Le glas a sonné! Les dates des élections sont pratiquement fixées et la compagne a démarré au quart de tour! Et voilà que l’on se rappelle que la machine centrale de cette «guerre» en perspective sont les médias et particulièrement les télés et les radios dont la proximité et la pénétration sont sans égal dans notre société -mais aussi les médias électroniques, sont encore l’apanage de ceux qui ont un ordinateur et un accès internet! Les régions intérieures et les couches défavorisées (ou nouvellement paupérisées) ne peuvent être atteintes qu’à travers l’audiovisuel.
Déjà des voix s’élèvent pour rappeler à l’ISIE et à la HAICA qu’il va falloir sérieusement surveiller ce secteur et veuillez à l’application de la loi! Quand cela est faisable! Mais il y a des cas où la surveillance et la loi sont inopérantes!
La bonne nouvelle c’est que le paysage audiovisuel tunisien d’après la révolution est particulièrement varié et il continue à s’enrichir chaque jour (First Tv, la dernière chaine en date commence au mois de Ramadan!). Cependant, un passage en revue de composantes de ce déferlement audiovisuel nous renseigne sur les réalités partisanes de ses acteurs!
Passons sur les deux chaînes du service public (Al Watania 1 et 2) qui devraient observer une certaine neutralité et qui sont tenues, par la loi électorale, à ouvrir l’antenne à tous les candidats selon un calendrier égalitaire. Avec l’observation, d’après les expériences des élections du 23 octobre que ces spots ridicules et engoncés n’ont eu que peu d’impact. Le modèle que nous avons importé de France, comme beaucoup d’autres choses, est obsolète et inutile. Un message vidéo sur Facebook est mille fois plus efficace!
La nébuleuse télé «islamique»
Elle s’est créée et diversifiée en un laps de temps record, à la faveur de la liberté retrouvée et de la puissance «Nahdhaoui» qui s’est révélée après le 23 octobre. Il y a là la fameuse Zaytouna TV et El Motawasat TV, les deux sont publiquement connues pour leur proximité du parti de Rached Ghannouchi, et elles seront, à n’en pas douter, en selle pour la campagne que mènera la Maison de Montplaisir.
Mais il y a également d’autres. Al Ensen TV et al Qalam qui diffusent du Coran et des prêches à longueur d’antennes seront sûrement mises à contribution.
Puis il y a la nouvelle et non moins islamiste TNN, qui diffuse sur les fréquences de la défunte TWT et qui, également, ne cache pas son positionnent idéologique même si elle a su recruter le président Marzouki pour un programme Ramadan dernier mais qui a fait un gros flop!
A n’en pas douter, le camp islamiste est bien fourni si en plus on ajoute aux télés ci-dessus citées Radio Zitouna -cadeau inspiré de Sakhr El Matri-, qui, tout en étant maintenant au sein du service public, milite outrageusement pour un choix de société qui est celui d’Ennahdha.
Les télés outsiders
Citons d’abord la fameuse «Al Mosatkella» de Hechmi Hamdi qui ne travaille que pour le compte de Si Hechmi, premier candidat déclaré à la présidentielle, et Guide Suprême du Courant El Mahabba, anciennement dénommé Al Aridha Chaabia. Cette télé là n’a pas cessé de faire campagne depuis longtemps et elle continue. Elle a fait le buzz en 2011, en propulsant les candidats de Si Hechmi à la deuxième position à l’ANC. Effet non négligeable à suivre!
Dans la même vaine, il faut situer Al Janoubia TV qui, depuis qu’elle a été vendue par ces fondateurs musiciens -les frères Jouini- à Mohamed Ayachi Ajroudi, homme d’affaires de son état et possible homme politique, est devenue la vraie ‘voix de son maître» à longueur d’antenne pour expliquer la bonne parole de Si Ajroudi au bon peuple. Ayachi Ajroudi ne cache pas ses ambitions pour la Tunisie, il s’est même procuré un parti pour ça. Cependant, il n’a pas encore déclaré sa candidature à la présidentielle. On ne sait jamais?
Les télés courtisées
Les locomotives de l’audience seront évidement bien sollicitées de part et d’autre. Au dessus et surtout en dessous de la table. Attounsia TV est le cas atypique de cette catégorie. Les accointances notoires de Sami Fehri avec Slim Riahi laissent présager des alignements qui se dévoileront bientôt. Certains pensent qu’Ennahdha est derrière la libération de Sami Fehri et qu’il saura, avec son associé Riahi, renvoyer l’ascenseur le moment venu. Toutefois, l’audience de la chaîne et la majorité de ce qu’elle diffuse laissent sceptique quant à une réorientation totale.
Le même raisonnement vaut pour la chaîne des frères Karoui. Nessma Tv a roulé dans plusieurs directions. Elle a roulé un moment pour Néjib Chebbi lors des élections de 2011. Elle a ensuite été la cible d’une campagne hargneuses et d’un boycott total des islamistes. Elle a alors pris fait et cause pour BCE lors du lacement de Nida Tounes au point de se faire appeler méchamment “Sebsi TV”. Puis les choses se sont calmées avec Ennahdha et on a vu le Cheikh lui-même venir officier plusieurs fois sur les plateaux de Nabil Karoui. Les observateurs remarquent le pas de deux qu’essaie d’effecteur la chaîne surtout qu’elle a beaucoup perdu depuis que ses meilleurs journalistes l’ont quittée. Nessma est perçue de toute façon et jusqu’à preuve du contraire du côté de Béji Caïd Essebsi.
El Hiwar Ettounsi, très à la pointe du combat contre Ennahdha à l’été 2013, devrait être classée du côté de Nida Tounes mais son patron est en congé volontaire de son parti sans le quitter pour autant. De toute façon, El Hiwar basculera entre le Front populaire et Nida Tounes selon les humeurs … de son patron.
Hannibal TV, qui demeure bien regardée, est en phase de dislocation entre son ancien propriétaire et ses nouveaux actionnaires qui, eux-mêmes, se déchirent. Les prochaines élections contribueront sûrement à plus de remous au sein de la chaîne qui navigue dans des eaux troubles ces temps-ci.
Reste Telfza TV et Tounesna. Telfza TV est en passe de construire une grille très prometteuse avec une démarche professionnelle à saluer. Avec un tel esprit, cette chaîne ne tombera pas facilement dans la propagande gratuite qui nuirait à son projet.
Tounesna est dans un autre registre. La chaîne est soumise aux volontés de son fondateur et on ne saura pas maintenant dire sur quel pied il va danser!
Nous nous sommes limités ici à parler des télévisons. Les radios privées de la place ne présentent pas des signaux d’alignement aussi flagrant que les télés pour l’instant, mais tout est possible.