Dans cette grisaille nationale marquée, ces jours-ci, par des tiraillements politiques, trahisons, retournements de veste et alliances contre nature, deux lueurs d’espoir viennent d’apparaître sur la voie du rééquilibrage macro-politique. Elles sont à l’actif et en l’honneur des femmes.
Le premier consiste en la décision d’un collectif de femmes de créer un mouvement politique spécifique à la femme, tandis que le second porte sur le démarrage, dans quelques jours, plus exactement le premier jour du mois de ramadan, d’une chaîne de télévision généraliste à vocation féminine.
Concernant le parti, une demande a été officiellement présentée pour l’obtention du visa. Selon sa secrétaire générale Meryem Ballali, qui a annoncé la nouvelle, ce parti sera baptisé «Parti de la femme tunisienne» et regroupera toutes les femmes tunisiennes quelles que soient leurs convictions et idéologies politiques. Mieux, toujours d’après elle, ce parti ne sera pas féministe au sens classique du terme et n’aura pas ainsi à exclure l’homme. Il se propose de revendiquer, plus que la parité et l’équité des chances, le partenariat effectif entre femmes et hommes.
Ce parti tombe à point
Il faut dire que ce parti tombe à point, et ce pour deux raisons principales.
Premièrement, il constitue une réaction naturelle et objective à la perspective d’une bipolarisation de la sphère politique par Nidaa Tounès et Ennahdha, deux partis qui se réclament d’idéologies ultralibérales et qui ont pour point commun la marginalisation de la femme.
Objectivement, Nidaa Tounès, composé d’anciens RCDistes recyclés, et farouche allié de puissances occidentales ultralibérales, ne fera que reproduire le modèle de développement suivi au temps du kleptocrate Ben Ali. Ce même modèle qui avait entretenu une fausse émancipation de la femme et son affectation dans des sous-emplois précaires dégradants et sans lendemain tels que le travail dans l’offshore, la sous-traitance, l’informel et (vous l’aurez compris…).
Quant à Ennahdha, cette secte qui a déstructuré le pays et l’a mis en faillite, durant deux ans au pouvoir seulement, n’a de fixation que pour l’assujettissement de la femme. Il ne pense qu’à accéder au pouvoir que pour achever son sale boulot, celui, entre autres, de supprimer le travail de la femme et de faire de cette partenaire de l’homme un réceptacle pour la reproduction et une bonne pour les travaux ménagers.
Deuxièmement, la création de ce parti est une réponse appropriée à la sous-représentativité de la femme tunisienne dans les sphères de décision des partis, des syndicats et des associations professionnelles.
Les résultats d’une enquête sur les femmes et la participation politique sont fort révélateurs à ce sujet. L’enquête menée par les universitaires Hafidha Chékir et Chafik Bousarsar -actuel président de l’ISIE- révèle que la présence de la femme au sein des partis n’est sollicitée et encouragée que pour «redorer l’image des partis sans plus».
Autre révélation de cette enquête: «le taux élevé d’analphabétisme de la femme en comparaison avec l’homme a largement contribué à la marginalisation du rôle de celle-ci dans les affaires publiques, outre les traditions perpétrées dans la société tunisienne qui considère la politique comme étant l’apanage de l’homme. La femme, selon les coutumes, doit s’occuper des affaires de la famille et des activités agricoles».
Cette faible présence de la femme sur la scène publique et sa sous-estimation presque génétique par l’homme suffisent à elles seules pour justifier «la création du Parti de la femme tunisienne» lequel parti gagnerait, au commencement, à développer les capacités de ses adhérentes et à les aguerrir à la gestion de la chose politique. Ce parti, fort de l’appui et de la sympathie des Tunisiens les plus intelligents, a, du reste, toutes les chances de réussir pour peu qu’il développe un discours rassembleur de toutes les femmes, qu’il adhère à une approche universaliste de la femme et qu’il tisse des relations de partenariat stratégique avec d’autres partis représentant d’autres pans marginalisés de la société tunisienne, tels que les intellectuels, agriculteurs, étudiants, femmes rurales et ouvrières dans l’offshore et l’informel.
Enfin une TV au service de la femme
Le second événement concerne le démarrage imminent d’une nouvelle chaîne de télévision généraliste à vocation féminine. Fondée par Kaïs Mabrouk, cette chaîne, qui sera dénommée “First TV“, est une belle réplique à la sous-représentativité de la gente féminine sur les plateaux de télévision et une légitime réaction pour faire entendre haut, très haut même, la voix des femmes qui représentent, rappelons-le, plus de la moitié de la population tunisienne.
C’est le plus beau cadeau qu’on puisse faire «au peuple des femmes» qui a eu le grand mérite de descendre massivement dans la rue pour dire non aux réformes moyenâgeuses d’Ennahdha, particulièrement lors de l’examen du projet d’article constitutionnel sur «la parité-complémentarité entre hommes et femmes» et lors du sit-in historique du Bardo (août 2013). Cette mobilisation historique et ses corollaires (adoption d’une Constitution et formation d’un gouvernement de technocrates) nous permettent, aujourd’hui, de jouir d’un minimum de stabilité et de sérénité.
C’est pour dire également que cette nouvelle chaîne ne manquera pas de soutenir la marche de ce peuple de femmes qui aspire, tout juste, au respect, à la liberté et au partenariat avec les hommes.
La femme est l’avenir de l’homme
Au final, tout Tunisien imbu de bons sens ne peut que saluer de telles belles initiatives en faveur de la femme tunisienne qui a montré, jusque-là, une forte capacité de résistance aux tentatives des mouvements rétrogrades. Elles s’inscrivent dans le droit fil du véritable rééquilibrage politique et socio-économique.
Et pour ne pas bouder notre plaisir, chantons ensemble «La femme est l’avenir de l’homme» du célèbre chanteur français Jean Ferrat, une chanson qui fait référence à la maxime du grand écrivain et poète Louis Aragon dans son recueil «Le fou d’Elsa», en l’occurrence: «L’avenir de l’homme est la femme».