Dette : NML et Aurelius, les fonds “vautours” new-yorkais qui font trembler l’Argentine

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à Buenos Aires le 18 juin 2014 (Photo : Alejandro Pagni)

[20/06/2014 13:52:01] WASHINGTON (AFP) Fonds “vautours” ou investisseurs avisés? NML Capital et Aurelius Management, qui ont obtenu la condamnation de l’Argentine à les rembourser, traînent une réputation de spéculateurs sans états d’âme, à l’affût des faillites d’Etat ou d’entreprises.

Après le défaut de paiement de l’Argentine en 2001, ces deux fonds spéculatifs ont racheté de la dette du pays à prix cassés, refusé toute renégociation et saisi la justice pour obtenir le remboursement de leurs titres à leur valeur initiale et empocher la plus-value.

“C’est un +business model+ qui est au mieux contestable et au pire moralement condamnable”, affirme à l’AFP, Eric LeCompte, le directeur du collectif d’ONG Jubilee Network USA, très en pointe sur ce dossier.

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ès une audience le 18 juin 2014 à New York (Photo : Stan Honda)

Pionnière en la matière, la maison-mère de NML, Elliott Management, s’était déjà illustrée au milieu des années 90 au Pérou, alors en difficultés financières. Le fonds avait racheté 20 millions de dollars de dette publique et refusé de participer à un programme de restructuration lancé par le pays avant de récupérer 58 millions de dollars en justice.

“Ils utilisent des procédures judiciaires très agressives et engagent des actions pour être remboursés alors qu’ils n’ont jamais vraiment investi dans le pays”, poursuit M. LeCompte.

— Goût du secret —

Installés à New York, les deux “hedge funds” cultivent un même goût du secret sur le montant ou la nature des actifs qu’ils ont sous gestion. Elliott aurait la main sur plus de 21 milliards de dollars d’actifs, dépassant de loin Aurelius et ses 4,3 milliards.

Leur site internet fournit à peine un numéro de téléphone et aucun d’eux n’a souhaité répondre aux sollicitations de l’AFP.

En dépit de cette discrétion, le patron et fondateur de NML et de sa maison-mère Elliott Management s’autorise parfois quelques sorties sous les projecteurs.

A la tête d’une fortune de 1,5 milliard de dollars selon le magazine Forbes, Paul Singer est un habitué du grand raout de la finance mondiale à Davos où il n’hésite pas à livrer le fond de sa pensée.

Lors du dernier forum en terre suisse, en janvier, ce bientôt septuagénaire à la barbe soignée avait fustigé la politique menée par l’Argentine qui était alors secouée, comme d’autres pays émergents, par une forte volatilité financière.

“Ce qui arrive en Argentine est imposé par d’affreuses mesures gouvernementales”, avait-il lancé, tout en assurant que son litige avec Buenos Aires pourrait être réglé en “une après-midi” en ouvrant des négociations.

Fin 2012, son fonds NML avait montré un visage bien moins conciliant en faisant immobiliser un navire militaire argentin au Ghana afin d’essayer de faire plier Buenos Aires. L’initiative avait tourné court mais elle avait démontré la détermination de cet investisseur.

Sans états d’âme, Paul Singer est parfois où on ne l’attend pas. Il a ainsi pu critiquer les excès du système financier et a pris fait et cause pour le mariage gay, déplorant la frilosité du parti républicain sur la question et jugeant “rafraichissante” l’union entre personnes du même sexe.

— Profil bas —

En comparaison, le fondateur d’Aurelius fait davantage profil bas. Mark Brodsky, qui a fait ses classes auprès de Paul Singer lui-même, n’est pas encore entré dans le gotha de la finance mondiale et reste plus discret que son mentor.

Aux Etats-Unis, son fonds a toutefois mené une bataille ouverte lors de la faillite du groupe de presse américain Tribune (propriétaire du Los Angeles Times et du Chicago Tribune) s’estimant lésé par le plan de restructuration du groupe validé en 2012.

M. Brodsky avait par ailleurs lui-même pris la plume au printemps 2013 pour réfuter l’idée que la procédure engagée contre l’Argentine menacerait les futures restructurations de dette en encourageant les créanciers jusqu’au-boutistes.

“L’Argentine illustre le mieux au monde la manière dont un Etat ne doit pas traiter ses créanciers”, écrivait-il dans cette lettre ouverte publiée par le Financial Times. “Le système financier mondial est menacé si de tels comportements sont récompensés, pas si des contrats sont respectés”.