ésentée le 4 juillet 2014 à Shanghai (Photo : Johannes Eisele) |
[09/07/2014 08:03:51] Shanghai (AFP) Autant qu’à Boeing ou Airbus, c’est à elle-même que la Chine s’est lancée son plus audacieux pari industriel: rejoindre le club très fermé des grands avionneurs mondiaux. Et faire décoller, d’ici 18 mois, son premier moyen-courrier, symbole d’une Chine tournée vers l’innovation.
Pour l’heure, immenses cathédrales longues de 300 mètres et hautes de plus de 20 mètres, les hangars d’assemblage flambant neufs du C919, près de l’aéroport de Putong à Shanghai, sont vides et quasi déserts: à peine y voit-on les deux premières machines-outils espagnoles destinées au montage des gouvernes de profondeur et au caisson central de fixation des ailes du “Da Feiji”, le “grand avion” qui concentre les espoirs du pays.
Le défi est énorme, mais les moyens à sa mesure: illimités. Le coût total du projet reste inconnu. Le site d’assemblage de la Comac –pour Commercial aircraft corporation of China– maître d’oeuvre du projet, s’étend sur 2,4 km de long sur 1,1 km de large. Le nez de l’appareil viendra de Chengdu (sud-ouest), les ailes de Xian (nord), le fuselage de Nanchang (centre), la queue de Shenyang (nord-est). En tout, plus de 8.000 personnes sont à l’oeuvre depuis 2009 pour que, fin décembre 2014, le premier appareil, destiné aux essais, voit le jour.
“On prévoit le premier vol pour fin 2015”, déclare Zhang Zhengguo, qui accompagne pour la Comac une visite exclusive du site par l’AFP, la première d’un média étranger.
– “Encore des enfants” –
ésenté le 4 juillet 2014 dans le centre de recherches à Shanghaï (Photo : Johannes Eisele) |
Comme bien souvent dans l’aéronautique, coutumière des retards de lancement, beaucoup doutent d’un calendrier aussi serré. Mais “ils peuvent nous surprendre”, glisse un expert occidental à Pékin qui préfère l’anonymat.
“Boeing et Airbus sont adultes. Nous, encore des enfants: on peut trébucher”, confie un autre accompagnateur de la visite.
A la différence de l’industrie automobile des années 1980 avec Volkswagen, puis, 20 ans plus tard, le TGV avec Bombardier, la Chine entend démontrer avec “son” avion, conçu par ses propres ingénieurs –dont beaucoup viennent de la recherche spatiale, où elle a fait ses preuves–, que “l’atelier du monde”, c’est aussi des bureaux d’étude et de l’innovation, traditionnel point faible de son économie.
L’aviation commerciale chinoise a été soviétique jusqu’à ce que Pékin fasse le choix de Boeing dans les années 1970 avant de partager ses commandes avec Airbus à partir de 1985.
Avion monocouloir d’un maximum de 174 places, capable de parcourir une distance de 5.500 km, le C919 doit rivaliser avec les deux “stars” internationales du moyen-courrier, l’A320 d’Airbus et le B737 de Boeing. Et entamer ainsi le duopole américano-européen, que ni le canadien Bombardier, ni le brésilien Embraer ou les russes Tupolev et Sukhoi ne parviennent à inquiéter.
– Soutien total de l’Etat –
Principal atout: l’assurance de l’immense marché intérieur chinois –400 commandes déjà passées– qui doit voir sa flotte aérienne tripler d’ici à 2032 avec quelque 6.000 appareils, selon Boeing.
à Shanghai (Photo : Johannes Eisele) |
En sus, le soutien total de l’Etat. Fervent partisan du projet, associé au “rêve chinois” qu’il promeut, le président Xi Jinping a martelé: “Nous devons faire –et ferons– notre propre +grand avion+”, lors d’une visite du site en mai, posant aux commandes dans la maquette du C919.
Dans une vidéo publicitaire de la Comac, un choeur de jeunes pionniers invite à bâtir un “avion glorieux”, un chant patriotique qui compare l’appareil à une “Grande muraille dans le ciel”, en référence à la prouesse chinoise sur terre d’il y a plus de 2000 ans.
Mais il y a loin des bureaux d’étude à la piste d’envol. Si le C919 sera “made by China”, sa réalisation passe encore par une coopération étroite avec des entreprises étrangères, dont 16 ont répondu à l’appel.
A commencer par les moteurs: le C919 sera équipé du Leap, dernier-né du groupe franco-américain CFM, qui équipera également la nouvelle génération des A320 Neo et B737 MAX, assurant une réduction de 15% de la consommation.
“Le défi industriel, c’est que l’ensemble soit cohérent à l’intégration et que l’avion soit fiable à 99% comme les A320 et le 737”, relève Christophe Ménard, analyste à Paris du courtier Kepler Cheuvreux.
“Il ne faut pas prendre la menace chinoise à la légère, a prévenu Marwan Lahoud, directeur de la stratégie d’Airbus Group. Les Chinois feront de bons avions et les vendront”, a-t-il dit lors d’une interview à la Tribune lundi.
Après le défi industriel restera celui, au moins aussi épineux, des certifications: d’abord chinoise, puis européenne et américaine, clés de l’accès à l’international.
Les premières livraisons sont prévues pour 2018.