Une étude sur le diagnostic et la prévention de la corruption dans le milieu universitaire tunisien a été présentée, vendredi 27 juin à Tunis. Réalisée par le Forum Universitaire Tunisien, l’étude a pour objectif d’examiner et d’analyser les perceptions de ce phénomène par les différents acteurs directement impliqués dans le milieu universitaire afin de proposer des recommandations utiles pour prévenir et contrecarrer l’enracinement de ce fléau.
Les résultats de l’étude, qui a duré une année, ont été présentés lors d’une conférence de presse donnée par les membres du Forum Universitaire Tunisien. “Cette étude est la plus aboutie et la plus sérieuse réalisée sur la corruption dans le milieu universitaire en Tunisie”, a indiqué, à cette occasion, Moncef Ben Slimane, président du Forum. “Cette étude sera soumise au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des Technologies de la communication et de l’information”, a-t-il dit.
L’étude a été effectuée sur plusieurs phases: étude documentaire, étude qualitative et étude quantitative (Approche académique) et approche artistique (production des supports de prévention).
Pour la majorité des acteurs consultés lors de cette enquête, la corruption serait “tout contournement des lois pour un profit personnel et la personne corrompue serait un opportuniste qui accepte de rendre service d’une manière illicite moyennant une contrepartie”.
Afin d’appréhender le phénomène de la corruption dans le milieu universitaire Tunisien, la méthodologie adoptée a été articulée autour de deux approches: qualitative et quantitative.
Absence d’objectivité dans l’ouverture de postes
L’approche qualitative a fait ressortir les principaux résultats suivants: les enseignants ont noté l’absence d’objectivité dans l’ouverture des postes, le choix des candidats admis et leur affectation et dans le traitement des dossiers de mutation outre la gouvernance des départements (répartition des matières, emplois du temps) qui serait dans certains cas élaborés sur la base du favoritisme et de la complaisance, selon l’enquête.
Côté recherches, les enseignants semblent souffrir des problèmes liés au manque de transparence dans la nomination des chefs de laboratoires et l’octroi des stages et de bourses, en plus de l’exploitation de jeunes doctorants.
D’autres formes de corruption relatives au déroulement des cours et des examens sont, également, citées par l’étude (cours particuliers, fraudes…)
Selon l’étude, les étudiants perçoivent la corruption comme un système qui agit grâce à la complicité de plusieurs individus activement ou passivement impliqués. Dans ce cadre, plusieurs zones de corruption ont été identifiées, notamment le changement des notes, la fuite des sujets d’examens, la falsification des diplômes, le harcèlement sexuel et moral et le flou qui caractérise l’octroi des bourses et les concours de réorientation.
Les administratifs confirment les formes de corruption évoquées par les enseignants et les étudiants liées essentiellement au manque d’objectivité dans le traitement des dossiers de marchés publics, l’acceptation de bâtiments non conformes aux règles de sécurité et la tolérance des absences des enseignants et des agents administratifs. Les interlocuteurs ont estimé, qu’il s’agit d’un domaine où la pression exercée par plusieurs intervenants influents constitue une pratique courante voire quotidienne.
La culture du piston…
La phase quantitative de l’étude a consisté à conduire une enquête nationale sur la base de trois questionnaires administrés auprès d’un échantillon de 1264 personnes interrogées. Les résultats de l’enquête montrent que pour les trois acteurs directement impliqués dans la vie universitaire, la corruption constitue un phénomène courant, nuisible à l’image de l’université et dont l’évolution continue même après la révolution du 14 janvier 2011. Ces acteurs admettent que la corruption trouve principalement ses origines dans la culture du piston, l’absence d’un système de contrôle, l’incompétence de certains responsables et/ou enseignants, l’absence de sanction ou de culture de dénonciation.
Les trois acteurs estiment, également, qu’il est très difficile d’éliminer la corruption dans le milieu universitaire. Ce constat est “inquiétant et ferait de l’Université Tunisienne un ascenseur social en panne”, indique l’étude.
En revanche, des pistes de réflexion intéressantes ont été suggérées par les personnes interrogées consistant, essentiellement, en la réforme du mode de gouvernance et de gestion du système universitaire, la sensibilisation des intervenants aux graves conséquences de la corruption dans le milieu universitaire, l’identification et la reconnaissance des normes à respecter, la mise en oeuvre de méthodes de contrôle et l’instauration d’un système de sanction efficace.