Le dialogue social cher à François Hollande à un tournant

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çois Hollande au festival Solidays, le 29 juin 2014 à Paris (Photo : Thomas Samson)

[06/07/2014 09:12:43] Paris (AFP) A la veille de la troisième conférence sociale du quinquennat, le dialogue social cher à François Hollande pour mener les réformes, semble à un tournant: son bilan est en demi-teinte et son avenir sous la houlette de Manuel Valls reste à tracer.

Après un premier rendez-vous enthousiaste en juillet 2012 dans la foulée de la victoire de la gauche et un deuxième, en juin 2013, suivis assidument par les partenaires sociaux, la troisième conférence sociale s’ouvre lundi sous une menace de boycottage de deux grands syndicats, la CGT et FO, après que le patronat a levé la sienne.

“J’ai fait du dialogue social une priorité dès le début de mon mandat”, c’est “la meilleure voie possible pour le redressement” du pays, a assuré le président Hollande dans une lettre au numéro un de la CGT, Thierry Lepaon.

Mais le Premier ministre, Manuel Valls, s’est attiré la colère des syndicats en répondant, sans les consulter, aux exigences du patronat sur la pénibilité ou la simplification du code du travail. Une “rupture de l’équilibre” et une soumission au “lobbying” du patronat, en infraction aux règles du dialogue social, selon eux.

“Gouverner c’est choisir. Poser le cadre d’un dialogue c’est important mais à un moment il faut avancer, sinon le dialogue se résume à un atermoiement stérile”, estime-t-on dans l’entourage du Premier ministre au moment où le chômage et la précarité explosent.

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ôtel Matignon à Paris, le 11 avril 2014 (Photo : Fred Dufour)

Le dialogue social “à la française” n’est pas une invention de François Hollande, “la date de référence est la loi Larcher de 2007”, qui stipule que toute réforme sociale doit d’abord faire l’objet d’une concertation syndicats-patronat, souligne auprès de l’AFP Guy Groux, chercheur au Cevipof. “C’était une véritable révolution institutionnelle”.

“Le pouvoir socialiste s’est intégré dans ce processus et a imprimé sa marque”, relève cet analyste pour qui les conférences sociales ne sont “pas simplement des grands-messes”. La méthode a permis de grandes réformes, certaines structurelles, comme la loi de 2013 sur la sécurisation du marché de l’emploi ou celle de 2014 sur la formation professionnelle et la démocratie sociale, basées sur des accords préalables syndicats/patronat.

Deux ans plus tard, un premier bilan s’impose: “A quoi ça sert d’enchaîner une demi-douzaine d’accords par an sans s’interroger sur leurs résultats”, demande Jean-Marie Pernot, chercheur à l’Ires. “Un accord a été signé contre les CDD trop courts” prévoyant de les taxer, “mais le résultat est que ces CDD explosent”, relève-t-il.

– “Préserver un lieu de dialogue” –

De même l’accord sur les contrats de génération, idée phare de François Hollande, signé y compris par la CGT, est boudé par les entreprises: seules 29.000 aides à l’embauche ont été demandées depuis son lancement en mars 2013, bien loin de l’objectif annuel de 75.000. Les accords de maintien de l’emploi prévus par la loi sur l’emploi ont été un flop: seules quatre entreprises en ont signé un.

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à Paris (Photo : Miguel Medina)

Pour Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail, la conférence sociale “a une vertu: elle constitue un acte politique qui valorise le social” , mais le “grand problème c’est qu’elle met les partenaires sociaux sous le contrôle de l’exécutif”, qui décide de l’agenda, du rythme et finalement du contour des réformes.

“Le syndicalisme est totalement embarqué dans la production des politiques publiques, des accords déclinés en lois, il n’a aucune autonomie et aucun agenda propre”, résume un analyste. Or les syndicats ne sont pas là “pour faire de la figuration”, dénonce M. Lepaon.

Mais les syndicats sont eux-mêmes divisés sur leurs missions: les réformistes, comme la CFDT, défendent “l’intérêt général” – d’où leur soutien au pacte de responsabilité pour donner de l’oxygène aux entreprises et tenter de sortir du chômage de masse – FO se reconnaît comme seule mission la défense des intérêts des salariés.

Le numéro un de l’Unsa, Luc Bérille, défend ce rendez-vous: “dans un contexte de crise politique et de montée du populisme, le maintien d’un lieu de dialogue, qu’est la conférence sociale (…) est précieux et doit être préservé”.