à main de luxe européen de nouveau très prisés aux Etats-Unis (Photo : Bernice Han) |
[30/06/2014 10:47:03] New York (AFP) Fini le temps où le luxe n’avait d’yeux que pour la Chine, ses millions de consommateurs aisés et leur fol appétit pour les sacs à main et robes griffés: Louis Vuitton, Gucci, Hermès et consorts ont repris le chemin de l’Amérique.
La crise est passée et les géants du luxe ont vu leurs ventes rebondir avec panache aux Etats-Unis où ils investissent d’autant plus résolument que la bulle chinoise se dégonfle, retrouvant un terrain de jeu quelque peu négligé dans les années 2000.
“Le marché américain est un marché clé pour le luxe et il a un très grand potentiel”, estime François-Henri Pinault, le PDG du groupe Kering, propriétaire de 17 marques de luxe dont Gucci, Bottega Veneta, Saint Laurent et Balenciaga.
Aidé par l’immobilier et une Bourse en forme, le marché des biens personnels de luxe aux Etats-Unis a progressé l’an dernier plus vite qu’en Chine et pesait 65 milliards d’euros sur 217 milliards dans le monde, selon Bain & Company, qui table sur 6 à 7% de croissance en 2014, soit plus que les 4 à 6% attendus au niveau mondial.
D’après le Boston Consulting Group (BCG), les Etats-Unis seront jusqu’en 2020 une locomotive plus rapide que la Chine pour le luxe.
Les causes ? Des touristes qui affluent toujours plus nombreux et dépensent des fortunes en produits de luxe, Asiatiques et Sud-Américains en tête.
De très riches Américains – près d’un tiers des millionnaires de la planète sont originaires des Etats-Unis – mais aussi une classe moyenne qui progresse. Et un public qui globalement peut mieux faire, les Américains consommant peu de luxe comparé à d’autres pays, note Sarah Willersdorf, du cabinet BCG.
Pour Mortimer Singer, de Marvin Traub Associates, “les grandes villes américaines sont en plein boom et le luxe a une énorme marge de progression”.
De fait, les marques européennes, stars de la planète luxe, sont sous-représentées face aux américaines comme Tiffany, Ralph Lauren, Michael Kors, Coach, Calvin Klein…
La principale, Louis Vuitton (LVMH), n’a engrangé aux Etats-Unis que 15% de ses 7,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires contre 60% en Asie.
Gucci et Chanel y font environ 20% de leurs ventes, Hermès 17% et Burberry 25%.
Au total, le pôle luxe de Kering n’a réalisé au pays du billet vert que 18% de son chiffre d’affaires en 2013, même s’il y a vu ses ventes progresser de 7,6% à 1,2 milliard d’euros. LVMH a lui fait 23% de ses ventes aux Etats-Unis.
– Caviar, champagne et pizza –
Du coup, les géants du luxe européen ouvrent des boutiques à New York, Miami ou Los Angeles, où Hermès s’est offert un magasin rénové en septembre et Bottega une boutique ce mois-ci. Mais aussi à Las Vegas, Chicago et Dallas, où Alexander McQueen s’est installé l’an dernier et Balenciaga en mai. Ou encore à Seattle, où Gucci ouvre la semaine prochaine.
A lui seul, Kering a inauguré depuis 2012 une cinquantaine de magasins et une dizaine d’autres sont prévus d’ici à fin 2016. Sur la 5e Avenue à New York, à l’angle de la 56e rue, la plus grande boutique Gucci au monde a rouvert en novembre, agrandie et relookée.
Pour réussir aux Etats-Unis, les marques européennes doivent composer avec la spécificité des consommateurs américains, champions de l’e-commerce, accros aux grands magasins, mais aussi aux promotions et aux “outlets”, ces magasins de déstockage à prix réduits et en plein boom.
“Personne ne veut en parler”, lance Mortimer Singer, “mais le luxe aux Etats-Unis est probablement vendu pour 60% à prix pleins et pour 40% en promotions”.
Totems de la consommation américaine depuis des décennies, les grands magasins Saks, Bergdorf Goodman, Neiman Marcus, Barney’s, Bloomingdale’s et autres Macy’s restent incontournables.
Ils réalisent 52% des ventes du luxe aux Etats-Unis, tandis que 17% sont faites en ligne et 29% dans les boutiques des marques, selon BCG.
à Manhattan (Photo : Spencer Platt) |
Le grand magasin américain, c’est la porte d’entrée pour une marque aux Etats-Unis. “Y être distribuée, cela signifie un boom de 30% dans les ventes”, assure M. Singer.
Gucci et Vuitton s’évertuent néanmoins à reprendre progressivement le contrôle de leurs concessions dans ces grands magasins, qui peuvent aussi faire du mal à une marque: pendant la crise, les Saks and Co ont bradé des produits de luxe. “Un désastre en termes d’image”, relève François-Henri Pinault.
Alors qu’ils cèdent un peu de terrain, les grands magasins innovent pour chouchouter leurs riches clients.
Saks sur la 5e Avenue à New York a lancé son “Club”: des salons privés où tout ou presque est permis.
Une riche cliente française “adepte du shopping nocturne” y reste régulièrement jusqu’à 3 heures du matin, raconte le directeur du magasin, John Cruz. Elle commande du caviar-champagne. Ou parfois, une pizza.