à Johannesbourg le 1er juillet 2014 (Photo : Mujahid Safodien ) |
[01/07/2014 18:30:24] Johannesburg (AFP) Le syndicat sud-africain des métallurgistes a entamé mardi une grève illimitée pour obtenir de meilleurs salaires, ignorant les appels à la retenue alors que le pays est au bord de la récession après cinq mois de conflit social dans les mines de platine.
La grève concerne quelque 220.000 employés du secteur de l’acier et des constructions mécaniques. Le syndicat Numsa, le plus puissant du pays, exige notamment 12% d’augmentations salariales, et a prévenu qu’il ne descendrait pas sous les 10%. Certains de ses dirigeants sont revenus mardi sur leur revendication initiale de 15%.
Les employeurs offrent de 7 à 8% la première année –un peu plus que l’inflation, légèrement supérieure à 6%– et un rattrapage de l’inflation les deux suivantes.
Le Numsa veut aussi un accord pour un an seulement –au lieu de trois, habituellement–, afin de pouvoir renégocier les salaires tous les ans et ne pas être dépassé par des syndicats plus radicaux.
Le mouvement devrait selon le syndicat toucher quelque 10.500 entreprises et en toucher rapidement d’autres, comme l’automobile –déjà affectée par des grèves massives l’an dernier–, qui risquent de se trouver privées de pièces détachées.
L’industrie manufacturière pèse environ 15% du PIB sud-africain.
Kaizer Nyatsumba, le directeur général de la Fédération de l’acier et des industries mécaniques d’Afrique australe (Seifsa, patronat), a indiqué qu’il avait reçu un appel du dirigeant de la filiale locale d’un constructeur américain –Ford ou General Motors– l’informant que le groupe, exaspéré par les grèves à répétition en Afrique du Sud, envisageait de délocaliser sa production dans un pays plus calme.
“Nous allons faire grève, et bloquer l’industrie”, avait averti jeudi Karl Cloete, secrétaire général-adjoint du Numsa, qui a fait défiler ses adhérents mardi matin dans les principales villes du pays.
“Ils (les employeurs) nous promettent juste 7%, mais pour nous, ça ne suffit pas”, a estimé Sam Nyashe, un soudeur défilant à Johannesburg.
“Peu importe combien de temps elle durera, ça vaut le coup. C’est la guerre”, a-t-il ajouté, avant de rejoindre la marée de manifestants vêtus de tee-shirts rouges qui ont paralysé le centre de la métropole économique sud-africaine.
La ministre du Travail Milfred Oliphant a tenté lundi soir de mener des négociations de dernière minute pour empêcher ce mouvement qui pourrait précipiter l’économie nationale dans la récession, mais en vain. De nouvelles discussions sont prévues vendredi, selon la Seifsa.
La grève du Numsa succède à un autre mouvement, très dur, qui n’a pris fin que la semaine dernière dans les mines de platine après cinq mois et a été largement rendu responsable d’un recul du PIB de 0,6% au premier trimestre.
Plus optimiste pourtant que certains analystes, la Banque mondiale ne prévoit plus qu’une croissance de 2% en Afrique du Sud cette année, trois fois moins que ce qu’il faudrait pour résorber un chômage qui touche plus du quart de la population active.
“Notre économie a été sérieusement sous-performante ces dernières années et la situation a empiré ces derniers temps. La dernière chose dont nous ayons besoin est d’une grève”, a regretté Kaizer Nyatsumba.
L’hiver austral est appelé la “saison des grèves” en Afrique du Sud, quand sont négociés les accords salariaux branche par branche. D’autres conflits sociaux avaient déjà affecté, entre autres, l’automobile et les mines l’an dernier.
La grève du Numsa a selon de nombreux observateurs un volet politique, le syndicat ayant rompu les ponts avec l’ANC au pouvoir. Il milite pour un virage à gauche de la centrale syndicale Cosatu –traditionnellement alliée de l’ANC, et dont il est la principale composante–, réclamant notamment de très fortes hausses de salaire afin d’éliminer les inégalités sociales héritées de l’apartheid.
“Nous ne reculerons pas!”, a assuré mardi le secrétaire général du Cosatu Zwelinzima Vavi, s’adressant aux manifestants de Johannesburg. “Nous demandons notre part de l’économie de ce pays.”
“S’ils croient que nous serons fatigués après une semaine, ils se trompent”, a-t-il ajouté, très applaudi.
Numsa veut également faire pression sur la compagnie d’électricité Eskom –dont les employés n’ont théoriquement pas le droit de grève–, pour y obtenir aussi 12% d’augmentation. Eskom est en permanence sur le fil du rasoir pour éviter des coupures de courant, ses centrales fonctionnant au maximum de leur capacité.