éroport Marseille-Provence à Marignane, le 28 septembre 2010 (Photo : Anne-Christine Poujoulat) |
[23/06/2014 05:36:02] Aix-en-Provence (AFP) Lourdement condamnée en 2013 pour ses pratiques assimilées à du dumping social sur l’aéroport de Marseille-Marignane entre 2007 et 2010 la compagnie aérienne Ryanair est jugée en appel lundi et mardi à Aix-en-Provence, sur fond de nouveaux nuages judiciaires liés au même dossier.
Le tribunal correctionnel d’Aix n’avait trouvé aucune excuse à l’entreprise irlandaise dans son jugement du 2 octobre 2013, lui ordonnant une amende de 200.000 euros et surtout le versement de près de 9 M EUR aux parties civiles, majoritairement l’URSSAF, mais aussi d’autres organismes sociaux (Pôle emploi, caisses de retraite), pour n’avoir jamais déclaré son activité en France, ni au registre du commerce, ni à l’URSSAF.
L’amende ainsi fixée correspond quasiment au maximum (225.000 EUR) prévu par la loi pour une personne morale poursuivie pour travail dissimulé. Ryanair a également été reconnue coupable d’emploi illicite de personnel, entrave aux instances représentatives du personnel et prêt illégal de main-d’oeuvre.
“En refusant de se soumettre à la législation française en matière de cotisations sociales, la compagnie a organisé un véritable dumping social”, concluait le tribunal, rappelant que “les taux de charges sociales en France sont de 40 à 45% pour l’employeur, contre 10,75% en Irlande” et dénonçant “une situation de concurrence déloyale vis-à-vis des autres compagnies aériennes”. Un verdict en ligne avec la position du ministère public qui, lors de l’audience de mai 2013, avait fustigé: “on a affaire à une société dont le seul objectif est de contrer la loi au mépris des intérêts des travailleurs”.
Des plaintes du syndicat de personnels navigants sont d’ailleurs à l’origine de l’affaire. Le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin s’en était ému. Il avait stigmatisé le “comportement irresponsable des syndicats”. Avec 36 vols opérés en direct, la compagnie constitue il est vrai l’incontestable fleuron du terminal low-cost de Marignane, mp2, un équipement qui fait la fierté des élus locaux et de la chambre de commerce.
Au coeur du dossier, la base d’exploitation que Ryanair avait lancée début 2007 à Marignane, y stationnant quatre avions, avant de la fermer à grand fracas début 2011 à la suite de sa mise en examen, pour rouvrir quelques semaines plus tard la plupart des lignes.
La justice a estimé que le champion du ciel européen (4,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 569 millions d’euros sur l’exercice 2012-2013) aurait dû appliquer le droit social français en application du droit communautaire, et non le droit irlandais, à ses 127 salariés qui assuraient là, comme l’instruction l’a démontrée, une activité constante, avec un personnel résidant à proximité ou encore 300 m2 de locaux permanents.
“seule compagnie a refuser d’appliquer le droit français”
La compagnie s’était au contraire défendu d’avoir créé sur cet aéroport un “établissement pérenne” et mis en avant le fait que les salariés n’effectuaient qu’une activité temporaire. “Ils volent dans des avions irlandais et sont à cheval sur plusieurs pays, ils ne travaillent pas plus en France qu’ailleurs”, avait expliqué Luc Brossollet, l’un des avocats de l’entreprise, alors qu’aucun de ses dirigeants ne s’était déplacé à l’audience.
La compagnie a depuis essuyé une nouvelle plainte du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) représenté par le cabinet d’avocats Rappaport-Andreu-Hocquet, qui a donné lieu à l’ouverture d’une nouvelle information judiciaire au parquet d’Aix-en-Provence. “Il n’a pas été mis fin à l’activité qui a donné lieu à la première condamnation”, selon la procureure Dominique Moyal. Mais pour prouver qu’elle ne possède toujours pas de base à Marignane, et ainsi échapper au droit français, Ryanair aurait notamment imposé des roulements de 5 jours à ses équipages.
D’autres décisions judiciaires menacent la position de Ryanair. En mars, la Cour de cassation a confirmé la condamnation pénale de deux compagnie étrangères low-cost Easyjet et Vueling, pour les mêmes faits de travail dissimulé. Cityjet, filiale d’Air France, a également été condamnée en octobre en appel. “Toutes ces compagnies se sont mises en règle depuis. Seul Ryanair refuse d’appliquer le droit social français”, souligne Me Claire Hocquet.