Le président provisoire vient d’effectuer une tournée africaine qui l’a mené successivement au Mali, au Niger, au Tchad et au Gabon à la tête d’une délégation triée au peigne fin et composée d’une centaine de cadres exécutants et de représentants des structures connues pour leur inefficacité et contreperformance (CEPEX, CONECT, APII, Sonede, Steg…).
Selon l’architecte de ce périple, en l’occurrence le conseiller économique du président, Anis Jaziri, cette tournée africaine a été un succès. Elle a permis de conclure 35 accords de coopération. Si on leur ajoute les 23 accords conclus fin mai avec le Maroc qui est également «un pays africain», le total des conventions conclues avec des pays africains, en l’espace d’un mois, s’élève à 58. En apparence, il s’agit de toute évidence d’une performance de la présidence provisoire, voire d’un exploit.
Et pourtant, à regarder de plus près, ces arrangements, conclus à la-va-vite avec des pays insignifiants en termes de partenariat stratégique et d’échanges économiques et autres, sont plus des mémorandums, c’est-à-dire de simples notes diplomatiques, voire des professions de foi sans lendemain, à l’exception des conventions qui ont une connotation religieuse.
Seuls les accords à vocation religieuse ont la chance d’aboutir
Celles-ci ont toutes les chances d’aboutir parce qu’elles portent les couleurs d’Ennahdha et parce qu’elles sont et surtout à la charge du contribuable tunisien.
Ces projets à vocation religieuse, qui prouvent, encore une fois, que le programme de cette tournée a été bien préparé avec les stratèges de Montplaisir (Siège d’Ennahdha), sont les seuls projets sur lesquels des informations détaillées ont été publiées.
Le premier concerne l’accord en vertu duquel la Tunisie va accorder des bourses universitaires aux étudiants maliens souhaitant suivre des études dans «les sciences théologiques» dans les universités tunisiennes.
Le second porte sur la prise en charge par l’Institut supérieur de formation des imams et des prédicateurs à Kairouan de la formation des imams maliens à partir de l’année prochaine.
Le troisième concerne un protocole d’entente et de partenariat stratégique entre la Banque Zitouna et la Banque islamique du Niger (BIN).
Le choix de cette banque à vocation islamique suscite des interrogations. Pourquoi cette banque et non pas les autres banques de la place, d’autant plus que les banques constituent une composante essentielle de toute stratégie à mettre en place pour la conquête du marché africain?
Agir sur l’image, l’ambassade, la banque et la ligne aérienne
Est-ce nécessaire de rappeler ici que les pays qui ont réussi des percées pérennes dans le marché africain, tels que la Turquie et le Maroc, ont massivement investi dans quatre créneaux logistiques: l’image de marque du pays (pays stable pour le Maroc, pays émergent à forte croissance pour la Turquie), la mise en place d’un réseau de chancelleries de proximité à même d’encadrer en temps réel les investisseurs, la multiplication des vols aériens vers les capitales et centres d’affaires africains, et enfin la disponibilité en Afrique d’un réseau bancaire diversifié.
Malheureusement, sur ces quatre niveaux, la Tunisie est très en retard par rapport aux deux pays comparateurs précités et même avec d’autres comme l’Algérie et l’Egypte.
A titre indicatif, l’image colportée de la Tunisie, aujourd’hui, est celle d’un “pays exportateur de terroristes sans foi ni loi“. Les vidéos montrant des djihadistes tunisiens tuer de sang-froid des personnes capturées et ligotées ont fait le tour du monde.
Néanmoins, ce périple aurait été un grand succès et aurait accroché toute l’Afrique si jamais il avait été effectué, en 2012, au lendemain des premières élections démocratiques dans le pays. L’image d’une Tunisie révolutionnaire qui avait réussi sa première épreuve démocratique était manifestement une belle image à vendre. Le problème était par conséquent le choix du timing.
Bourguiba l’avait fait et réussi en vendant, lors de son périple africain, durant les années soixante, l’image d’une Tunisie indépendante, ambitieuse et avide d’étendre son influence et de faire connaître son pragmatisme sur le continent africain. Mais Marzouki n’a rien du génie de Bourguiba et encore moins de la hardiesse d’un de nos glorieux ancêtres, Hannon, navigateur et explorateur carthaginois qui a exploré une partie des côtes africaines donnant sur l’Atlantique.
Le président provisoire s’est avéré, hélas, un simple porteur d’encensoir au service d’un parti religieux qui doit disparaître un jour ou l’autre pour peu qu’il continue à appartenir à la mouvance islamique internationale. Car l’avenir est à la séparation entre l’Etat et la religion, et ce comme partout dans le monde.