Agriculture : L’orge hydroponique peut-il sauver les éleveurs tunisiens

Par : TAP

orge-hydroponique-680.jpgL’agriculteur ou l’éleveur tunisien, d’habitude très attaché à sa terre, trouve de plus en plus du mal à garder ce capital et à pérenniser son activité en raison des difficultés rencontrées pour subvenir aux besoins de son bétail face au coût très élevé des fourrages.

La technique hydroponique, culture hors-sol de plantes fourragères, tel que l’orge, pourrait être une solution en vue de produire les aliments pour bétail, subvenir aux besoins croissants du cheptel et par conséquent sédentariser, notamment, les éleveurs et les dissuader d’abandonner leurs activités.

Toutefois, l’efficacité de cette technique, initiée en Tunisie jusqu’à ce jour par des privés, reste encore à prouver selon les structures officielles. Farhat Ben Salem, sous-directeur à l’Office de l’élevage et des pâturages (OEP), a souligné que la technique de l’orge hydroponique “n’a pas encore prouvé son efficacité bien que les privés la promeuvent comme étant la solution idoine pour réduire le coût des fourrages”.

M. Ben Salem, spécialiste en pâturages et fourrages, a rappelé, dans ce contexte, qu’une commission consultative regroupant les différents services du ministère de l’agriculture, a été créée pour examiner l’efficacité de cette technique de l’orge hydroponique.

Les membres de cette commission ont décidé de lancer, en avril 2013, trois projets de recherche en collaboration avec des centres privés à Sfax, Sidi Thabet et au sein de l’Institut National de la Recherche Agronomique de Tunisie (INRAT).

Les résultats de ces recherches seront présentés bientôt selon M. Ben Salem. Le responsable a, par ailleurs, déclaré, à l’agence TAP, que la commission a recommandé, via des correspondances adressées aux services agricoles régionaux, la sensibilisation des éleveurs à la nécessité de ne pas utiliser l’orge hydroponique avant que les résultats des recherches ne soient dévoilés.

Il a annoncé, à cet effet, qu’un atelier national sera organisé pour présenter les résultats des recherches au public, soulignant que si les résultats prouvent l’efficacité de cette technique, les autorités de tutelle vont mettre tout en œuvre pour encourager les éleveurs à utiliser l’orge hydroponique pour nourrir leurs bétails.

Un taux “satisfaisant” mais variable…

Le directeur du développement des ressources fourragères à l’OEP, Fathi Kouhis, a souligné que le taux de couverture des besoins nationaux en fourrages est “satisfaisant” mais variable et toujours dépendant des conditions climatiques durant les saisons agricoles. Ce taux est estimé à 80% pour les ruminants et à 100% pour le secteur avicole et cunicole, selon Kouhis.

Le responsable a fait état, dans le même contexte, d’une augmentation des superficies des cultures fourragères, lesquelles sont passées de 290 mille hectares à 330 mille hectares. Il a évoqué, sur un autre plan, l’introduction de nouvelles variétés fourragères à forte productivité, telles que l’ensilage du Nord et le ray grass annuel, outre les espèces fourragères productives à l’instar de la luzerne de Gabès et le Bersim.

Selon Kouhis, la subvention des prix des semences, décidée par l’Etat, a permis d’accroitre les superficies des fourrages d’été. Dans ce cadre, il a évoqué un programme spécifique aux gouvernorats du Centre et du Sud concernant les semences du sorgho fourrager dont le prix est subventionné à hauteur de 50%, outre la subvention de 30% des prix des variétés locales (Bersim, luzerne et avoine).

Il y a lieu de rappeler que l’Etat intervient, durant les années de sécheresse, pour la maîtrise des prix des fourrages grossiers via une subvention des prix des balles de luzerne (100 millimes/Kg) et l’exonération de ce fourrage des impôts et des taxes douanières et aussi de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Le responsable a indiqué que les agriculteurs sont, actuellement, approvisionnés en orge subventionné (380 millimes/Kg), précisant que cette subvention sera réduite en janvier 2015 et que le prix de l’orge subventionné atteindra, par conséquent, 420 millimes. Pour la saison 2013-2014, les superficies fourragères pour l’automne sont estimées à 302 mille hectares, dont 67 hectares sont réservés à la production des fourrages verts.

Davantage de solutions pour promouvoir le secteur fourrager

Depuis 1990, une stratégie nationale pour la promotion des pâturages qui contribuent entre 25 et 30% de l’alimentation animale, a démarré dans l’ultime but de porter à 1 million d’hectares les superficies pastorales. Des pistes sont explorées, dans ce cadre, par le ministère de l’agriculture pour développer le potentiel fourrager, dont le traitement du foin par l’urée (accordé par l’Etat gratuitement), la valorisation du grignon d’olive et des dattes déclassées sous forme de balles de fourrages.

Le directeur du développement des ressources fourragères à l’OEP a conclu que cette structure doit intensifier les efforts en vue de valoriser les déchets agricoles industriels et les utiliser pour l’alimentation du bétail, tout en veillant à associer les structures professionnelles concernées à ces actions.

Lien étroit entre bon rendement et qualité des fourrages

La filière de l’élevage, qui assure 35% de la production agricole en Tunisie et constitue une source de vie pour des milliers d’éleveurs, fait face, actuellement, à plusieurs défis. Il s’agit surtout d’améliorer la qualité des fourrages dont la valeur nutritive demeure faible pour le bétail, ce qui joue certainement sur le rendement et la qualité de production de la viande rouge ou du lait. Déjà, une étude élaborée par deux ingénieurs de l’UTAP (Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche), Mnawer Sghair et Bassem Mouelhi, a montré que l’utilisation excessive de fourrages à faible valeur nutritive, tels que la paille, le son de blé (seddari) et le foin entraîne une sous-exploitation du patrimoine génétique des races pures de génisses par exemple (moins de 3750 Kg par génisse par an).

L’utilisation excessive de ce type de fourrages provoque, également, la baisse de la fertilité du troupeau et d’autres problèmes de santé et entraîne aussi une hausse du coût de production. Selon la même étude, la filière de l’élevage fait également face à une baisse de la production des fourrages verts et l’utilisation excessive des fourrage composés avec des quantités variant entre 300 à 400 kg par vache par an.

Un kilogramme de fourrages composé produit environ 1,6 litre de lait alors qu’un kilogramme d’urée produit 2,8 litres de lait.