à Guerlesquin, le 5 novembre 2013 (Photo : Damien Meyer) |
[14/07/2014 10:03:29] Rennes (AFP) L’avenir de l’abattoir breton de volailles Tilly-Sabco, un des principaux acteurs de la filière poulets à l’export, suscite l’inquiétude de ses quelque 340 salariés qui en appellent à l’Etat, son principal fournisseur ayant cessé l’approvisionnement en poussins en l’absence de garanties de paiement.
“Depuis le 28 juin, il n’y a plus de poussins mis en place chez les éleveurs par Nutréa”, une filiale de la coopérative bretonne Triskalia, a expliqué à l’AFP Corinne Nicole, déléguée CGT de cet abattoir dont le principal marché est le Moyen-Orient où il fait face à la féroce concurrence du Brésil.
Les volailles étant élevées environ 45 jours avant d’être achetées par l’abattoir, “il n’y a rien de programmé en termes d’activité à partir de 11 août et jusqu’au 8 septembre”, se désole Corinne Nicole. Au-delà, “il faudrait que Nutréa remette des poulets” à l’élevage, poursuit-elle.
“Voilà l’enjeu”, pointe la déléguée syndicale, selon laquelle Tilly-Sabco, basé à Guerlesquin (Finistère) “fait vivre au total 1.000 emplois directs”.
“A partir du moment où on n’a pas de vision de paiement des poulets, on préfère ne pas les mettre en place chez les éleveurs”, justifie la direction de Nutréa, seul fournisseur de Tilly-Sabco.
Selon Mme Nicole, Nutréa serait “prêt à s’engager s’ils ont des garanties de l’Etat sur le paiement”.
Les salariés de Tilly-Sabco — qui n’en sont pas à leur première manifestation — mais aussi des éleveurs, qui partagent la même inquiétude, se sont mobilisés jeudi et ont notamment bloqué les voies de chemin de fer à Guingamp. Ils prévoient mardi après-midi une nouvelle action, encore secrète, avant une réunion en préfecture de Région, à Rennes, programmée mercredi, selon Mme Nicole.
Les difficultés de Tilly-Sabco, dont 80% de la production est destinée au Moyen-Orient, principalement dans la péninsule arabique, remontent à la suppression au milieu de l’année 2013 des aides européennes à l’exportation pour les poulets congelés — les restitutions — qui soutenaient la filière à hauteur de 55 millions d’euros par an.
– Filière malade –
Les deux groupes français Doux — lui-même touché ces deux dernières années par de graves difficultés — et Tilly-Sabco, étaient les derniers à toucher ces subventions en Europe. Celles-ci leur permettaient de supporter le différenciel de compétitivité avec le Brésil, principal concurrent des Français sur le marché du poulet congelé destiné au Moyen-Orient, un différenciel dû notamment aux coûts de production, aux normes sanitaires et aux parités monétaires.
La France a dégagé, fin 2013, 15 millions d’euros afin d’aider la filière “poulet export” à gérer la fin de ces subventions européennes. De son côté, Tilly-Sabco a récemment bénéficié d’une avance de 4 millions d’euros remboursables de la part de l’Etat, du Conseil régional de Bretagne et de la CCI de Morlaix.
Pour Corinne Nicole, c’est “toute la filière export qui est malade du fait de la concurrence” internationale. “On ne règlera pas le problème de Tilly-Sabco si on ne règle pas le problème de la filière export”, analyse-t-elle.
En attendant, il est nécessaire que le gouvernement français redistribue une part de la PAC à la filière volailles, estiment les intéressés. Une aide, plaide-t-on chez Tilly-Sabco, qui serait versée aux producteurs, ce qui permettrait à l’abattoir d’acheter moins cher le poulet vivant et de conserver ainsi les parts de marché sur le Moyen-Orient.
Corinne Nicole évalue le montant de l’aide nécessaire à “60 millions d’euros par an, pour toute la filière”, le temps qu’elle “se restructure, trouve des solutions pour se passer un jour des aides”.
Pour elle, l’enjeu est de taille: “la filière volaille export représente entre 12 et 15.000 emplois directs et indirects en Bretagne”, affirme-t-elle.