payer un prix élevé”, constatait récemment Jens-Peter Otto, en charge de l’unité “Chine” chez PwC Allemagne.
Selon les chiffres d’EY, le nombre d’investissements directs réalisés par des Chinois en Allemagne est passé de 46 à 68 entre 2012 et 2013. Les chariots élévateurs Kion, les semi-conducteurs Prema, Kiekert, numéro un mondial des systèmes de verrouillage pour automobiles ou encore les pompes à béton Schwing sont maintenant chinois.