argent (Photo : Javier Soriano) |
[04/07/2014 10:05:47] Lisbonne (AFP) Les turbulences que traverse Banco Espirito Santo (BES), première banque cotée du Portugal, ont soulevé des inquiétudes sur la stabilité du secteur financier du pays, en pleine convalescence après trois années de crise.
Guerre des chefs au sein de la famille Espirito Santo, suspense prolongé sur la succession du patron sortant de la BES, irrégularités dans les comptes d’une des holdings, chute du titre en Bourse, tous les ingrédients sont réunis pour susciter des craintes de contagion.
La Banque du Portugal suit de très près la situation et a agi en coulisses pour pousser à la démission le dirigeant historique de la BES, Ricardo Salgado. Selon la presse portugaise, la Banque centrale européenne (BCE) s’en est mêlée pour réclamer une “clarification rapide” de sa succession.
Interrogé par l’AFP, un porte-parole a fait valoir que “la BCE n’est pas encore le superviseur de la BES. La responsabilité dans ce domaine reste nationale jusqu’au 4 novembre”.
Si les analystes concordent pour dire que la BES est une banque systémique, dont un effondrement représente un danger pour l’économie, ils jugent néanmoins que ses déboires ne mettent pas en péril dans l’immédiat l’ensemble du secteur.
“Le risque devrait être limité. Il est vrai que l’affaire paraît sérieuse, mais on ne devrait pas en tirer des conclusions pour tout le système financier portugais”, a commenté auprès de l’AFP Joao Cesar das Neves, professeur d’économie à l’Université catholique de Lisbonne.
Après l’annonce du départ de son PDG le 20 juin, le titre de la BES avait chuté de plus de 30%, en raison des incertitudes entourant la nomination de son successeur, prévue lors d’une assemblée générale le 31 juillet.
La capitalisation boursière de la BES, dont le groupe français Crédit agricole détient 15%, a fondu à 3,9 milliards d’euros, comparé à 6 milliards d’euros en avril.
Soucieuse de calmer les esprits, la Banque du Portugal a assuré jeudi que la solvabilité financière de la BES est “solide”.
Le superviseur portugais a fait pression pour éloigner la famille Espirito Santo, fondatrice de l’empire bancaire, du conseil d’administration de la BES. L’image de la famille avait été ternie après des révélations sur des pertes dissimulées par la holding principale du groupe, Espirito Santo International (ESI).
– Eviter la contagion –
“Le titre de la BES a été pénalisé par l’endettement et les irrégularités comptables de l’ESI”, constate Pedro Lino, analyste de Dif Broker, qui écarte cependant un risque pour l’ensemble du secteur financier.
Pour éviter une contagion, “l’Etat peut décider d’entrer rapidement dans le capital de la banque”, estime Joao Duque, professeur de l’Institut supérieur d’économie et de gestion (ISEG) à Lisbonne.
D’autant que le gouvernement peut encore compter sur 6,4 milliards d’euros non utilisés de l’enveloppe de 12 milliards d’euros prévue pour la recapitalisation des banques dans le cadre du plan de sauvetage du Portugal.
Mais le groupe Espirito Santo a toujours refusé de se faire renflouer par l’Etat, afin d’éviter un scénario semblable à la nationalisation de la banque en 1975, après la Révolution des Oeillets.
Et le gouvernement ne semble pas très enclin à voler au secours de la BES. Le Premier ministre Pedro Passos Coelho a déclaré que “l’Etat n’est pas censé réparer les erreurs commises par des groupes privés”.
Preuve de l’amélioration de leur santé financière, les banques portugaises ont déjà remboursé avant terme 40% des aides de l’Etat, et ce taux montera à 75% après un règlement attendu de Banco comercial portugues (BCP) d’un montant de 1,85 milliard d’euros.
Sous pression, la BES a tenu elle aussi à rassurer les épargnants sur sa solidité financière, qui n’est d’ailleurs pas mise en cause par les analystes. Selon Joao Duque, “les clients de la BES ne subiront pas la moindre égratignure. Sinon ce serait l’hécatombe pour le Portugal”.