ée pour faire de la publicité dans un magasin, le 12 juin 2014 (Photo : Ed Jones) |
[27/06/2014 09:17:44] Séoul (AFP) L’immense popularité des feuilletons télévisés sud-coréens en Asie attise la convoitise des grandes marques, qui payent des sommes folles pour que l’héroïne utilise leur téléphone portable ou leur rouge à lèvres. Et le spectateur a parfois l’impression de regarder une émission de télé-achat.
La Hallyu (vague coréenne) a déferlé sur l’Asie et plus récemment sur d’autres continents, de l’Afrique à l’Amérique latine. Ses feuilletons télévisés et ses groupes de pop sont suivis par des millions de fans.
Profitant de cet engouement, les entreprises déboursent des millions pour que les couples des soap operas avouent leurs sentiments via un smartphone Samsung, s’embrassent dans une voiture Hyundai ou se déchirent dans un salon équipé d’une télévision à écran géant LG.
Le succès en Chine du feuilleton “Mon amour des étoiles” a provoqué dans ce pays un emballement pour le poulet frit à la coréenne et la bière, le repas préféré de l’héroïne, une star de cinéma amoureuse d’un extraterrestre âgé de 400 ans.
La jeune femme, jouée par Gianna Jun, utilise le smartphone vedette de Samsung et se lave le visage avec la lotion Amorepacific, numéro un des cosmétiques en Corée. Les autres personnages se régalent souvent de desserts CJ, champion de l’agro-alimentaire.
Et ça paye.
Les ventes des lotions et rouges à lèvres utilisés par Jun ont grimpé de 75 et 400% en Chine depuis la diffusion du feuilleton, grâce notamment aux achats des Chinoises.
“Auparavant, les placements de produits dans les programmes télévisés dopaient les ventes uniquement en Corée du Sud. Mais nous observons maintenant un effet immédiat et d?envergure en Asie, surtout en Chine”, indique la société dans un courriel à l’AFP.
– “Un paquet global” –
Plus des 90% des accords de placements de produits se nouent avec des groupes coréens. Les étrangers commencent cependant à s’y intéresser.
éens est de plus en plus utilisée pour vendre des produits, comme ici dans un magasin de cosmétiques à Séoul le 16 juin 2014 (Photo : Ed Jones) |
Une paire de bottes Jimmy Choo portées par l’héroïne de “Mon amour des étoiles” s’est arrachée dans les magasins asiatiques, malgré ses 625 dollars US (459 euros). Et il n’a fallu qu’une rumeur sur la marque d’un rouge à lèvres apparu dans un épisode pour que les clientes se précipitent sur les bâtons YSL.
Ni Jimmy Choo ni YSL n’avaient payé pour placer leur produit et la marque n’apparaissait même pas.
Le constructeur allemand Mercedes Benz a lui placé un de ses modèles… dont les ventes ont immédiatement grimpé en Chine, poussant la filiale chinoise à envoyer un mot de remerciement à sa comparse de Corée.
Les montants des contrats restent confidentiels, mais le ticket d’entrée dans les programmes populaires se négocient à 100 millions de wons minimum (72.000 euros) et bien plus pour les feuilletons à succès, selon des sources du secteur.
Le géant de l’électronique Samsung est le plus gros investisseur. Il est présent dans deux tiers des soap operas produits dans le pays, indique Kim Si-Hyun, de 153 Production, une agence de placement de produits.
“C’est souvent un paquet global. Tous les biens électroniques, smartphones, ordinateurs, appareils photo, climatiseurs, télévisions et réfrigérateurs sont des produits Samsung. Du début jusqu’à la fin” de l’histoire, détaille le directeur de l’agence.
– Les boissons sur la table –
Le placement des produits démarre très en amont de la production, une fois décidées les grandes lignes du récit, les personnages et leur profession.
Les lieux de travail sont “mis en vente”. Celui du personnage principal part entre 500 millions et un milliard de wons.
éens est de plus en plus utilisée pour vendre des produits, comme ici devant un magasin de cosmétiques à Séoul le 16 juin 2014 (Photo : Ed Jones) |
C’est Mango Six, une chaîne de cafés, qui a remporté la mise pour “Les héritiers”, une histoire d’amour entre adolescents. L’héroïne, jeune fille pauvre courtisée par deux garçons fortunés, y travaille. Et les deux prétendants boivent quantité de jus Mango Six en attendant la demoiselle.
“Nous nous sommes assurés que les scènes les plus fortes, celles où chacun avoue ses sentiments à la jeune fille, ou celle de la violente dispute, se passent dans la boutique. Avec nos boissons sur une table”, explique à l’AFP Kang Bong-Joo, le directeur marketing de la chaîne de cafés.
Elle a payé 500 millions de wons et remporté le jackpot, en raison de l’immense succès du feuilleton. Dans ses magasins en Chine, les clients veulent les mêmes jus que ceux dégustés par le trio. “Nous pensons que ça nous a vraiment aidé en Asie”, résume Kang.
Les téléspectateurs peuvent se lasser de ces publicités déguisées. “Je me demande parfois si je regarde une feuilleton télévisé ou une chaîne de télé-achat”, s’irrite un fan sur un forum dédié.
Caser des dizaines de produits dans une heure de feuilleton peut être difficile, reconnaît Kim Yeong-Seop, producteur à la chaîne télévisée SBS.
Mais le placement de produits est devenu “un élément clé” de la télévision actuelle, ajoute-t-il. Les acteurs les plus populaires demandent des salaires très élevés, les coûts ont explosé et le placement de produits n’est plus seulement souhaitable mais essentiel. “Nous nous efforçons de maintenir un équilibre”, assure-t-il.