Environnement : Graves menaces sur le parc ornithologique au Lac Sud de Tunis

Par : TAP

Un tadorne de belon, joli canard au plumage éclatant, tente, tant bien que mal, de défendre ses trois petits, contre l’attaque d’un chien, qui s’avère plus tard celui d’un gardien des lieux.

Les canetons, encore vulnérables et dépendants de leur mère, trouvaient du mal à se déplacer et allaient dans tous les sens au milieu d’une végétation desséchée et sauvage, qui les a, heureusement, sauvé du danger jusqu’à l’intervention des humains.

La scène a choqué un groupe de l’Association des amis des oiseaux (AAO), qui visitaient le lac sud de Tunis, lors d’une sortie de suivi de leur projet pilote de développement d’activités éco-touristiques pour la conservation de la biodiversité de la zone humide dite TP4 (partie peu profonde du lac).

lacsud-tunis-680.jpgTunis, des richesses ignorées

A Tunis, peu de gens savent qu’à quelques kilomètres de l’Avenue très animée de Habib Bourguiba, se trouve un précieux parc ornithologique qui sert d’habitat pour plus de 80 espèces d’oiseaux d’eau durant une période critique de leur cycle biologique (reproduction, mue, migration hivernage).

Depuis l’antiquité, l’homme se sentait attiré par la nature et notamment, par les oiseaux, ces symboles de la liberté, dont le chant peut être une thérapie pour l’être humain. Leur observation dans le ciel est, en soi, un spectacle gratuit qui fascine et fait rêver. Aujourd’hui, des colonies de ces merveilleuses créatures ont trouvé un refuge très proche d’un milieu urbain, à leurs risques et périls.

C’est bien le lac sud de Tunis et précisément, la zone humide dite TP4 (terre-plein n°4), qui accueille cette colonie d’oiseaux (aigrettes, hérons, canards, limicoles, spatules, cormorans, sternes goélands, mouettes, grèbes..) et des flamants roses nichant sur l’île de Chikly qui abrite un ancien fort espagnol et constitue aujourd’hui une réserve naturelle.

Une riche avifaune aquatique sans protection

Malgré sa riche avifaune aquatique, étant aussi un abri pour la reproduction des poissons et la mue des alevins avant leur retour en mer, le site n’a pas un statut national adéquat, pour assurer sa protection. A ce jour, il ne fait pas l’objet d’aucun projet national de mise en valeur, sérieux.

Car, une fois au milieu de la zone humide, animée par les gazouillements des oiseaux et où l’air est si frais, le visiteur sent, tantôt, l’odeur des algues marines, tantôt, la puanteur des marécages. Malheureusement, il peut constater que plusieurs menaces mettent le site en péril (décharge de déchets solides, pêche illégale, sorties non réglementées).

Déjà, à l’entrée du site, aucune indication n’est visible, ni affiches ni enseignes lumineuses, alors qu’il s’agit d’une réserve ornithologique et d’une zone humide d’importance internationale.

Des montagnes de gravats dénaturent le paysage et obstruent l’horizon, peuplé d’oiseaux de différentes espèces. Pis encore, des déchets plastiques et ménagers pour la plupart, sont amassés à la surface de chaque îlot de cette zone.

Aux abords des surfaces d’eau, des traces de campements nocturnes et des canettes et des bouteilles de vin cassées, laissées par des personnes venues, vraisemblablement, non pour admirer le spectacle des lumières de Tunis, mais pour cuver leur vin, loin des regards curieux.

Le site d’environ 50 hectares, situé entre la ville et le Golfe de Tunis et divisé par le canal de navigation qui relie La Goulette à Tunis, est, pourtant, inscrit, depuis janvier 2013, sur la liste RAMSAR (zone humide d’importance internationale) et classé, depuis 1998, comme zone importante pour la conservation des oiseaux par “Birdlife International”.

Claudia Feltrup Azafzaf, directrice exécutive de l’AAO, et Ibtissem Hammami Bouzayani, chargée du projet pilote du Lac Sud entrepris par cette ONG, estiment que le site est actuellement, exposé à la convoitise et à la destruction de ses composantes naturelles, en l’absence d’une stratégie concertée pour sa conservation et sa valorisation.

L’association a déjà entrepris des actions de nettoyage et s’emploie à associer, pour la sauvegarde de cette zone à l’écosystème riche, les parties concernées et les structures étatiques et privées (Municipalité de Tunis, ANPE, APAL, Ministère de l’agriculture, ONTT, ONAS, CRDA…), à leur œuvre.

La tâche n’est pas des plus commodes, car d’après les responsables de l’ONG, la coordination entre les différents intervenants fait défaut et en l’absence d’une volonté ferme de la part des autorités, le chemin est encore long pour aboutir à des résultats concrets.

Le rêve d’une mobilisation nationale pour préserver le site

Le Comité local d’appui à la gestion du Lac Sud de Tunis, un think tank crée à l’initiative de l’AAO, se réunit régulièrement pour évaluer la situation du site et proposer des pistes de valorisation.

Les membres du comité ont recommandé, entre autres, la réalisation d’une étude d’impact pour tout projet voulant s’implanter dans cette zone, afin de limiter ses répercussions sur l’écosystème, le renforcement du gardiennage, la mise en place de barrières flottantes pour minimiser le taux des déchets provenant de l’ancien port de Tunis, charriés par les courants d’eau jusqu’à la TP4 et la résolution du problème de la pollution liquide au niveau de cette zone.

Ils ont aussi évoqué la possibilité de développer l’activité d’observation des oiseaux et pourquoi pas la création d’un musée ornithologique à l’entrée de la zone TP4.

Car, peu de gens savent que la Tunisie, riche de ses réserves naturelles, ses montagnes et ses zones humides, est une destination idéale pour l’observation des oiseaux ou le “birdwatching”. On peut y observer environ 180 espèces, d’après les guides ornithologiques.

En effet, le pays devient, notamment, pendant les mois de mars et juin, l’un des ponts migratoires les plus importants du monde.

D’après les ornithologues et les responsables de l’AAO, le Lac Sud de Tunis, qui abrite environ 80 espèces d’oiseaux est un site où l’activité du birdwatching pourrait se développer davantage pour peu que les structures étatiques prennent au sérieux la question de la conservation des richesses naturelles.

WMC/TAP