Tunisie – GB – Hamish Cowell : Nous sommes attentifs aux appels de la Start-up de la démocratie

A quelques semaines du 1er anniversaire de son arrivée en Tunisie, l’ambassadeur de la Grande-Bretagne à Tunis, Hamish Cowell, dans l’interview qui suit, a accepté de nous livrer son avis sur les relations entre la Tunisie et le Royaume, la transition démocratique tunisienne, le tourisme, le climat des affaires…

Entretien.

hamish-cowell-britain.jpgWMC: Une année environ après votre installation, avez-vous pris vos repères avec le pays et par delà quelle esquisse de votre premier bilan d’activité?

Hamish Cowell : J’ai pris mes repères et j’ajouterais, mes attaches avec le pays et ses diverses régions. J’ai découvert le Cap Bon et le Sahel, stations favorites des touristes britanniques. Le 10 décembre, Journée internationale des droits de l’Homme, je me trouvais à Sidi Bouzid, ce qui me semblait le lieu indiqué pour la circonstance.

Puis j’ai découvert Gafsa et Kasserine, et plus récemment Jendouba, où on a célébré la semaine de la langue anglaise à l’université locale.

Je me suis également rendu à Sfax, la principale base d’activité pour les entreprises britanniques du secteur de l’énergie. Et j’ai rencontré, le plus possible, de Tunisiens.

J’étais directeur du bureau de l’Afrique du nord au ministère des Affaires étrangères à Londres, et je focalisais en particulier sur le berceau du printemps arabe. Mon premier bilan est la somme de tout cela.

Le processus de transition est à sa dernière ligne droite. Peut-on parler d’une Tunisian Touch’?

Depuis Londres, j’étais très optimiste sur le processus de transition en Tunisie. Je dois reconnaître qu’en arrivant en août dernier, le pays était en plein dans la crise politique et je vois avec optimisme le “squeeze“, cette sortie par le haut qui a abouti sur le dialogue national, puis à la nomination du gouvernement de technocrates, et enfin bravo pour le consensus sur la Constitution; et je retiens que c’est un texte où chaque Tunisien se retrouve. C’est, à l’évidence, une façon de marquer la spécificité tunisienne. Outre que cette transition a configuré la scène politique nationale.

Prenons une hypothèse de travail. Selon vous, est-ce qu’il était plausible de retenir la solution anglaise pour une Constitution non écrite, ce qui nous airait fait économiser beaucoup de temps?

Plausible, dites-vous? C’est à étudier. En tous cas, j’entendais de-ci de-là parler de temps “gaspillé“, mais ce temps a servi à un grand débat politique. C’était bénéfique pour la Tunisie et aussi pour la région. Mais rassurez-vous, même une Constitution non écrite appelle des aménagements réguliers et cela demande du temps aussi.

Le pays s’est enfin doté d’une loi électorale, d’un régime politique, enfin d’un schéma institutionnel. Cela suffit-il, selon vous, au retour de la stabilité politique?

Je pense qu’à côté de ce cadre formel, incontournable j’ajouterais, vous avez développé un cadre informel de mœurs politiques constitué par cette “tectonique“ entre formations politiques et qui est nécessaire, en démocratie, et cela fait, au bout du compte, que l’ensemble de l’édifice démocratique devienne viable et résistant aux épreuves de la vie démocratique et surtout de l’alternance.

Il y aura des secousses car les défis sont nombreux mais tel est le lot de la démocratie, qui n’est pas un long fleuve tranquille, faut-il le rappeler encore une fois.

Il y a cette boutade du chef du gouvernement qui dit “lors de la transition on a oublié, mais l’économie ne nous a pas oubliés“. Comment voyez-vous le gouvernement Jomaâ à l’épreuve du redressement économique?

C’est en effet un très bon constat de sa part. Il faut dire que le gouvernement Jomaâ part avec les faveurs du pronostic car il capitalise sur l’heureux dénouement de la crise, ce qui a renforcé l’image positive de votre pays. Et on l’a bien mesuré lors de ses déplacements à l’étranger.

Je rappellerais pour ma part l’autre phrase du chef du gouvernement à Washington quand il présentait la Tunisie, comme “la Start-up de la démocratie“. Eh bien, nous répondons présents aux appels de cette start-up, que nous soutenons pleinement. Elle en est à ses débuts et donc à la période où elle est la plus exposée aux risques. Il est nécessaire de l’encadrer. Il y a une très grande volonté de la part des amis de la Tunisie, au plan bilatéral et à travers les institutions multilatérales (FMI, BM et BAD) à apporter soutien et appui.

Cependant, l’aide ne suit pas. Est-ce que le seul message de “Invest in democraty“ suffit à attirer les investisseurs lesquels sont plus intéressés par la compétitivité que par la démocratie?

L’aide publique est toujours insuffisante, je vous l’accorde, mais le chef du gouvernement le savait et il disait à Paris, “davantage que l’aide publique, nous avons besoin d’investissement, de coopération et de partenariat“. La démocratie est le marchepied de la compétitivité, car c’est le préalable à la transparence, à la bonne gouvernance et à la stabilité.

L’Etat de droit est la clé de voûte de la confiance des investisseurs dans la justice et les institutions. Le reste, c’est-à-dire le climat d’affaires et les réformes, finira par suivre.

La section économique de l’ambassade a quelque peu ralenti ses missions économiques et commerciales. Outre cela, Londres est un pôle financier planétaire mais les opérateurs anglais ne semblent pas manifester un grand intérêt pour l’espace économique et financier tunisien?

Les deux dernières années, le climat n’était pas propice aux affaires. A présent que le pays s’est donné une visibilité, nous voilà de retour et au plus haut niveau.

Deux séminaires, l’un à Londres, lors de notre présidence du G8, et l’autre à Tunis, ont servi à préparer la visite de la Lord Mayor de Londres, Son Excellence Fiona Woolf, principal responsable de l’investissement financier pour le royaume.

Je pense que le dialogue économique et financier va se réamorcer. La Lord Mayor sera accompagnée d’une importante délégation.

Vous considérez que c’est le déclic?

Oui, en toute bonne logique, d’autant que les opérateurs britanniques sont ouverts à l’élargissement de la coopération au secteur des services, notamment de la santé et de l’enseignement privé. Je sais qu’un accord sera signé entre British Venture Capital Association et l’Association tunisienne des capitaux privés (ATIC), ce qui est un premier pas.

Je pense qu’il y a beaucoup d’opportunités sur le marché tunisien propres mais également des opportunités pour travailler ensemble avec les entreprises tunisiennes sur le marché africain francophone, de même que sur la Libye et l’Algérie.

Vous laissez sous-entendre que ni le terrorisme ni la contrebande ne vous effraient…

Nous avons tous souffert du terrorisme et c’est un défi qui nous est commun. D’ailleurs, nous mettons notre expertise de la lutte contre le terrorisme au service de la Tunisie, notamment pour sécuriser ses frontières et contenir la contrebande avec les pays voisins.

Les touristes anglais seront nombreux à visiter la Tunisie?

Il faut attendre la haute saison pour le dire. En 2013 ils étaient 400.000 à faire le voyage. C’est un record absolu y compris par rapport aux années d’avant la révolution et un record de croissance de tous les pays européens. Je serais heureux que l’on batte ce record en 2014.