Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 24 juin 2014 (Photo : Miguel Riopa) |
[24/06/2014 13:59:59] Aix-en-Provence (AFP) Une amende de 200.000 euros a été requise mardi en appel à Aix-en-Provence à l’encontre de la compagnie aérienne irlandaise Ryanair, poursuivie pour travail dissimulé sur sa base de Marseille-Marignane entre 2007 et 2010, qui a riposté en tentant de mettre en avant un modèle social “spécifique”.
A l’issue d’un réquisitoire rigoureux, l’avocate générale Isabelle Pouey a réclamé la confirmation de la culpabilité et de la peine prononcées en première instance, où la société avait écopé en octobre 2013 d’une amende de ce montant, pour n’avoir jamais déclaré son activité sur sa base de Marseille-Marignane, ni à l’URSSAF, ni au registre du commerce.
Ryanair prétendait que les 127 salariés de la base de Marignane relevaient du droit social irlandais, beaucoup plus avantageux financièrement.
“Le taux de cotisation salariale, tant pour les salariés que pour les employeurs, varie du simple au quadruple entre la France et Irlande. Une telle différence de cotisation permet évidemment une réduction des coûts. Si on ne fait pas de profit sur les billets, il faut qu’on le fasse ailleurs. C’étaient les salariés qui étaient low cost, voire très low cost”, a lancé l’avocate générale.
Reprenant un à un les chefs d’inculpation (prêt illicite de main d??uvre, emploi illicite de personnel, entraves aux instance représentatives du personnnel) elle s’est notamment attachée à caractériser le fait que Ryanair possédait bel et bien sur le terminal de Marseille-Marignane d’une “base d’exploitation” pérenne, ce qui lui imposait “d’être soumis à la législation du pays d’établissement, en l’occurrence la France”.
A l’appui de son argumentation le développement de l’activité de la compagnie, la durée des contrats des salariés (3 ans), le fait qu’ils étaient tenus d’habiter à proximité, ou encore la durée de la convention liant Ryanair à la chambre de commerce de Marseille pour le bail de ses locaux (10 ans).
– Affiliés à la Sécurité sociale irlandaise –
Egalement fustigé, le recours à deux agences de travail temporaire irlandaises, avec lesquelles 56 des 127 salariés étaient sous contrat et étaient payés à l’heure de vol pour le même travail que leurs collègues. “Cela n’avait pour seul objet que l’externalisation des charges. Les salariés, bien sûr, acceptaient ce mode de rémunération. Ryanair bénéficiait là d’une main d??uvre flexible, bon marché, et particulièrement docile, car leur but était de devenir plus tard personnel de statut Ryanair”, a affirmé la magistrate.
La défense lui a répondu avec pugnacité, dénonçant “la caricature qui veut que Ryanair soit une affreuse société qui maltraite tous ses salariés”, selon Me Luc Brossollet. A ses yeux, Marseille-Marignane, où Ryanair a “pris le risque d’investir” n’était rien d’autre qu’une “base opérationnelle”, où “il ne se décidait strictement rien, sans service commercial, sans interlocuteur pour le public, où pas un contrat n’était signé”.
Pas de quoi, donc, être considéré comme un établissement au sens européen du terme. “C’est peut-être étonnant, mais c’est comme ça, le droit ne prévoit pas tout. Vous avez là une organisation spécifique, c’est Ryanair, c’est comme ça!”, a encore insisté Me Brossollet.
Les salariés, de surcroît, ont été affiliés à la Sécurité sociale irlandaise, ce qui les dispensait de cotiser en France, a-t-il aussi fait valoir. “Un paravent!”, avait moqué Mme Pouey, anticipant l’argument.
La défense a aussi fustigé les “sommes extraordinaires” allouées aux parties civiles, principalement l’URSSAF et divers organismes sociaux (caisse de retraite du personnel navigant, Pôle emploi…), qui avaient obtenu 8,8 MEUR de dommages-intérêts en première instance. La faute à un “dossier taillé à la serpe, où l’on raisonne en masse, sans précision”, selon Me Marc-Antoine Lévy.
L’arrêt a été mis en délibéré au 28 octobre.