Portugal : la crise de Banco Espirito Santo réveille les vieux démons

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à Barcelone le 2 novembre 2006 (Photo : Lluis Gene)

[10/07/2014 16:59:35] Lisbonne (AFP) Les affres de la banque portugaise Espirito Santo (BES), dont le principal actionnaire est en proie à une grave crise financière, ont secoué jeudi les Bourses et le marché de la dette en Europe du Sud, réveillant les vieux démons de la crise.

Les autorités boursières ont suspendu la cotation de la BES pour enrayer la descente aux enfers du titre de la première banque privée du Portugal, dont les actifs pèsent plus de la moitié du PIB du pays. Au moment de la suspension, le titre plongeait de 17,24% à 0,50 euro.

La secousse s’est même fait ressentir outre-Atlantique: Wall Street reculait nettement à l’ouverture, sous l’effet des craintes concernant l’économie européenne. Le Dow Jones perdait 0,79% et le Nasdaq 1,09%.

La crise du groupe Espirito Santo “a torpillé les valeurs financières en Europe et ravivé les cauchemars les plus sombres des investisseurs sur l’Europe”, a commenté Peter Garnry, analyste de Saxo Bank.

Les inquiétudes croissantes des investisseurs concernant la solvabilité du groupe ont fait grimper les taux d’emprunt du Portugal, qui est sorti de son plan de sauvetage international en mai.

Le taux à dix ans du Portugal sur le marché obligataire s’est tendu fortement à 3,921%, contre 3,771% mercredi. Dans la foulée, les taux d’emprunt de l’Espagne et de l’Italie sont également remontés.

“Les problèmes de la BES touchent en particulier les obligations portugaises, mais il y a également un effet de contagion aux autres pays du Sud de l’Europe”, a souligné Patrick Jacq, un stratégiste obligataire de BNP Paribas.

Toutefois, “il n’y a pas de raisons de s’inquiéter outre mesure à ce stade, le sujet devrait être circonscrit assez rapidement”, a-t-il tempéré.

Les turbulences que traverse la BES pesaient sur les marchés boursiers depuis l’annonce dans la matinée de la suspension de l’action de son principal actionnaire, Espirito Santo Financial Group (ESFG).

Après avoir chuté de plus de 8%, ESFG avait décidé d’arrêter sa cotation, en raison des “difficultés” que traverse la holding de tête du groupe, Espirito Santo International (ESI).

Lourdement endettée, la holding ESI n’a pas honoré à temps des échéances d’obligations détenues par des clients en Suisse. Le groupe s’apprête à dévoiler un plan de restructuration de la dette d’ESI.

– Regain de tensions –

“La BES fait les gros titres aujourd’hui et est largement responsable de la chute des actions au Portugal et dans d’autres pays périphériques comme l’Italie et l’Espagne”, a relevé Markus Huber de la maison de courtage Peregrine & Black.

En première ligne, la Bourse de Lisbonne a chuté jeudi de 4,18%. Les places de Madrid et de Milan ont reculé respectivement de 1,98% et de 1,90%. Partout en Europe, les titres bancaires étaient à la peine.

Signe du regain de tensions, l?espagnol Banco Popular a renoncé à une émission obligataire et le groupe italien Rottapharm a reporté son introduction en Bourse en attendant des conditions de marchés plus favorables.

De retour sur le marché de la dette jeudi, la Grèce n’a pu lever que 1,5 milliard d’euros, la moitié de la somme visée.

Mercredi, l’agence d’évaluation financière Moody’s avait enfoncé plus loin en catégorie “spéculative” la note de Espirito Santo Financial Group, à Caa2, la plaçant à quelques crans du défaut de paiement.

La structure du groupe est complexe: ESI détient 49% d’ESFG, lui-même premier actionnaire de la BES avec 25%. La BES figure sur la liste des 129 plus importantes banques européennes établie par la Banque centrale européenne.

L’autre actionnaire historique de la BES avec 15%, le français Crédit Agricole n’était pas disponible pour commenter la situation.

L’image de la famille Espirito Santo, vieille dynastie bancaire portugaise, avait été ternie par la découverte de pertes de 1,3 milliard d’euros dissimulées par la holding ESI.

Soucieuse de dissocier la banque des holdings en difficulté, la Banque du Portugal a agi en coulisse pour écarter la famille du conseil d’administration de la BES, dont le PDG Ricardo Salgado.