Pour l’Etat, l’interventionnisme sur Alstom s’est d’ores et déjà avéré payant

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à Paris, le 19 juin 2014 (Photo : Eric Piermont)

[20/06/2014 14:54:13] Paris (AFP) Que l’américain General Electric (GE) ou le tandem Siemens/Mitsubishi l’emporte, l’Etat est d’ores et déjà convaincu que son interventionnisme dans le dossier Alstom, prôné par le ministre Arnaud Montebourg, a porté ses fruits.

“Alstom aujourd’hui serait sans conditions dans les mains de General Electric depuis des mois si nous n’étions pas intervenus”, a affirmé vendredi le Premier ministre Manuel Valls, sur France Inter, exprimant la satisfaction du gouvernement de disposer de deux offres concurrentes sur la table.

“Sans M. Montebourg, ce serait signé depuis longtemps”, avait déjà reconnu mardi le patron de Siemens Joe Kaeser, évoquant un “ardent défenseur des intérêts de la France”, lors d’une audience à l’Assemblée nationale.

Près de deux mois son offre initiale, GE a nettement amélioré sa proposition jeudi, prenant en compte plusieurs exigences de l’Etat. Celui-ci a toujours exprimé son soutien à des alliances, plutôt qu’à une reprise pure et simple de ce fleuron de l’industrie française, aux activités stratégiques notamment dans le secteur nucléaire. Siemens et Mitsubishi Heavy Industries (MHI) ont à leur tour surenchéri vendredi.

– ‘On peut beaucoup’ –

De quoi satisfaire M. Montebourg, qui ne cesse de répéter “on peut beaucoup” pour justifier son interventionnisme dans le secteur privé – en nette opposition au malheureux “l’Etat ne peut pas tout” concédé par Lionel Jospin en 1999.

Sa gestion du dossier lui a valu de vives critiques, pas seulement en France. L’ancien ministre UMP François Baroin l’a qualifié de “Don Quichotte de l’économie administrée” qui “fait plus de mal que de bien”.

La Commission européenne a vu dans son décret du mois de mai – visant à barrer la route à certains investissements étrangers – une dérive protectionniste, le quotidien allemand Die Welt estimait pour sa part début mai que les “patriotes français se tiraient dans le pied” avec leur interventionnisme.

“Nous faisons à la fois des choses constructives et dérangeantes”, rétorque à tout cela M. Montebourg, “nous changeons peu à peu le modèle économique de notre pays”.

En tout cas l’industrie française, qui se sentait délaissée, pense avoir trouvé en lui le soutien qu’elle attendait depuis des années, comme l’a encore reconnu jeudi le patron des PME Jean-François Roubaud.

“Nous avons été heurtés par certaines de vos déclarations, mais nous sommes aujourd’hui sensibles à vos efforts pour l’industrie française”, a déclaré le président de CGPME, résumant l’état d’esprit du secteur.

M. Roubaud faisait allusion à l’interventionnisme des premiers mois de M. Montebourg, dont est resté son virulent “M. Mittal n’est pas le bienvenu en France” dans le dossier des hauts-fourneaux de Florange.

– ‘La bombe Montebourg’ –

Il n’était pas parvenu à convaincre le Premier ministre de l’époque Jean-Marc Ayrault et le président François Hollande de procéder à une nationalisation du site, provoquant de fortes tensions au sein de l’exécutif.

En saluant dès vendredi “l’engagement et le travail” de son ministre de l’Economie, le chef du gouvernement Manuel Valls a peut-être pris soin de désamorcer “la bombe Montebourg”, titre de la Une du Nouvel observateur de cette semaine, qui évoque une éventuelle démission, déjà mise dans la balance dans le dossier Florange.

Après les hauts-fourneaux, le cas SFR avait également montré les limites de l’intervention de l’Etat dans les affaires privées des entreprises, l’opérateur choisissant finalement l’offre de reprise de Numéricable contre l’avis du gouvernement, qui préférait celle de Bouygues.

Dans le cas Alstom, le gouvernement a changé de stratégie. Pour l’instant, l’exécutif ne s’est prononcé en faveur d’aucune des deux offres, mais a manoeuvré pour faire monter les enchères.

M. Montebourg a en outre évité de critiquer ouvertement l’américain, s’en prenant essentiellement au PDG Patrick Kron pour l’avoir mis devant le fait accompli.