à la sortie du tribunal fédéral de New York, le 18 juin 2014 (Photo : Stan Honda) |
[19/06/2014 16:56:31] Buenos Aires (AFP) L’Argentine, condamnée aux Etats-Unis à payer deux fonds spéculatifs un reliquat de dette de la crise de 2001, est engagée dans une course contre-la-montre pour éviter un nouveau défaut de paiement, inéluctable pour certains experts, alors que d’autres jugent viable une solution négociée.
Jusqu’ici, Buenos Aires n’a pas clairement dévoilé sa stratégie vis à vis deux fonds “vautours” NML Capital, du très controversé milliardaire américain Paul Singer, et Aurelius Management. La justice américaine a condamné l’Argentine à leur verser 1,33 milliard de dollars. La présidente argentine de centre-gauche Cristina Kirchner a réaffirmé l’engagement à honorer la dette envers les créanciers privés restructurés, la quasi-totalité des détenteurs de titres argentins (93%), sans promettre d’en faire autant pour les deux fonds.
Buenos Aires doit rembourser le 30 juin (au plus tard le 31 juillet) une échéance de dette de 900 millions de dollars, dont 225 millions sur la place financière de New York, un versement qui sera bloqué tant que le contentieux avec les fonds spéculatifs ne sera pas réglé, c’est ce que stipule le jugement de la Cour d’appel de New York, confirmé lundi par la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis.
RISQUE DE DEFAUT DE PAIEMENT
. Le gouvernement argentin dit que le paiement de la somme due aux deux fonds (1,33 millions) peut déclencher une avanlanche de revendications des autres créanciers, que les autres fonds spéculatifs pourraient ayant refusé les restructurations de 2005 et 2010 (7%) exiger jusqu’à 15 milliards de dollars, et la quasi totalité des détenteurs des créances renégociées (93% des détenteurs de bons) pourraient exiger 100% de leur investissement initial, soit environ 100 milliards. La Banque centrale d’Argentine ne dispose actuellement que de 28,5 milliards de dollars de réserves en devises.
, dans une rue de Buenos Aires, le 18 juin 2014 (Photo : Alejandro Pagni) |
. L’économiste argentin Nicolas Dujovne écarte cette éventualité. “Il va y avoir des négociations entre le gouvernement (argentin) et les fonds. L’Argentine va devoir leur payer les 1,33 milliard de dollars, selon des modalités qui devront être définies. Robert Singer a d’ores et déjà dit qu’il accepterait un paiement impliquant des bons”, affirme Dujovne, qui ne croit pas à ce scénario-catastrophe.
La Deutsche Bank estime qu’une “issue négociée” est en train de s’imposer à Buenos Aires comme “la seule solution viable, même si un accord est encore loin d’être atteint”.
“Beaucoup d’acteurs importants, des banques d’investissement en possession de bons argentins, des organismes multilatéraux, des gouvernements, etc…, sont intéressés à ce que cette histoire ne se termine pas mal”, fait remarquer l’économiste argentin Pablo Tigani.
SI L’ARGENTINE REFUSE DE PAYER
Outre les conséquences du défaut, elle s’expose à la saisie de ses biens à l’étranger. La Cour suprême a infligé lundi un double camouflet à l’Argentine. Outre le rejet de son recours sur le jugement, elle a contraint l’Argentine à dévoiler la liste de ses actifs financiers afin de faire exécuter le jugement.
Pour éviter la saisie de l’avion présidentiel Tango 01, un Boeing 757, Cristina Kirchner utilise lors de certains de ses déplacements des avions affrétés pour l’occasion. En 2012, la frégate Libertad, un navire de la Marine argentine, avait été temporairement bloqué au Ghana à la suite d’une procédure judiciaire initiée par NML Capital.
“S’il y a une forme d’accord en coulisses, je ne sais pas, on ne prend pas position sur des questions juridiques ou politiques. mais le risque de défaut est avéré si l’Argentine n’applique pas le jugement de la justice”, avertit Gabriel Torrres, analyste chez Moody’s.
Pour éviter le blocage du règlement de 225 millions d’euros de la dette restructurée, Buenos Aires envisage un règlement à Buenos Aires plutôt qu’à New York. “C’est pratiquement mission impossible, car cela va à l’encontre de la décision judiciaire”, selon Gustavo Canonero, expert de la Deutsche Bank.
LE ROLE DU JUGE GRIESA
Le juge de la Cour d’appel de New York Thomas Griesa a longtemps été plutôt attentif aux arguments de l’Argentine, jusqu’en 2012, quand Mme Kirchner, dans une déclaration publique, a affirmé que l’Argentine ne paieraient jamais les deux fonds procéduriers. Il a prononcé un jugement sonnant comme une victoire totale pour les deux fonds à l’origine de la procédure.
Un économiste proche du gouvernement argentin, Agustin D’Attelis, estime que la solution est entre les mains du juge Griesa, car “la non application du jugement de la Cour pousserait l’Argentine au défaut de paiement”.
GAGNER DU TEMPS
Une clause dans la restructuration argentine nommée RUFO (Rights Upon Future Offers) établit que si un créancier reçoit une offre ou un paiement plus élevé, comme pour NML et Aurelius, les autres créanciers doivent bénéficier de la même mesure. Comme cette clause caduque le 1er janvier 2015, Buenos Aires essaie de gagner du temps pour qu’un éventuel règlement aux fonds “vautours” n’intervienne pas en 2014.