Internet : la conception des sites, outil de navigation plus “verte”

2395f33a3cb057152396744663d3ecbc58345a2e.jpg
é à Manille le 18 février 2014 (Photo : Jay Directo)

[03/07/2014 17:24:07] Paris (AFP) Internet est de plus en plus énergivore, mais certains sites sont beaucoup plus gourmands que d’autres: pour limiter leur consommation, il faut agir sur la conception des logiciels, prônent des spécialistes après en avoir passé 600 au crible.

“Les développeurs de sites aujourd’hui ne se soucient pas du tout de l’énergie qui sera consommée, ni du matériel qu’il faudra pour utiliser leurs produits”, a expliqué jeudi à la presse Thierry Leboucq, lors de la présentation d’une étude inédite baptisée “Web energy archive” sur la consommation énergétique des sites, côté utilisateurs.

En agissant sur différents facteurs (langage informatique utilisé, technologie déployée, taille des images et vidéos, nombre de requêtes lancées vers des serveurs pour afficher une page, etc.), “la consommation peut être fortement réduite”, assure ce spécialiste qui n’hésite pas à parler d'”obésité logicielle”.

“Et il est plus facile, et donc moins coûteux, de le faire dès la conception plutôt qu’une fois le site créé”, renchérit son collègue Olivier Philippot, un des experts de “Green Code lab”, réseau de professionnels qui a mené ces travaux avec le soutien de l’Ademe (Agence de la maîtrise de l’énergie).

Cette étude s’est focalisée sur la consommation des utilisateurs des sites, car jusqu’ici, l’attention s’est plutôt portée sur les serveurs regroupés dans des “data-centers”. Or la consommation liée aux infrastructures de l’internet (data-centers et réseaux), en pleine expansion, ne serait que la partie visible de l’iceberg.

Selon les résultats présentés jeudi, la consultation des cent sites français les plus visités équivaut à une consommation de 8 gigawatt-heures par an côté utilisateurs, l’équivalent de la consommation annuelle de 3.000 foyers. Côté serveurs, l’énergie correspondant au même usage est estimée à 0,58 GWh.

Pour affiner la connaissance des besoins énergétiques lors de la consultation d’un site, le “Green Code Lab” a évalué en conditions réelles 600 sites français, dont les cent les plus consultés. La moyenne se situe à 60 watt-heures (Wh) pour 1.000 pages consultées.

– Chaque clic consomme de l’énergie –

Mais la différence entre les sites est énorme: “les meilleurs consomment 10 watt-heures et les plus mauvais 259 watt-heures”, ont précisé les artisans du “Web energy archive”.

Ces données devraient encore accroître la prise de conscience de l’aspect énergivore de l’internet et interroger davantage les usages qui en sont fait: chaque clic de souris pour accéder à un site, chaque photo envoyée de son smartphone, chaque consultation d’un réseau communautaire sont des commandes qui impliquent des échanges de données, et donc de l’énergie.

Selon une étude de l’Université de Dresde (Allemagne) de 2008 qui fait référence, la consommation énergétique des infrastructures de l’internet (les réseaux et les serveurs des “data-centers”) s’élevait en 2005 à 0,8% de la consommation mondiale.

En 2012, les auteurs prévoyaient qu’elle atteigne 2% de la consommation mondiale, soit l’équivalent de l’aviation civile. Et en 2030, en l’absence de pratiques différentes, l’énergie consommée par l’internet pourrait égaler la totalité de la consommation mondiale de 2008.

Au-delà du rôle des développeurs, les travaux du “Green Code Lab” ont mis en avant “des marges d’amélioration du côté des navigateurs qui ne sont pas tous égaux”, affirme Olivier Philippot. Chrome (Google) est ainsi plus énergivore que Firefox ou Internet explorer (Microsoft).

Alain Anglade, ingénieur à l’Ademe, souligne également que “mieux vaut surfer sur une tablette ou un smartphone, que sur un ordinateur” qui multiplie au moins par cinq la consommation d’énergie pour aller sur un site. “Sur la télé connectée, c’est encore bien pire que sur un ordinateur”, ajoute-t-il.

Pour les membres du “Green Code Lab”, le “Web energy archive” (WEA) n’en est qu’à ses débuts: cet outil est amené à évaluer davantage de sites et à affiner encore les mesures possibles dans le but de poursuivre la sensibilisation de tous les acteurs de l’internet.