Pour l’ex-gouverneur de la BCT, s’ils sont peut-être bons pour les pays du Golfe qui en raffolent, les mégaprojets immobiliers –genre La Porte de la Méditerranée, que Sama Dubaï voulait réaliser en Tunisie- pour lesquels les investisseurs de ces pays importent la main-d’œuvre peu coûteuse notamment d’Asie, ne conviennent nullement à notre pays. Parce que, outre l’octroi gratuit de terre aux investisseurs concernés, auquel il est opposé, ces projets ne créent pas –en quantité et en qualité- les emplois dont la Tunisie a besoin.
«La Tunisie vit une crise exceptionnelle. Et tout ce que nous avons entendu ici c’est des solutions classiques. Vous devriez réfléchir sans préjugés, et penser à ce que le gouvernement a et n’a pas. Ce qu’il a, c’est la terre et il devrait la donner gratuitement (sous-entendu aux investisseurs, ndlr) pour permettre la réalisation de mégaprojets immobiliers». Ces propos d’un investisseur de Bahreïn jetèrent, vendredi 13 juin 2014, un véritable pavé dans la marre de la première session du Tunisia Investment Forum, organisée par le World Economic Forum –en collaboration avec la FIPA (Foreign Investment Promotion Agency)- et traitant de l’accélération de la transition économique en Tunisie et dans le Monde arabe.
Ils ne laissèrent probablement indifférents tous les membres du panel, mais le seul d’entre eux à y réagir fut Mustapha Kamel Nabli.
Tout en reconnaissant l’importance de l’immobilier dans l’économie d’un pays, l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) déclara haut et fort ne pas être d’accord avec le fait de donner gratuitement.
D’abord, parce que «la terre est rare» en Tunisie. Et, rappelle l’ancien économiste en chef auprès de la Banque mondiale, la logique économique commande qu’un «bien rare ne doit pas être donné gratuitement».
Ensuite, «plus important» encore, et même si «l’immobilier a sa place», «ce dont nous avons besoin, c’est de créer des emplois pour des jeunes diplômés de l’université que l’immobilier ne peut pas leur offrir», souligne l’ex-patron de la BCT.
Donc, «si j’ai des terres, je préfère les donner à quelqu’un» qui va entreprendre une activité génératrice «de valeur ajouté et, partant, d’emplois», défend M. Nabli.
Cet échange tombe à point nommé pour rappeler aux Tunisiens, en général, et à leurs gouvernants actuels, en particulier la nécessité, à un moment où le gouvernement se prépare à mettre officiellement sur la table une série de projets dans l’espoir de susciter l’intérêt d’investisseurs étrangers, d’éviter de refaire les erreurs du passé.
Rappelons-nous le cas du projet «La Porte de la Méditerranée», porté par Sama Dubaï. Le terrain, de près de 900 hectares, alloué à ce projet, avait justement été accordé au dinar symbolique, c’est-à-dire gratuitement, à l’investisseur émirati.
Celui-ci se proposait à l’époque, pour un investissement global annoncé de 25 milliards de dollars, de réaliser une nouvelle ville qui ferait de la Tunisie, selon Farhan Faraidooni, président du Comité exécutif de Sama Dubaï, «une destination attractive pour les investisseurs et touristes africains, européens et moyen-orientaux, et la hisser davantage comme une Plateforme régionale de la technologie, de la finance et des finances».
Mais s’il pourrait être bon pour les pays du Golfe qui le pratiquement, ce genre de projets –pour lesquels les investisseurs de ces pays importent la main-d’œuvre peu coûteuse notamment d’Asie-, ne convient nullement à la Tunisie, affirme l’ex-gouverneur de la BCT.