éfense Mykhaylo Koval le 16 juin 2014 à Kiev (Photo : Sergei Supinsky) |
[17/06/2014 04:35:00] Kiev (AFP) La Russie a coupé le gaz à l’Ukraine lundi après l’échec de leurs négociations, une mesure qualifiée par Kiev de “nouvelle agression” contre l’Etat, qui risque d’affecter l’approvisionnement en Europe cet hiver.
Cette crise s’ajoute à une insurrection prorusse dans l’Est où les séparatistes ont brièvement occupé lundi le Trésor et le bâtiment de la Banque centrale à Donetsk, la capitale régionale, faisant craindre aux autorités la perte du contrôle financier sur la région industrielle du Donbass, bassin minier vital à l’économie ukrainienne.
Après des négociations entre le maire de Donetsk, Olexandre Loukiantchenko et les représentants de la république séparatiste autoproclamée de Donestk, les activités de ces administrations devraient reprendre normalement mardi.
La Russie a “réduit à zéro” les livraisons de gaz à l’Ukraine, ne laissant entrer que les volumes destinés aux pays européens, a souligné le ministre ukrainien de l’Energie Iouri Prodan, assurant que son pays ne perturberait pas le transit vers l’Europe.
Le directeur général du géant gazier russe Gazprom, Alexeï Miller, a estimé qu’il n’y avait “plus matière à discussion” avec l’Ukraine, qu’il a accusé de “chantage” après l’échec des négociations qui a conduit à la décision de cesser les approvisionnements.
Le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a dénoncé de son côté une mesure pour “détruire l’Ukraine”. “C’est une nouvelle étape de l’agression russe contre l’Ukraine”, a-t-il affirmé.
Après des crises similaires en 2006 et 2009 qui avaient eu un impact sur les approvisionnements gaziers de l’Europe, la décision russe, survenue juste avant l’été, n’aura pas d’effet immédiat. “Nous ne voyons pas de menace pour les approvisionnements de l’Allemagne”, gros consommateur du gaz russe, a réagi un porte-parole du ministère allemand de l’Economie.
Près de la moitié du gaz importé de Russie en Europe, soit environ 15% de la consommation européenne, transite par le territoire ukrainien.
– “Possibles perturbations” en Europe –
Le commissaire européen à l’Energie, Guenther Oettinger, a néanmoins averti que l’Europe pourrait être confrontée, en cas d’hiver rigoureux, à une pénurie de gaz si l’Ukraine puisait dans les réserves présentes sur son sol.
ésident de Gazprom le 16 juin 2014 à Moscou (Photo : Dmitry Serebryakov ) |
Gazprom a de son côté mis en garde l’UE quant à de “possibles perturbations” si l’Ukraine prélevait du gaz sur les volumes en transit, comme ce fut le cas pendant les précédents conflits liés au gaz. A l’expiration de son ultimatum lundi à 06H00 GMT, Gazprom a annoncé qu’il ne fournirait à l’Ukraine, dont la dette gazière atteint 4,5 milliards de dollars, que ce qu’elle règlerait à l’avance.
La compagnie ukrainienne “Naftogaz reçoit son gaz pour les volumes qu’elle paye. Rien n’a été payé, donc rien” ne sera livré, a résumé le porte-parole de Gazprom, Sergueï Kouprianov.
Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a appelé lundi la Russie et l’Ukraine à “faire un effort” pour trouver un accord en vue d’une reprise des livraisons de gaz.
Les Etats-Unis ont qualifié lundi le compromis présenté par l’Union européenne d'”équitable et de raisonnable” et exhorté la Russie “à se réengager sur cette base” de négociations, a déclaré le porte-parole du Département d’Etat Jennifer Paski. Les discussions sous l’égide de l’UE ont échoué mercredi, l’Ukraine ayant refusé une proposition du président russe Vladimir Poutine de 385 dollars les 1.000 m3.
Gazprom a aussi annoncé lundi avoir saisi la cour d’arbitrage internationale de Stockholm concernant la dette gazière de l’Ukraine. Kiev a aussitôt répliqué en déclarant avoir entamé une procédure devant la même juridiction en ce qui concerne le prix du gaz.
Naftogaz réclame en outre six milliards de dollars à la partie russe, estimant avoir trop payé depuis 2010.
Cependant le groupe public a annoncé qu’une délégation ukrainienne se rendrait mardi à Budapest pour demander aux Européens de leur céder une partie du gaz russe qu’ils importent. “Des compagnies européennes sont prêtes à fournir du gaz à l’Ukraine. Elles proposent à l’Ukraine du gaz bon marché à 320 dollars les 1.000 m3”, a déclaré le PDG de Naftogaz, Andriï Kobolev.
L’Ukraine a refusé la hausse des prix décidée par Moscou après l’arrivée au pouvoir de dirigeants pro-occidentaux fin février, conséquence de la chute du président prorusse Viktor Ianoukovitch : les 1.000 mètres cubes de gaz sont alors passés de 268 à 485 dollars, un prix sans équivalent en Europe. Dans sa “dernière offre”, Moscou avait proposé 385 dollars.
– Vers un cessez-le-feu ?-
Après l’espoir d’une détente, né des premiers contacts entre le président russe Vladimir Poutine et le nouveau chef de l’État ukrainien Petro Porochenko, le ton est de nouveau monté entre Kiev et Moscou au cours du week-end.
Après la destruction en vol d’un avion militaire à Lougansk, faisant 49 morts, par les rebelles samedi, Petro Porochenko a convoqué lundi une réunion du Conseil de sécurité nationale. Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière pour l’armée ukrainienne depuis le déclenchement le 13 avril d’une opération militaire dans l’Est, qui a fait plus de 300 morts.
Pendant ce conseil, il a redit son espoir de parvenir à un cessez-le-feu cette semaine mais, a-t-il ajouté, pas avant un contrôle total de la frontière avec la Russie. Cette condition fait planer un doute sur la concrétisation de son voeu.
De son côté, la patronne des opérations humanitaires de l’ONU Valerie Amos, citée par des diplomates occidentaux, a déclaré lundi au Conseil de sécurité de l’ONU que la situation dans l’est de l’Ukraine s’était aggravée mais pas encore au point de déclencher une crise humanitaire.