Le logo de Bouygues Telecom (Photo : Philippe Huguen) |
[23/06/2014 16:35:39] Paris (AFP) Bouygues, à qui l’on prêtait la volonté de vendre au plus vite sa participation dans Alstom pour réinjecter du cash dans sa branche télécoms, pourrait au final rester actionnaire du groupe industriel pendant de longs mois en vertu de l’accord trouvé avec l’Etat.
Le feuilleton Alstom a connu son épilogue grâce au compromis trouvé ce week end avec l’Etat français.
Huit ans après être sorti du capital, ce dernier va revenir au conseil d’administration pour veiller aux activités qu’il juge stratégiques, dès que l’alliance avec l’américain General Electric (GE) sera finalisée, au plus tôt à la fin du premier trimestre 2015.
Mais quid de la participation de Bouygues, premier actionnaire avec près de 30% ?
Au terme d’une rude négociation, le groupe diversifié — présent dans la construction, les média avec TF1 et les télécoms avec Bouygues Telecom — a donné à l’Etat une option d’achat sur les deux tiers de sa participation, soit 20% du capital d’Alstom, d’une durée de 20 mois.
Pendant ces 20 mois, à compter de la finalisation du rapprochement entre Alstom et GE, attendue au premier trimestre 2015, l’Etat jouira des droits de vote de Bouygues au conseil d’administration.
Mais il peut dès aujourd’hui, s’il le juge plus avantageux, préférer acheter des titres Alstom sur le marché — où le flottant représente 70% du capital et où l’action cote 28 euros, — plutôt qu’à Bouygues, qui réclame au moins 35 euros par titre.
– Verre à moitié plein –
En outre, rien ne dit que l’Etat va au final, entrer au capital d’Alstom : il pourrait se contenter des droits de vote et des deux représentants au C.A. lui permettant de peser sur les décisions, ce qui serait “assez malin”, estime un analyste sous couvert de l’anonymat.
“Le verre est à moitié plein. Il y a quelques incertitudes: si Arnaud Montebourg n’est plus là dans six mois, Alstom sera-t-il toujours la priorité d’un autre ministre de l’Economie ?” se demandait un autre.
De fait, les analystes s’interrogeaient lundi sur les modalités de l’accord passé entre Bouygues et l’Etat, certains comme Aurel BGC le jugeant “tarabiscoté”, d’autres spéculant sur d’éventuelles contreparties confidentielles.
“Bouygues a sans doute obtenu des concessions dans la téléphonie mobile au minimum et au sujet de LCI” que sa maison-mère souhaite ardemment voir devenir gratuite, estimait Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque.
Quoi qu’il en soit, l’accord trouvé par Bouygues pour vendre à 35 euros ou plus “semble meilleur que la situation de vendredi dernier, quand il semblait que la part serait achetée au prix du marché”, jugeait Bank of America-Merrill Lynch.
“Ce n’est pas l’affaire du siècle” tranchait un autre analyste, car Bouygues, qui a déjà déprécié de 1,4 milliard d’euros la valeur d’Alstom dans ses comptes 2013, “fera une perte en revendant à un moins bon prix qu’il n’a acheté”.
Or pour Bouygues, il est très compliqué à ce stade de savoir combien de cash il retirera de cette éventuelle cession de titres à l’Etat, et à quelle échéance.
De source proche du dossier, on assurait toutefois lundi que le groupe, qui vient d’empocher 780 millions d’euros de la vente d’une part de Cofiroute et bénéficiera cette année de la cession d’Eurosport international, n’a “pas de besoins pressants en cash”. Il n’était, en premier lieu, pas demandeur d’une cession, dont le produit servirait à “l’ensemble des métiers du groupe”, et non à la seule filiale télécoms, selon cette source.
Après avoir échoué à convaincre le groupe Vivendi de lui vendre sa filiale télécoms SFR, acquise par le câblo-opérateur Numericable (Altice), Bouygues Telecom a annoncé une restructuration incluant 1.516 suppressions d’emplois sur 9.000. Mais elle ne se traduira dans les comptes qu’en 2016.
Et dès la fin du premier trimestre 2015, Bouygues bénéficiera de la cession des activités énergie d’Alstom à GE dont le produit, environ 9,5 milliards d’euros, sera en partie redistribué aux actionnaires sous forme de dividendes.