«Entre l’égalité de tous sur la ligne de départ et les performances de chacun à l’arrivée, le travail fait de l’individu le seul responsable de son propre parcours». Cette citation de Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), résume à elle seule le parcours très court et dans le même temps très dense d’Amel Karboul, ministre du Tourisme.
Nombre de fois contestée pour avoir osé braver les résistances des administratifs disciplinés et réduits à de simples machines à appliquer les lois en vigueur sans initiative et sans imagination, Amel Karboul a le mérite d’avoir repositionné la femme tunisienne au centre décisionnel. Elle ne subit pas, elle décide. Elle ne se soumet pas, elle se bat pour remettre le tourisme tunisien sur orbite. Mais mieux encore, elle bataille pour que l’économie tunisienne reprenne sa santé en jouant à la PR à l’échelle de l’Etat.
Malgré quelques hésitations dues à son inexpérience politique, elle a rapidement su s’intégrer dans l’environnement institutionnel tunisien.
Amel Karboul figure emblématique de la femme tunisienne compétente, audacieuse, volontariste et maîtresse à bord dans son département, a damné le pion à nombre de hauts responsables et réussi à séduire par son professionnalisme et sa compétence une chancelière réputée être la plus puissante et la moins communicatives de l’Europe.
Pour preuve, le plaidoyer qu’elle a fait en Allemagne pour redresser la barre de la Tunisie, mise à mal par trois années de gouvernements provisoires et incompétents, une instabilité sociale tous azimuts et des risques sécuritaires avérés, a été porteur.
Entretien.
WMC : Qu’est-ce qui vous a le plus frappée lors de la dernière visite d’Etat de Mehdi Jomaâ en Allemagne, vous, en tant que ministre du Tourisme, et surtout germanophone confirmée et familiarisée avec les mœurs et les us allemands?
Amel Karboul : Tout d’abord, l’accueil accordé à Monsieur le chef du gouvernement et sa délégation. Il a bénéficié du rang protocolaire le plus élevé. Il a eu un entretien fructueux avec la chancelière Angela Merkel qui a confirmé son soutien inconditionnel à la Tunisie sur les plans économique, sécuritaire et au niveau de la formation et de l’expertise.
J’estime personnellement que cette visite a atteint ses objectifs consistant à relancer la dynamique de coopération économique entre nos deux pays et consolider les bases d’un nouveau partenariat.
Qu’en est-il des rencontres que vous avez, vous-même, eues avec des hauts responsables allemands?
Pour moi, il s’agissait en premier lieu de redorer l’image de la Tunisie en Allemagne qui est un partenaire économique privilégié pour la Tunisie. Je n’ai pas voulu limiter le champ de mes actions au tourisme mais l’élargir à celui des investisseurs. Car j’estime que le fait que des investisseurs allemands misent sur le site Tunisie est rassurant pour les touristes venant de ce pays. Ils savent que si les opérateurs privés investissent dans notre pays, c’est parce qu’il leur offre la stabilité sociale et la sécurité nécessaires pour la bonne marche de leurs affaires.
Comment avez-vous fait pour les convaincre de l’intérêt que représente le site Tunisie aussi bien pour les touristes que pour les investisseurs?
Je voudrais tout d’abord rappeler que la Tunisie est une destination traditionnelle pour les touristes allemands si ce n’est la phase postrévolutionnaire et ce qu’elle a suscité comme incertitudes chez nombre de nos partenaires. Je pense que nous sommes aujourd’hui sur la bonne voie. Et c’est avec cette logique que nous avons rassuré nos partenaires sur l’avenir de notre pays et nous avons défendu une Tunisie plus ambitieuse et plus forte, qui peut se positionner en partenaire d’égal à égal.
Je voudrais profiter de cet entretien pour remercier Philip Missfelder, député du CDU, parti politique au pouvoir, avec lequel j’ai eu un long entretien qui a donné lieu à un communiqué de soutien très positif sur la Tunisie, ce qui n’est pas d’usage dans un pays comme l’Allemagne.
Ma rencontre avec la chancelière Merkel a été des plus intéressantes et j’ai été agréablement surprise par la qualité de son accueil et sa dimension humaine.
Vous avez également eu à discuter avec des opérateurs privés et des représentants de TO. Quelle a été la teneur de ces discussions?
Lors d’un déjeuner avec la Numov, association des entreprises allemandes pour la région MENA, j’ai eu l’opportunité de parler des défis économiques que pourrait relever la Tunisie en collaboration avec les décideurs du monde du tourisme et de l’industrie. Je citerais à ce propos Heike Brehmer, chef de la commission tourisme au Parlement, Thomas Ellerbeck, TUI AG Head of Group Gorporate and External Affairs, ou encore Dieter Bellé, CFO Leoni.
M. Dieter m’a annoncé une bonne nouvelle, à savoir la décision de conforter encore plus leur place en Tunisie.
Ce sont vos seuls contacts avec les acteurs économiques allemands?
Eh non, j’ai bien amorti mon séjour allemand… Je me suis entretenue avec M. Sigmar Gabriel, vice-chancelier et ministre de l’Economie et des Energies (au ministère de l’Economie et des Energies) en présence de monsieur le chef du gouvernement, du ministre des Affaires étrangères, et des DG de la FIPA et de l’APII avec pour objectif de convaincre nos vis-à-vis allemands de renforcer leur présence et leurs investissements en Tunisie. Il s’agissait pour la délégation tunisienne, et c’est sur quoi a insisté M. Mehdi Jomaâ, de réussir un partenariat d’égal à égal et de relever le défi économique, maintenant que celui politique est derrière nous.
J’ai eu également l’honneur d’être chargée par le chef du gouvernement de prononcer le discours de clôture du Forum économique organisé en marge de notre visite en Allemagne. Je pense qu’en tant que délégation gouvernementale, nous avons fait le nécessaire pour remettre sur les rails la coopération tuniso-allemande. Il reste aujourd’hui à concrétiser nos accords de coopération et réaffirmer notre image en tant que site attractif et sécurisant pour les opérateurs internationaux..
