Des containers dans le port de Barcelone, le 10 septembre 2013 (Photo : Lluis Gene) |
[25/06/2014 05:58:05] Madrid (AFP) Face à la crise qui s’éternise en zone euro, l’Amérique Latine est plus que jamais un refuge de croissance pour les entreprises espagnoles, mais le mouvement est désormais à double sens, les groupes latinoaméricains prenant l’Espagne comme porte d’entrée en Europe.
La récente visite à Madrid du président mexicain Enrique Peña Nieto en a été un bon exemple: les patrons, de la banque BBVA au géant énergétique Iberdrola en passant par le gestionnaire d’infrastructures Ferrovial, se sont pressés à sa rencontre.
Difficile de ne pas céder aux charmes d’un pays qui devrait croître de 5% par an dans les prochaines années et prévoit d’investir 440 milliards d’euros jusqu’en 2018, notamment en énergie et télécommunications.
Plus généralement, “nous assistons à un grand boom de la construction d’infrastructures en Amérique Latine pour la prochaine décennie”, explique Juan Carlos Martinez Lazaro, professeur à l’IE Business School.
“Nous le voyons du Mexique au Chili, où tout est à faire, pratiquement”, dit-il, le Brésil, terre d’accueil du Mondial de football puis des Jeux Olympiques en 2016, en étant le parfait exemple.
Par sa proximité culturelle et linguistique, l’Amérique Latine a été, dès les années 1990, une destination naturelle pour les sociétés espagnoles en quête d’internationalisation.
C’est à cette époque que le groupe de BTP et services FCC y a mis les pieds, d’abord au Costa Rica et Mexique, explique Vicente Mohedano, directeur de la région pour la branche construction.
Avoir “la même culture, la même langue et des valeurs presque identiques” a représenté un avantage compétitif au départ et aujourd’hui FCC Construction tire “environ 40% de son activité” de l’Amérique Latine, une part “légèrement supérieure à l’Espagne”.
La crise accentue ce phénomène en attirant un peu plus les entreprises espagnoles vers cette région, Brésil et Mexique en tête.
En mars, FCC, en consortium avec ACS, a ainsi remporté un contrat de 3,9 milliards d’euros pour construire une partie du métro de Lima.
Le Brésil est devenu le premier marché de Telefonica début 2013, et au Panama, c’est encore un Espagnol, le constructeur Sacyr, qui supervise l’élargissement du célèbre canal.
Au Mexique, Iberdrola compte investir 3,5 milliards d’euros en six ans.
– Investissement mexicain –
Mais les rôles s’inversent: l’Espagne est désormais la cible de sociétés latinoaméricaines, surtout du Mexique et du Venezuela.
“Il y a de plus en plus d’entreprises que l’on appelle +multilatinas+, qui sont des multinationales latinoaméricaines qui commencent à être présentes non seulement en Amérique Latine mais aussi à l’échelle mondiale, en Europe, en Asie ou aux Etats-Unis” et investissent “dans tous types de secteurs”, note Carlos Malamud, chercheur principal sur l’Amérique Latine à l’institut El Cano.
“Par exemple, l’investissement mexicain en Espagne est d’environ 20 milliards d’euros et nous avons vu récemment des investissements dans le secteur bancaire”, une proie facile car fragilisée depuis l’éclatement de la bulle immobilière en 2008.
Banco Popular, Liberbank et Banco Sabadell ont fait entrer à leur capital des actionnaires mexicains.
Mais c’est la banque vénézuélienne Banesco qui a marqué le plus grand coup en raflant en décembre la banque nationalisée NovaGalicia pour un milliard d’euros.
“L’Espagne, en plus d’être la mère patrie, est un pays attractif en phase de reprise”, a déclaré à El Pais son président Juan Carlos Escotet, dont les parents, espagnols, étaient partis tenter leur chance au Venezuela en 1947.
Les banques ne sont pas les seules visées: le mexicain Sigma, allié au chinois Shuanghui, a pris le contrôle du groupe alimentaire Campofrio. Le géant pétrolier mexicain Pemex a fait de même avec les chantiers navals Barreras.
“Je ne dirais pas que la tendance d’investissement entre l’Espagne et l’Amérique Latine s’est complètement inversée, mais il est évident que le vent a tourné récemment alors que des groupes latinoaméricains commencent à investir en Espagne”, estime Vicente Mohedano, de FCC.
“De nombreuses entreprises prennent l’Espagne comme la tête de pont, la porte d’entrée en Europe”, note Juan Carlos Martinez Lazaro, profitant elles aussi de cette affinité culturelle.
Selon lui, “c’est un phénomène qui va aller en augmentant à mesure que les entreprises latinoaméricaines vont gagner du poids, de la capacité financière et de la capacité de gestion”.