La grève à la SNCF, un coût très diffus pour l’économie française

cef8d96e0e0e27feb379299d0b7a5535951443bc.jpg
ésert de la gare Saint-Charles, à Marseille, le 19 juin 2014 (Photo : Bertrand Langlois)

[19/06/2014 16:08:39] Paris (AFP) 300 millions ? 400 millions? Qui dit plus ? De nombreux économistes estiment que la grève à la SNCF, coûteuse pour l’entreprise, n’aura pourtant qu’un impact limité et dans tous les cas difficilement mesurable sur le reste de l’activité.

Le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, a fait ses comptes : les neuf jours de grève ont coûté à l’entreprise 153 millions d’euros, “un tiers de notre résultat de l’année dernière. C’est énorme”.

Au-delà de la seule SNCF, Frédéric Gonand, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, et cité dans l’Opinion et le Parisien, estime que l’impact d’un seul jour de grève dans les transports publics serait de 300 à 400 millions d’euros.

Depuis le début du mouvement, “on serait donc à 3 ou 4 milliards d’euros, environ 0,2% du Produit intérieur brut annuel. Sachant que l’on attend une croissance de 1% au mieux en 2014, cela fait déjà un cinquième de perdu, c’est beaucoup”, note Marc Ivaldi, chercheur à l’Institut d’économie industrielle de Toulouse, pour qui cet ordre de grandeur est “plausible”. Il souligne toutefois qu’il est “extrêmement compliqué” de calculer un impact.

Cette estimation rappelle celle faite en novembre 2007 par Christine Lagarde, alors ministre de l’Economie, face à la la mobilisation contre la réforme des régimes spéciaux de retraites : elle avait également estimé le coût à 300 ou 400 millions d’euros par jour.

– Impact négligeable –

L’Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) avait avancé un chiffre dix fois moins élevé, calculant que les grèves de novembre 2007 avaient fait perdre au total quelque 400 millions d’euros en dix jours. Et non pas 400 millions d’euros par jour, soit un impact au final “négligeable” pour l’activité annuelle.

Pour Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS, ce constat vaut aussi pour la grève en cours à la SNCF: “Le calcul de l’incidence sur la croissance ne vaut pas vraiment d’être fait, il n’y a pas d’effet disruptif.”

e763d885641e46d690c3cf551fa71c31fe805197.jpg
à un TGV à quai, gare Saint-Charles, à Marseille, le 19 juin 2014 (Photo : Bertrand Langlois)

Il souligne que “l’activité fret de la SNCF pèse de moins en moins lourd et que le transport routier peut se substituer”.

Ce que confirme Nicolas Paulissen, délégué général de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) : “traditionnellement en temps de grève de la SNCF, nous notons un surcroît d’activité”, qui dure “plusieurs semaines, en raison d’un phénomène de rattrapage”.

Denis Ferrand, directeur de la société de recherches économiques Coe-Rexecode, appelle toutefois à surveiller l’industrie lourde, “plus dépendante du fret” ferroviaire, et particulièrement la chimie, qui ne peut se passer de livraisons par train : “Si on en arrive à des ruptures de production dans ce secteur, il y aura un impact” sur l’activité globale.

Dès le 16 juin, la fédération du secteur, l’UIC, avait averti dans un communiqué que “plusieurs entreprises” se trouvaient “dans une situation très critique”.

Coût des uns, profit des autres

Marc Ivaldi rappelle, lui, qu’au-delà de la perte de production, une rupture de livraison engendre aussi des coûts indirects : d’éventuelles pénalités pour retard, ou encore des coûts de stockage.

Sans compter l’impact des jours de travail perdus dans le cas où des salariés n’ont pu rejoindre leur lieu de travail, ou le manque à gagner pour l’hôtellerie et la restauration.

“Les informations que l’on a sont que, malgré tout, les transports ont été assurés aux heures de pointe. Donc les pertes nettes sont comparables à celles du mois de mai avec ses ponts et ses viaducs”, juge Elie Cohen.

Du côté de la consommation d’électricité – un bon indicateur du niveau d’activité dans le pays -, la société de gestion des réseaux RTE indique n’avoir pas noté “d’évolution particulière” liée à la grève.

Par ailleurs les coûts et les désagréments des uns font en partie les profits des autres : si un plus grand nombre de personnes prennent leur voiture, cela augmente le chiffre d’affaires des stations-service. Et si un voyageur se retrouve privé de train, il peut se voir obligé de prendre le taxi, ou de se payer une nuit d’hôtel.