L’Arctique russe, nouvelle terre promise des géants du pétrole

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Arctique (Photo : Pierre-Henry Deshayes)

[18/06/2014 14:49:05] Moscou (AFP) Des dizaines de degrés en-dessous de zéro en hiver, des espèces menacées et des infrastructures lointaines: bienvenue dans l’Arctique russe, nouvelle terre promise des compagnies pétrolières malgré une litanie d’obstacles pour l’exploiter.

“L’Arctique est l’une plus grandes zones restantes du monde qui renferme des ressources en pétrole et de gaz non encore découvertes”, a rappelé Rex Tillerson, patron du géant américain ExxonMobil, lors du Congrès pétrolier mondial, événement qui réunit cette semaine des représentants du secteur à Moscou.

C’est même “l’un des derniers endroits avec un potentiel de découverte de gisements énormes” de pétrole et de gaz, renchérit Tim Dodson, un des responsables de la compagnie publique norvégienne Statoil.

Selon un rapport publié en 2008 par l’Institut géologique américain, l’USGS, plus de 20% des réserves d’hydrocarbures planétaires restant à découvrir sont situées dans l’Arctique.

Ce trésor à 84% sous-marin serait situé en grande partie en Russie (au large de la Sibérie occidentale et à l’extrémité orientale du pays), et attire des groupes pétroliers russes et occidentaux, tels le norvégien Statoil, ou ExxonMobil, qui a forgé l’an dernier une alliance pour extraire du pétrole dans l’Arctique avec le géant pétrolier local, Rosneft.

Si, comme l’a rappelé Rex Tillerson, l’Arctique n’est pas une terre inconnue pour le secteur (de vastes gisements sont exploités parfois depuis des décennies en Alaska, au Nord de la Norvège ou à Sakhaline, dans l’extrême-Orient russe), “il ne faut pas négliger pour autant les obstacles”, prévient M. Dodson.

“Les quatre défis spécifiques sont la sécurité et l’environnement; la production et la logistique; l’utilisation du gaz”, qui faute de débouchés sur place nécessitera de construire des gazoducs, ou de le réinjecter dans les gisements, et “l’exportation du pétrole” via des oléoducs sous-marins ou des tankers adaptés à l’Arctique, énumère Oleg Mikhaïlov, vice-président de la compagnie russe Bachneft.

– Coûteuses contraintes –

Parmi ces casse-têtes, si l’on veut extraire du pétrole et du gaz à grande échelle dans l’Arctique russe, il faudra “transporter des millions de tonnes de matériel jusqu’à l’une des régions les plus isolées du monde”, ce qui “requiert une expansion de l’infrastructure ferroviaire, et la construction d’un réseau de ports et de bases côtières”, prévient-il.

Sans oublier des installations pour traiter les déchets, assembler les équipements de forages…

Côté sécurité et environnement, “la glace, la neige, le froid et l’obscurité créent un environnement à la fois hostile et magnifique”, et “bien que nous travaillions depuis une quarantaine d’années dans des conditions extrêmement dures, nous savons qu’il faut être particulièrement vigilant quand on intervient dans l’Arctique”, souligne M. Dodson.

Il faut “s’assurer que les compagnies qui opèrent en Arctique aient les équipements, les personnes et la formation nécessaires pour combattre une marée noire”, renchérit le dirigeant de Bachneft.

En effet, la catastrophe de 2010 dans le Golfe du Mexique “a montré l’épreuve à laquelle même les plus grandes compagnies du monde peuvent être confrontées en cas de marée noire incontrôlée, et s’occuper d’une marée noire dans l’Arctique, dans une mer gelée, serait une épreuve encore plus redoutable”, reconnaît-il.

Un risque qui fait frémir les ONG environnementales, comme Greenpeace, dont 30 militants ont été interpellés par les autorités russes en septembre alors qu’ils menaient une action contre une plateforme pétrolière de Gazprom, avant d’être relâchés fin décembre après une grâce présidentielle.

Pour les ONG, les activités pétrolières et gazières en Arctique sont condamnables à double titre, puisqu’elles mettent en danger un écosystème particulièrement fragile, refuge de nombreuses espèces menacées (ours polaires, cétacés…), et parce qu’elles contribuent à accélérer le changement climatique, déjà lourd de conséquences pour la région.

Au final, ces contraintes peuvent rendre les projets tellement chers que le jeu n’en vaut plus la chandelle. D’où une course entre pétroliers pour trouver des technologies leur permettant de réduire leurs coûts.

Statoil est ainsi en train de concevoir une nouvelle classe de navires de forage, spécialement adaptés à ces conditions extrêmes, tandis que Total cherche depuis des années avec Gazprom une solution rentable pour exploiter le gisement gazier géant de Chtokman, en mer de Barents, sans avoir encore trouvé la martingale.