1. Pourquoi parle-t-on maintenant du gaz et du pétrole de schiste, et quelles sont les avancées technologiques qui ont permis leur développement ?
On n’a commencé à en parler que récemment, à cause du succès énorme que ceci a eu aux Etats Unis (EU) et au Canada, et la publication par l’Agence Américaine d’Information sur l’Energie (EIA) concernant les Ressources potentielles en gaz et pétrole de schiste dans le Monde.
On parle déjà de « Révolution du gaz de Schiste » et d’une nouvelle « Ruée vers l’Or Noir » au Nord des EU! Cette révolution risque, et en fait, elle est en train de changer toute la Géopolitique énergétique dans le monde! On en parle aussi, à cause des risques potentiels que cette intense activité pourrait occasionner à l’environnement, s’ils ne sont pas bien maîtrisés (voir Q5).
Les progrès technologiques, qui ont permis cet essor du gaz et du pétrole de schiste, sont nombreux et intéressent toute la chaîne pétrolière, depuis l’exploration jusqu’à la production. On peut citer trois techniques majeures. Il s’agit d’abord, du forage horizontal, qui permet de forer la roche contenant le gaz ou le pétrole sur plusieurs centaines de m, voire sur plusieurs km.
Il s’agit ensuite de stimuler la roche en la fissurant, moyennant un fluide de fracturation injecté sous pression. Ce fluide est en général de l’eau (fracturation hydraulique), mais qui peut être aussi du propane, de l’azote ou même du gaz carbonique (fracturation dite sèche), mélangé à du sable (ou billes synthétiques), ainsi qu’à certains produits chimiques. Le sable a pour but de maintenir les fissures ouvertes pour l’écoulement des hydrocarbures, et les produits chimiques à faciliter l’écoulement de ce mélange, à éliminer d’éventuelles bactéries et éviter le dépôt de certains oxydes.
Dans le cas d’une fracturation sèche, les produits chimiques sont minimisés, sinon complètement absents. La 3ème percée technologique est relative à la Sismique 3Dimensions (ou 3D), ainsi qu’à la Micro-sismique.
Ces techniques permettent d’avoir l’architecture du sous-sol en 3 dimensions, et une ‘Radiographie’ ou ‘Echographie’ de la roche-mère, de bien positionner les forages, ainsi que les fissures provoquées dans le ‘Schiste’; en somme de bien savoir ce que l’on fait et de ne pas travailler ‘à l’aveuglette’, même à 4 km de profondeur! Ce sont ces performances technologiques, qui ont permis de réduire les coûts et qui, alliées à la volonté des EU de réaliser leur indépendance énergétique, ont permis cet exploit de développer ces hydrocarbures non conventionnels de manière économique et profitable.
Il faut noter aussi, que ces techniques existent déjà depuis quelques décennies, et ont été utilisées à des degrés divers, pour le développement des hydrocarbures conventionnels, mais elles ont été améliorées, optimisées, et utilisées de façon intensive pour les hydrocarbures non conventionnels.
2. Quelles sont les ressources mondiales en hydrocarbures non conventionnels, et en existe-t-il en Tunisie ?
Les chiffres publiés récemment par l’EIA (Energy Information Agency) ou l’IEA (International Energy Agency) donnent simplement une idée ‘théorique’ sur les volumes du gaz et du pétrole de schiste, ressources techniquement récupérables, dans un certain nombre de pays.
Ces chiffres évoluent avec l’évolution des connaissances géologiques de ces Bassins, et ne peuvent constituer des réserves de gaz ou de pétrole, qu’après l’évaluation de ces Bassins et des Roches-mères ‘schisteuses’ par des forages et diverses analyses physiques, chimiques et mécaniques.
En 2011, les Ressources en gaz de schiste dans le monde, sont estimées à environ 200 Tcm (1Tcm=1000 milliards de m3) et celles du pétrole de schiste à 1313 milliards de barils (Mb), soit environ 43% des ressources conventionnelles en gaz (462 Tcm), et 58% du pétrole conventionnel dans le monde (2245 Mb). Si on y ajoute les ressources des autres hydrocarbures non conventionnels (tight gas, tight oil, sables et schistes bitumineux, etc.), les ressources mondiales en gaz et pétrole peuvent largement doubler !
Ce qui est intéressant, c’est que ces nouvelles ressources ne sont plus concentrées au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Russie comme c’est le cas pour le gaz et pétrole conventionnels, mais de nouveaux pays peu ou pas nantis en ressources conventionnelles, peuvent devenir de nouveaux grands producteurs. C’est le cas de l’Argentine et du Brésil en Amérique du Sud, de l’Afrique du Sud et du Nord, de la Chine et de l’Inde en Asie, ainsi que l’Australie et même certains pays européens tels que la Pologne, la Suède, la Turquie ou la France.
Pour le moment, seuls les EU et le Canada qui disposent aussi d’énormes réserves en gaz et pétrole de schiste, produisent ces nouvelles ressources. Les USA produisent environ 220 milliards de m3 par an de gaz de schiste, et ont récemment dépassé le million de barils par jour de pétrole de schiste, et vont bientôt devenir le 1er producteur mondial de gaz (devant la Russie) et de pétrole (devant l’Arabie Saoudite)!
Les ressources en gaz de la Tunisie, sont bien plus modestes; elles sont estimées par l’EIA à environ 510 milliards de m3, ce qui est quand même équivalent à une dizaine de champs comme Miskar, ou 80 à 100 ans de la consommation nationale actuelle! Il faut noter que cette estimation ne concerne que le gaz des roches-mères du Silurien (Tannezuft) et du Dévonien (Aouinet Aouinine) du Sud tunisien (Tataouine, Kébili, Gabès), lesquelles roches-mères peuvent receler aussi des ressources importantes en pétrole. D’autres roches-mères du Crétacé (Fahdène et/ou Bahloul), qui couvrent la Tunisie Centrale (Kairouan, Kasserine, Sidi Bouzid) ou du nord-ouest (Béja, Jendouba, Siliana), non identifiées par l’étude de l’EIA, peuvent receler des ressources additionnelles, en profondeur, ou même en surface (sables et schistes bitumineux)!
Un article spécifique à ces ressources de surface, qui concernent non seulement les pétroliers, mais aussi les sociétés minières, sera publié prochainement. Il est donc impératif, pour l’équilibre de notre balance énergétique, nettement déficitaire, et notre économie, de bien évaluer ces ressources potentielles importantes, et de voir si elles sont techniquement et économiquement exploitables..