ème groupe pharmaceutique français, le 21 mai 2013 au tribunal de Nanterre (Photo : Lionel Bonaventure) |
[09/07/2014 16:54:51] Bruxelles (AFP) La Commission européenne a lourdement sanctionné mercredi le laboratoire Servier, deuxième groupe pharmaceutique français, condamné à une amende de 331 millions d’euros pour avoir entravé la mise sur le marchés de versions génériques moins chères de son médicament cardiovasculaire, le Périndopril.
Servier a immédiatement réagi dans un communiqué en exprimant “son total désaccord avec les thèses inédites développées dans la décision” et en annonçant qu’il “déposera un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne”.
Un tel recours ne sera pas suspensif et Servier devra donc payer l’amende.
Servier est sanctionné, aux côtés de cinq fabricants de médicaments génériques, pour avoir freiné l’entrée sur le marché de versions génériques de son médicament, commercialisé sous le nom de Coversyl, pour traiter l’hypertension et l’insuffisance cardiaque.
Il s’agissait “de son médicament qui se vendait le mieux, et de loin” puisqu’il a rapporté “plus d’un milliard de dollars en 2006 et 2007”, a souligné au cours d’un point de presse le commissaire européen chargé de la Concurrence, Joaquin Almunia.
Au total, l’amende s’élève à 427,7 millions d’euros et concerne aussi Niche/Unichem, Matrix (désormais Mylan), Teva, Krka et Lupin.
“Grâce à l’acquisition de technologies et à une série d’accords amiables concernant des brevets conclus avec des concurrents fabricants de génériques, Servier a mis en oeuvre une stratégie visant à exclure ses concurrents et à retarder l’entrée sur le marché de médicaments génériques meilleur marché, au détriment des budgets publics et des patients”, explique la Commission dans un communiqué.
Or, “l’expérience montre qu’une concurrence effective dans le domaine des génériques tire fortement le marché à la baisse”, souligne-t-elle, rappelant qu’en 2007, les prix du Périndopril générique ont chuté de 90% en moyenne au Royaume-Uni par rapport au prix pratiqué antérieurement par Servier.
Cela s’est produit “lorsque le seul concurrent restant qui continuait d’attaquer Servier devant les tribunaux au Royaume-Uni a obtenu l’annulation du brevet le plus important de Servier à l’époque”.
ège du laboratoire Servier, deuxième groupe pharmaceutique français, le 17 avril 2014 à Orléans (Photo : Guillaume Souvant) |
Servier faisait face à plusieurs contestations de ses brevets devant les tribunaux, mais à au moins cinq reprises, les entreprises ont préféré conclure un accord amiable avec le laboratoire français plutôt qu’aller au bout de leur démarche. Au total, les versements en espèces de Servier aux fabricants de génériques ont atteint “plusieurs dizaines de millions d’euros”, souligne la Commission
Pour M. Almunia, le comportement de Servier était “manifestement anticoncurrentiel et abusif”, car “ce type de pratiques nuit directement aux patients, aux systèmes de santé nationaux et aux contribuables”.
– “précédent regrettable” –
Servier conteste le fait d’avoir été en situation de position dominante, expliquant que le marché du traitement de l’hypertension compte une dizaine de produits concurrents du Périndopril.
Le laboratoire justifie aussi ses achats de brevets, estimant qu’ils n’ont pas eu d’effet sur la concurrence, et ses accords avec les fabricants de génériques qui “étaient d’autant plus légitimes qu’ils ont mis fin à des litiges longs, coûteux et incertains”.
“La décision de la Commission crée un précédent regrettable pour les industries utilisatrices de propriété intellectuelle”, a estimé la porte-parole du groupe, Lucy Vincent.
Servier, qui a le statut de fondation, n’est pas coté en Bourse, ce qui lui permet de “ne pas être soumis à la pression d’actionnaires extérieurs”.
Numéro deux français de la pharmacie après le géant Sanofi, le groupe est associé au scandale du Mediator, qui avait éclaté fin 2010 et fait toujours l’objet de procédures pénales et civiles. Utilisé par cinq millions de personnes en France, ce médicament est à l’origine de graves lésions des valves cardiaques et pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise judiciaire.
En 2013, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 4,2 milliards d’euros et dégagé un bénéfice net stable de 325 millions d’euros.
La Commission a déjà sévi à plusieurs reprises l’an dernier contre des laboratoires pharmaceutique accusés d’avoir entravé l’arrivée de génériques sur le marché, mais la sanction infligée à Servier est de loin la plus lourde.
En juin 2013, le laboratoire danois Lundbeck avait écopé d’une amende de 93,8 millions d’euros pour avoir retardé la commercialisation de versions génériques de son antidépresseur phare, le citalopram.
La Commission avait aussi infligé en décembre 2013 des amendes moins élevées. L’américain Johnson & Johnson avait été condamné à payer 10,8 millions d’euros et le suisse Novartis 5,5 millions pour avoir retardé l’entrée sur le marché néerlandais de l’analgésique fentanyl.