Terrorisme : le blocage des sites internet serait “inefficace”

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érique (CNN) (Photo : Lionel Bonaventure)

[16/07/2014 08:25:22] Paris (AFP) Le Conseil national du numérique (CNN) a jugé mercredi que le dispositif de blocage des sites internet faisant l’apologie du terrorisme, prévu par le gouvernement, est “techniquement inefficace” et “inadapté aux enjeux de lutte contre le recrutement terroriste”.

Le CNN, instance consultative indépendante, avait été saisi le 25 juin par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, sur l’article 9 du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

Le texte présenté il y a une semaine en Conseil des ministres prévoit la possibilité de contraindre les fournisseurs d’accès à fermer “des sites diffusant des propos ou images provoquant à la commission d?actes terroristes ou en faisant l?apologie”, afin d’enrayer la multiplication des départs de ressortissants français pour la Syrie.

“Les dispositifs de blocage auprès des FAI sont facilement contournables par les recruteurs comme par les internautes puisqu’ils ne permettent pas de supprimer le contenu à la source”, juge le CNN dans son avis.

Des expériences de contrôle similaires menées aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Australie ont par ailleurs révélé des risques de surblocage ou de sous-blocage des contenus.

“La seule solution serait d’inspecter directement et massivement le contenu des communications des internautes, faisant ainsi peser des risques graves en matière de la vie privée et de la liberté de conscience”, note le CNN.

Celui-ci estime en outre qu’il “présente le risque de pousser les réseaux terroristes à complexifier leurs techniques de clandestinité”, compliquant ainsi le travail des enquêteurs.

En conséquence, “le Conseil est d’avis que le dispositif de blocage proposé est techniquement inefficace” mais également “inadapté aux enjeux de lutte contre le recrutement terroriste”.

“Le principe du recours à une autorité judiciaire préalable reste indispensable”, qu’il s’agisse d’un dispositif de surveillance, de suppression ou de blocage de contenus, assure en effet l’instance, qui a régulièrement défendu ce point de vue par le passé sur des sujets voisins.

Cette position est maintenue en premier lieu car “le risque de surcharge des tribunaux parfois évoqué n’est pas caractérisé”, le nombre de sites de recrutement étant compris selon les experts entre une dizaine et une centaine.

“Le recours au blocage peut avoir un effet contreproductif en attisant l’envie de consulter les contenus bloqués”, souligne le CNN, qui souhaite qu’une recherche approfondie sur le processus de radicalisation soit menée.

Le projet de loi préparé par la place Beauvau est aussi critiqué car il “n’offre pas de garanties suffisantes en matière de libertés”, l’avis allant jusqu’à réclamer “un moratoire sur l’ensemble des projets de dispositions instituant des mesures de blocage ou de filtrage sur internet”.

Le CNN, s’il souhaite qu’un bilan des dispositifs en place depuis 2004 soit effectué, propose néanmoins de mettre en place une procédure judiciaire accélérée pour les simples réplications de contenus déjà condamnés.

Enfin, il est favorable à une coordination internationale accrue et à l’utilisation d’outils déjà existants sur les moteurs de recherche, les réseaux sociaux ou les sites de vidéo, bien plus souples et adaptés que le blocage selon lui.