à Paris, le 17 juin 2014 (Photo : Eric Cabanis) |
[20/06/2014 19:12:07] Paris (AFP) La CGT se trouve dans l’embarras pour gérer la fin de la grève des cheminots sans perdre la face, sur fond de cacophonie et de division interne, au moment où elle est engagée dans un autre bras de fer avec le gouvernement dans le conflit des intermittents du spectacle.
Après dix jours de grève contre la réforme ferroviaire, à l’appel de la CGT et de SUD-Rail, les cheminots ont été nombreux vendredi à voter la reprise – la participation tombée à 6,4% – tandis que des irréductibles notamment en Ile-de-France ont reconduit la grève pour le week-end.
Dans leur dernier communiqué, la CGT-Cheminots et SUD-Rail affirmaient que “le combat n’est pas terminé” tout en laissant aux cheminots le soin de décider de poursuivre ou non le mouvement.
“Une telle fin de conflit est un peu catastrophique”, affirme auprès de l’AFP un connaisseur de la centrale. “Ce n’est pas tellement dans la culture de la CGT d’aller à rebrousse-poil des réactions radicales, et dès lors ils sont embarrassés. Ils ont géré ce conflit avec du tangage, c’est le moins qu’on puisse dire.”
Le numéro un de la CGT, Thierry Lepaon, avait salué jeudi les avancées obtenues lors du débat sur la réforme à l’Assemblée nationale avec l’adoption d’amendements défendus notamment par le député Front de gauche André Chassaigne.
Mais le secrétaire général de la CGT a été démenti quelques heures plus tard par le patron de la fédération cheminots CGT, Gilbert Garrel, qui a qualifié ces amendements d'”enfumage”. Il “ne partage pas plus ces amendements aujourd?hui qu?avant la grève”.
Le texte amendé doit être voté mardi à l’Assemblée nationale avant un débat au Sénat en juillet.
La cacophonie serait le signe de dissensions internes: Thierry Lepaon “a établi des contacts directs avec l’Elysée et Matignon, négociant avec le gouvernement sur la réforme et Gilbert Garrel a été tenu à l’écart, d’où sa colère”, a affirmé à l’AFP un haut cadre cégétiste.
– Le ton monte –
M. Lepaon, lui, avait réfuté samedi dernier toute division interne, affirmant qu’il n’y avait “aucune différence, pas même un cheveu” entre Gilbert Garrel et lui.
A l’heure du bilan de la grève, le ton monte au sein de la CGT. La ligne de Thierry Lepaon, à la tête de la confédération depuis plus d’un an après une longue crise de succession, est jugée “illisible” par les plus critiques. “On a énormément du mal à le suivre dans ses orientations, un coup à droite, un coup à gauche. Il faudra que les choses changent, sinon il y aura des conséquences”, lance ce cadre.
A la SNCF, la CGT a perdu la bataille de la communication, les revendications des cheminots n’étaient pas explicites pour les Français, qui ont désapprouvé la grève à 75%, selon un sondage. “La grève au moment des épreuves du bac, c’est se tirer une balle dans le pied!”, relève un cadre.
La gestion de la crise a été d’autant plus complexe que la fédération des cheminots, premier syndicat de la SNCF, a été débordée par la base. “La fédération a été surprise par la vigueur des réactions des agents, parmi lesquels beaucoup de jeunes, et par la radicalité des personnel roulants, conducteurs, contrôleurs”, souligne auprès de l’AFP Jean-Marie Pernot, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires).
Malgré des déboires à la SNCF, la CGT ne laisse pas tomber le flambeau des luttes. Elle appelle à une journée d’action le 26 juin et est à la tête du mouvement des intermittents du spectacle qui contestent la nouvelle convention d’assurance chômage.
Ignorant l’appel à “l’apaisement” lancé par le Premier ministre Manuel Valls et jugeant insuffisantes ses concessions jeudi aux intermittents, la fédération CGT-Spectacle a reconduit vendredi son préavis de grève pour tout le mois de juillet et appelle à une “grève massive” le 4, jour de l’ouverture du festival d’Avignon.