Dr. Zitouni Ezzeddine (neurologue), président de l’ONG Errakha et militant passionné du développement du sud du pays, estime que la situation sanitaire dans le bassin minier de Gafsa serait génocidaire si rien n’était fait pour revoir le processus de production de phosphate sur de nouvelles bases.
Gros plan sur un point de vue qui intervient au moment où le gouvernement s’emploie à optimiser les exportations de phosphate pour réduire le déficit commercial. Mais également au moment où les jeunes sans emploi gafsiens mettent la pression sur le pouvoir central afin qu’il opte soit pour leur embauche massive dans la Compagnie de phosphate de Gafsa, soit pour l’affectation d’au moins 20% des bénéfices de la compagnie à des fins de développement de la région, option (la dernière) rejetée par tous les gouvernements par crainte de voir d’autres régions réclamer leur part des richesses naturelles qu’elles recèlent.
Dans un entretien avec Webmanagercenter.com, Dr. Zitouni Ezzeddine propose quatre solutions complémentaires.
La santé des Gafsiens en danger
La première est d’ordre sanitaire. Elle consiste à stopper en urgence le système de production actuel de phosphate lequel utilise une technologie humide polluante consistant à laver le phosphate et à en rejeter, dans la nappe phréatique, des matières polluantes (mercure, uranium, plomb, cuivre…).
Conséquence: la consommation de l’eau de cette nappe contaminée par les métaux lourds serait, à ses yeux, à l’origine de la prolifération, dans le bassin minier, des maladies cancérigènes et d’autres affectons dangereuses.
Pour remédier au problème de l’eau, il propose le recours à deux éléments naturels disponibles dans le pays, et surtout inépuisables. Il s’agit d’acheminer l’eau de mer sur 150 kms (distance qui sépare Gafsa du littoral), de la stocker dans des barrages de rétention, de la dessaler par le biais de l’énergie solaire et de l’utiliser, ensuite, dans le lavage du phosphate.
Une telle option permettrait de pallier au déficit hydrique dans le bassin minier et d’exploiter l’eau de la nappe phréatique, entre autres, dans l’alimentation des communautés du bassin en eau potable saine.
Recourir à la technologie sèche
La seconde est d’ordre technologique. Elle consiste à changer de technologie et à opter pour la technologie sèche, technologie utilisée par les Algériens de l’autre côté de la frontière. Cette technologie convient aux régions où la pluviométrie ne dépasse guère 100 mm par an. Toutefois, pour lui et au regard des informations qu’il a recueillies auprès de gestionnaires et de techniciens, cette méthode ne serait pas rentable.
Nous estimons quant à nous qu’il est tout à fait naturel que ces mêmes gestionnaires et ingénieurs se défendent et refusent de reconnaître leurs erreurs et le confort que leur procure la technologie humide.
L’enjeu du choix de technologie est de taille. L’administration se doit d’y réfléchir sérieusement lors de l’octroi de nouveaux permis pour l’ouverture et l’exploitation de nouveaux gisements (Sra Ouertane et autres…).
Pour la réhabilitation de la plus belle oasis d’Afrique
La troisième solution a une vocation écologique. La démarche à suivre consiste à réhabiliter les oasis du bassin minier -et à travers tout le secteur agricole- et à en faire, de nouveau, des sources de revenus pérennes.
Est-il besoin de rappeler que dans le passé Gafsa était réputée pour être «la plus belle et la plus grande oasis d’Afrique».
A propos de la déstructuration du paysage oasien dans le bassin minier, Dr Zitouni Ezzeddine a tenu à signaler que Gafsa, avant d’avoir une vocation minière, était au départ une oasis prospère qui a disparu, petit à petit, par l’effet de la rareté de l’eau. Il y voit ce qu’il appelle «un marqueur biologique» qui annonce la disparition d’autres espèces dont l’espèce humaine. D’où l’enjeu de son SOS pour la révision du processus de production de phosphate.
Recours au Tribunal administratif
La dernière solution relève de ce qu’on appelle la guérilla juridique. Il s’agit de mettre en place une plateforme juridique qui aurait pour mission d’amener les gouvernements qui se sont succédé depuis l’indépendance à reconnaître les erreurs commises à l’endroit du bassin minier et à dédommager ses communautés.
Au nombre des griefs formulés, figurent la marginalisation à dessein de la région, la non diversification de la base économique du bassin minier, la responsabilité des choix techniques et leur rôle dans la pollution de l’écosystème et dans la mise en danger des vies des Gafsiens…
Pour ce faire, Dr Zitouni Ezzeddine se propose de s’associer avec le reste des représentants de la société civile pour recourir au Tribunal administratif et intenter un procès contre le pouvoir central. L’objectif étant de faire prévaloir les droits de la région.
Il faut dire que de telles pratiques sont monnaie courante dans les pays industrialisés. Le but poursuivi à travers de tels recours est de moraliser et de responsabiliser les décideurs et de dissuader toute récidive.