à Bruxelles le 27 juin 2014 (Photo : Thierry Charlier) |
[01/07/2014 07:55:58] Rome (AFP) Pendant son semestre de présidence de l’Union européenne qui débute mardi, l’Italie de Matteo Renzi entend impulser une Europe plus engagée en faveur de la croissance et plus solidaire pour corriger l’image d’institutions éloignées des préoccupations des gens et synonymes de rigueur.
“Il ne suffit pas d’avoir une monnaie, un président ou une source de financement en commun. Soit nous acceptons un destin et des valeurs en commun, soit nous perdons le rôle de l’Europe face à elle-même”, a déclaré cette semaine le jeune et dynamique Premier ministre en illustrant au parlement le semestre européen de l’Italie.
“L’Europe aujourd’hui c’est de l’ennui (…) elle est submergée de chiffres et privée d’une âme”, a-t-il ajouté, en soulignant que les milliers de jeunes gens morts pendant la Première guerre mondiale ne se sont pas sacrifiés pour “des paramètres” ou “un no man’s land de bureaucratie”.
Matteo Renzi ne demande pas de dépasser la limite des 3% de déficit budgétaire par rapport au PIB. Mais il demande “d’utiliser la marge de flexibilité qui existe” dans les traités européens.
Sur ce terrain, il a obtenu l’appui du président français François Hollande, partisan de “tirer pleinement parti des flexibilités afin notamment de tenir compte des réformes engagées par les pays et de leur situation économique”.
Pour relancer la croissance, Paris prône un “programme d’investissements à cinq ans en mobilisant les ressources publiques européennes et nationales”. Rome, qui a aussi réclamé “un grand programme d’investissements”, notamment dans le domaine des infrastructures énergétiques, propose de le financer avec des “project bonds”.
“L’Italie veut un rôle plus dynamique pour la Banque européenne d’investissements” (BEI), bras financier de l’UE, a expliqué à l’AFP Sandro Gozi, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes.
Selon M. Gozi, qui citait des recherches européennes, le “fossé” entre les nécessités de croissance et de création d’emplois et les fonds européens alloués à ces fins est d'”environ 700 milliards d’euros”.
“Il faut changer de musique” dans la construction européenne, a-t-il dit. “L’Europe devait être un rêve, elle est devenue un cauchemar”, a ajouté M. Gozi.
L’Italie, qui lutte contre une croissance anémique et un chômage de 12,6%, voudrait aussi des délais plus longs pour réduire sa gigantesque dette publique (autour de 2.000 milliards d’euros, soit plus de 130% du PIB).
Lors du sommet européen, l’Italie a estimé avoir marqué des points en obtenant de l’Allemagne d’Angela Merkel son blanc seing sur un document pour les cinq ans à venir qui accepte une lecture plus souple du pacte de stabilité européen.
Mais des commentateurs relevaient perfidement samedi que l’Italie s’est vue refuser par Bruxelles un report à 2016 de l’obligation d’un retour à l’équilibre budgétaire.
Autre écueil, mis à part le choix du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker pour diriger la Commission européenne, les Européens n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur des noms pour la présidence du Conseil européen, de l’Eurogroupe et du chef de la Politique étrangère de l’UE.
“Le semestre de présidence italienne démarre avec de nombreuses difficultés avec d’importants postes au sein des institutions européennes à répartir et un Parlement nouvellement élu qui a vu l’affirmation de forces anti-européennes”, analyse pour l’AFP Federico Niglia, professeur d’histoire contemporaine à l’université Luiss de Rome.
“La position britannique représentera également un problème, Londres ayant une lecture de l’intégration européenne totalement opposée à celle qu’en fait Rome”, qui prône une union encore plus poussée, relève le professeur.
Après l’ascension des partis europhobes ou eurosceptiques dans toute l’Union aux élections de la fin mai, la politique européenne est cependant contrainte de changer.
“Le résultat des élections européennes est un indicateur qu’il est impossible d’ignorer, c’est une sonnette d’alarme”, assure M. Niglia.
C’est d’ailleurs cet élément, la progression des anti-européens, que Matteo Renzi compte utiliser comme levier pour pousser l’UE à se modifier en profondeur.
Le nouveau parlement européen tiendra sa session inaugurale à Strasbourg du 1er au 3 juillet et le chef du gouvernement italien y présentera le 2 le programme de sa présidence.