Croissance : l’industrie européenne n’a pas vécu un joli mois de mai

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à Onnaing, dans le nord de la France, le 16 mai 2013 (Photo : Philippe Huguen)

[10/07/2014 12:21:07] Paris (AFP) Du Nord au Sud, l’Europe a fortement réduit en mai sa production industrielle, alimentant certaines craintes sur la santé réelle de l’économie, qui doivent toutefois être relativisées, estiment les économistes.

Toutes les grosses cylindrées européennes ont calé en mai. La production industrielle allemande a reculé de 1,8% par rapport à avril, la britannique de 0,7%, la française de 1,7%, l’italienne de 1,2%. Seule l’Espagne sort du lot, avec +2,5%. Jeudi encore, les Pays-Bas ont annoncé avoir subi une baisse de production de 1,9%.

Hormis pour l’Espagne, “toutes (ces performances, NDLR), ont été largement en dessous des consensus et de nos attentes”, relève Christian Schulz, économiste sénior de la banque allemande Berenberg.

“Avec une industrie qui ne semble pas en mesure d’alimenter une accélération de la croissance en zone euro, s’accumulent les éléments tendant à montrer que la reprise économique de la région a déjà atteint son apogée, malgré les importantes marges de progression possibles”, estiment les analystes de Capital Economics.

“On peut parler d’un scénario de reprise avortée en Europe”, abonde Olivier Passet, du cabinet français Xerfi. “On n’a pas assez soufflé sur la braise de la reprise parce qu’on a gardé un pilotage macroéconomique trop rigoureux”, selon lui, référence aux politiques d’austérité qui ont été appliquées récemment en Europe.

Mais pour l’instant, les “indicateurs composites avancés” de l’OCDE, qui permettent de dégager des tendances pour la croissance à venir, ne permettent pas de prédire un tassement généralisé en Europe. Ils sont plutôt stables en France, en Grande-Bretagne, en Italie et en Allemagne, même si dans ce pays, l’OCDE relève que “l’activité faiblit un peu”.

De plus, les chiffres de mai doivent aussi être passés au tamis du calendrier et de ses nombreux jours fériés. Le chiffre français, par exemple, “n’a pas été bon mais c’est lié à un problème calendaire avec plusieurs jours fériés, ce qui le rend difficilement extrapolable”, estime Renaud Murail, gérant chez Barclays Bourse.

“Il y a forcement un effet statistique” du fait des jours fériés un peu partout en Europe, juge Frederik Ducrozet, économiste chez Crédit agricole CIB, mais cela n’explique pas tout.

Les observateurs se sont peut-être un peu trop bercés d’espoirs. “Il ne faut pas oublier d’où l’on vient (la crise financière et ses effets), il y a eu un petit côté euphorique qui ne reflète pas la réalité du terrain” économique qui se manifeste aujourd’hui.

– ‘Cocktail d’effets négatifs extérieurs’ –

Enfin, il y a des facteurs externes qui ont lourdement pesé sur l’Europe, notamment ce que M. Schulz appelle “l’effet Poutine”, en référence aux contrecoups des incertitudes géopolitiques provoquées par la crise ukrainienne.

“Le cycle manufacturier est le plus sensible aux évènements extérieurs”, et l’Europe a bu “un cocktail d’effets négatifs extérieurs”, juge M. Ducrozet, que ce soit la crise ukrainienne, le ralentissement chinois ou le très mauvais premier trimestre de l’économie américaine.

Mais cela “devrait être en partie corrigé le mois prochain”, selon M. Ducrozet, qui n’exclut pas quelques révisions à la baisse des prévisions de croissance à court terme, mais pas vraiment au-delà. “Les perspectives pour la demande intérieure en zone euro sont encourageantes”, notamment, estime-t-il.

Pour Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque, il y a “un ralentissement de la croissance en Europe et tout porte à croire que le troisième et le quatrième trimestre vont être assez difficiles”.

Pour l’instant, les marchés financiers, traditionnellement prompts à réagir, ne semblent pas s’inquiéter.

“Depuis le début de l’année, les investisseurs ne prêtent pas trop attention aux mauvais indicateurs économiques parce qu’ils ont conscience que les banques centrales seront à la man?uvre si besoin”, estime M. Dembik.