Inquiétudes sur l’avenir économique en Iran d’une France “bonne élève”

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éhéran le 7 juillet 2007 (Photo : Behrouz Mehri)

[13/06/2014 10:56:08] Paris (AFP) La France “bonne élève” voire “zélée” dans l’application des sanctions contre l’Iran est en train de se faire prendre de vitesse sur ce marché prometteur par l’Allemagne, l’Italie et les Etats-Unis, s’inquiètent politiques et spécialistes.

“La France est la grande perdante des sanctions prises contre l’Iran”, estime le président de la commission des Finances du Sénat, Philippe Marini, qui a dirigé une mission dans ce pays, au moment où la levée partielle des sanctions internationales attise les appétits des entreprises occidentales.

Le niveau des échanges bilatéraux est passé de 4 milliards d’euros en 2004 à 500 millions l’an dernier et les sanctions “endommagent certainement plus les pays européens et la France, qui est particulièrement bonne élève à cet égard, que les Etats-Unis”, insiste M. Marini.

En pleins démêlés de la banque BNP-Paribas avec la justice américaine pour avoir réalisé des transactions avec des pays sous embargo, comme l’Iran et le Soudan, le principal blocage pour l’activité de sociétés françaises en Iran est celui des flux financiers et bancaires.

“Aucune banque française n’accepte d’accompagner nos entreprises dans leurs projets en relation avec l’Iran”, a fait remarquer M. Marini en rendant compte du déplacement de six sénateurs, trois de la majorité, trois de l’opposition, en Iran en avril.

“L’extraterritorialité du droit américain peut conduire dans certains cas à paralyser nos initiatives, ce que l’on pourrait comprendre si c’est l’ordre public international qui s’applique mais ce que l’on comprend moins, si dans le même temps les entreprises américaines déploient leur potentiel commercial et leurs implantations pour l’avenir”, s’insurge-t-il.

Une extraterritorialité pourtant “contraire à un règlement européen de 1996”, renchérit son collègue Aymeric de Montesquiou, dans une allusion au règlement du Conseil de l’Union européenne du 22 novembre 1996 “portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers”.

-“Deux poids, deux mesures”-

Et de citer l’exemple de l’automobile où Peugeot, présent en Iran depuis les années 1990, a quitté son deuxième marché en volume au printemps 2012 après l’annonce de nouvelles sanctions occidentales contre Téhéran en raison de son programme nucléaire controversé.

Quant à Renault, il a annoncé pour l’an dernier un bénéfice net pratiquement divisé par trois à 586 millions d’euros. Une chute liée à des facteurs exceptionnels: il a dû passer une provision de 514 millions d’euros en raison du gel de ses activités en Iran depuis l’été dernier.

Dans le même temps le constructeur américain “GM voit ce marché ouvert aujourd’hui”, lance M. de Montesquiou.

“Il y a une confusion regrettable chez les dirigeants français: on se sent obligé de se tirer une balle dans le pied en étant plus royaliste que le roi et cela ne date pas de la présidence Hollande”, commente Michel Makinsky, spécialiste de l’Iran, qui participé en février à une importante délégation du Medef en Iran, laquelle avait suscité des réactions américaines.

“Nous avons été plus que zélés”, lance M. Makinsky. Il se souvient en 2009 de “déclarations répétitives de dirigeants de l’époque sommant les entreprises de ne pas faire d’affaires avec l’Iran”.

En revanche “en Allemagne il y a un double discours: ils disent qu’il faut être ferme mais en pratique ils soutiennent à bout de bras leurs entreprises”, affirme-t-il. L’Allemagne fait par ailleurs usage en Iran de ses banques régionales non exposée aux Etats-Unis.

La délégation a “vu fonctionner des équipements récents, postérieurs à 2009 ou 2010, qui sont des chaînes de production automatisées, des machines-outils fournies par l’Allemagne et par l’Italie”, a rapporté M. Marini, y voyant une situation de “deux poids, deux mesures”.

“Il n’y a pas de partage d’un gâteau qui n’existe pas encore puisque l’Iran est toujours sous un régime de sanctions de la communauté internationale”, affirme une source diplomatique française. “On ne peut pas brader le régime de non prolifération pour des ambitions économiques et des appétits commerciaux: la France a été vigilante de ce point de vue”, ajoute-t-elle.

“La mission du Medef a beaucoup ému les Américains, qui s’y rendent pourtant et alors qu’il y a des publicités pour GM dans tout Téhéran”, concède cette source.